Le colonialisme, un projet humanitaire ?
Nicolas Bancel
A l’occasion de la sortie du livre "La République coloniale" (Albin Michel, 2003), l'équipe du Crash a reçu Nicolas Bancel, historien et spécialiste des questions coloniales, afin de discuter des rapports entre colonialisme et humanitarisme. Nous vous proposons ici le verbatim de son intervention et les questions qui découlent de cet échange enrichissant.
Qu'est-ce que la République coloniale ? L'accolement de ces deux termes ne va pas de soi. Quand on pense à la République, on pense à un projet universel égalitaire fondé sur les valeurs de la révolution de 1789, on pense à un acte de générosité ainsi qu'à une conquête des esprits avec ce qui, finalement, fonde notre identité politique en France. Comment peut-on accoler ce mot avec celui de colonisation ? L'idéal universel des droits de l'homme a-t-il été trahi par la colonisation ou au contraire, en est-il constitutif ? Quelles leçons peut-on en tirer au regard des pratiques humanitaires contemporaines ?
La question est de savoir si la France républicaine n'a pas cru en sa mission civilisatrice et si la défense des idéaux universels de la république, de la Révolution française, des droits de l'homme, n'était pas également au coeur du projet colonial - et pas seulement un alibi. Ce qui voudrait dire qu'une certaine conception de l'universalité des droits est compatible intellectuellement et pratiquement avec des pratiques coloniales. Ceci nous invite à regarder d'un peu plus près, à la fois l'histoire coloniale et nos propres racines.
Comment comprendre que des institutions comme la ligue des droits de l'homme aient été d'ardents défenseurs de la colonisation ? Comment comprendre, plus généralement, le fait que des républicains, qu'on dit progressistes, aient été les principaux instigateurs du projet colonial, d'une mission coloniale, civilisatrice, au début des années 1880 ? Il y a d'abord une raison historique très simple : la 3ème république est une formation politique très fragile, sur le plan politique comme sur le plan social.
La colonisation a d'abord une fonction interne avant d'avoir une fonction externe. Il s'agit de créer la communauté autour d'un projet qui va, en quelque sorte, subvertir les antagonismes politiques et les antagonismes de classes. Au début des années 1880, les républicains comme les conservateurs ont en commun la peur d'une révolution sociale. Cette peur, animée par les expériences récentes de 1848 (les Trois Glorieuses) et 1870 (la Commune), plane sur l'ensemble des débats politiques.
Le mouvement républicain entreprend également une sorte de colonisation de la métropole. Autrement dit, avant d'être une projection vers le monde, la colonisation vise la métropole et s'articule autour d'un projet qui est un projet d'intégration, qui se fait par l'imposition d'une langue unique, la lutte contre les formes culturelles régionales. Ce projet passe par la création d'institutions centralisées, telle que l'école mais aussi l'armée avec la conscription. En conséquence, la colonisation telle qu'elle est conçue en 1880 est une forme de prolongement de la conquête de la métropole. Il y a en effet une fonction républicaine d'homogénéisation culturelle, qui est parfaitement assumée à ce moment là, et cette colonisation de la métropole va ainsi donner toutes les armes discursives pour la formation du projet colonial.
Le projet colonial est un projet de grandeur national qui doit permettre de mobiliser les institutions qui sont potentiellement dangereuses pour la république, en particulier l'armée, l'adhésion d'un certain nombre d'officiers à la République étant toujours sujette à caution. La colonisation consiste en effet en la projection d'une force militaire vers l'extérieur, dans un théâtre qui n'est pas un théâtre européen, et qui permet ainsi de donner des satisfactions à l'armée. Mais l'armée n'est pas à l'initiative de la conquête coloniale, de nombreux officiers s'y opposent d'ailleurs au motif qu'elle détournerait l'armée de l'objectif qu'ils considèrent prioritaire à l'époque : la reconquête de l'Alsace et de la Lorraine.
Créer de la communauté, c'est aussi créer un corpus de valeurs sur lequel l'ensemble de la population va pouvoir se reposer et dans lequel elle doit pouvoir se reconnaître. Il faut bien comprendre que la période des années 1880 est une période de formidables transformations sociales et techniques : la révolution industrielle et les inventions qui la jalonnent (le chemin de fer, l'électricité...) opèrent des changements brutaux dans les modes de vie. La brutalité de ces changements, pensons aux millions de paysans déracinés, confrontés à l'univers de travail des manufactures et des premières industries crée une angoisse formidable sur l'avenir mais aussi la formation de sa propre identité. Le projet républicain colonial a donc pour fonction de créer ces valeurs consensuelles sur lesquelles on espère que la plupart des gens vont pouvoir se reconnaître et s'agréger.
La colonisation, telle qu'elle est formulée au départ, est un projet qui emprunte au vocabulaire de la pédagogie républicaine : pourquoi va-t-on conquérir ? Il s'agit d'obtenir une extension de puissance qui soit bénéfique, dans laquelle on puisse agréger des populations conquises à un vaste ensemble avec cette idée, lointaine bien sûr, mais peut être réalisable, que dans quelques décennies, quelques siècles peut être, ces populations pourront rejoindre les lumières de la civilisation et devenir des petits Français. L'idée centrale, c'est cette idée que la civilisation européenne, et française particulièrement, va permettre de subvertir totalement les autres formes de cultures quand elle sont reconnues, ce qui n'est pas toujours le cas (par exemple c'est le cas du Maghreb et pas de l'Afrique noire) et imposer une occidentalisation républicaine du monde, où cet espace colonial est amené à se fondre dans l'espace national.
Sur quels principaux concepts la mission civilisatrice s'articule-t-elle ?
Le projet colonial, pour ceux qui l'ont conçu, est d'abord un projet d'égalité, mais une égalité différée à long terme. Effectivement en 1880, on ne pense pas qu'il soit possible d'accéder à cette égalité immédiatement pour des raisons qui tiennent aux conceptions de l'époque sur l'infériorité des civilisations qu'on va conquérir, conceptions dont n'est pas absente l'idée de hiérarchie entre les races. Néanmoins, l'idée que l'égalité pourra être atteinte un jour est présente d'emblée.
L'idée de progrès est la deuxième valeur fondamentale de la mission civilisatrice. Cette idée est celle d'un progrès continu, linéaire de l'humanité vers le perfectionnement intellectuel, la complexification sociale, le progrès technique. Elle reflète un contexte de prédominance du positivisme sur pratiquement l'ensemble des sciences sociales qui sont en train d'émerger mais aussi sur une grande partie de la pensée politique et philosophique. Ce positivisme et cette foi extraordinaire en la science s'appuient, à l'insu de l'acteur de l'époque, sur un ethnocentrisme évident. Le progrès technique et scientifique, dont l'Europe et particulièrement la France, conçue comme sa représentante la plus éminente, sont porteuses, doit s'étendre et doit être distribué dans ces espaces qu'on désigne comme des espaces d'arriération ou de sauvagerie. Ce progrès technique et scientifique appliqué aux espaces coloniaux sera en quelque sorte le moteur de la transformation des sociétés locales vers leur intégration dans cet espace impérial rêvé, utopique créé par la colonisation.
La mission civilisatrice emprunte aussi au vocabulaire pédagogique de l'école, c'est en cela qu'il y a une véritable similitude entre ce que la République tente de faire sur le territoire national dans les décennies qui précèdent et ce qu'elle produit dans la colonisation moderne. L'école est au centre de tout. C'est l'institution qui va être le vecteur de l'imposition de la République et les indigènes coloniaux, tels qu'on les nomme à l'époque, doivent être amenés par l'éducation à rejoindre la civilisation française.
Le projet colonial républicain repose donc sur une vision de la société qui est celle de la société française. L'égalité projetée ne peut se faire que dans le cadre d'une annihilation des cultures et des sociétés locales. Il y a donc implicitement dans ce discours une violence incontestable qui est faite à l'endroit de ces sociétés car on les nie dans leur existence ou on leur réserve une place minorée sur une échelle hypothétique des civilisations. Néanmoins, le projet colonial français maintient l'idée que la transformation de ces sociétés est possible. La particularité du modèle colonial français par rapport à d'autres types de colonisation, notamment celle menée par les Britanniques, réside dans les méthodes envisagées pour cette transformation : une administration forte, directe, des populations indigènes et, dès les années 1910, une politique d'alliance et d'incorporation des classes dites « évoluées » dans la société blanche coloniale.
Ce projet très rapidement expliqué ici entre en contradiction évidemment flagrante avec ce que va être la colonisation dans la pratique. La colonisation repose en effet nécessairement, parce que c'est la condition de sa survie, sur une inégalité des rapports sociaux et raciaux, autrement dit une inégalité des rapports entre les colons et les colonisés. Donner des droits aux colonisés, ce serait bien sûr prendre le risque de la fin de la colonisation. Ce risque est d ailleurs en permanence en filigrane dans les débats qui agite la reforme sur le colonial notamment à la Ligue des Droits de l'Homme. La pratique coloniale va par conséquent être une pratique inégalitaire en instituant des droits séparés entre colons et colonisés, à la fois sur le plan politique et sur le plan des juridictions (code de l'indigénat jusqu'en 1945), et une inégalité fondamentale sur le plan économique.
La base sociale du pouvoir colonial, c'est le colonat blanc. Plus le colonat est important, plus les réformes vont être difficiles à entreprendre. Ainsi, en Algérie, considérée comme la colonie la plus développée et comme une vitrine de la colonisation française, le poids inégalé du colonat - les pieds noirs - va rendre toute transformation impossible. A l'inverse, c'est dans les pays qui sont perçus comme les moins développés dans l'optique de la modernisation coloniale tels ceux d'Afrique occidentale ou d'Afrique équatoriale françaises, pays où l'influence du colonat est très faible, que les réformes vont être possibles et vont permettre progressivement, après la 2ème Guerre mondiale, l'institution du suffrage universel, l'autonomisation des pouvoirs locaux et finalement la transition vers une indépendance à l'Anglo-saxonne.
La colonisation produit une alliance singulière entre les laïcs et les missions religieuses, ce qui n'est pas sans intérêt pour une réflexion sur la genèse de l'humanitaire. Cette alliance, dans un contexte de véritable « guerre de religion » entre les « laïcards » républicains et les catholiques français, est rendue possible par le fait que, dans les pays colonisés, les missions religieuses comme le pouvoir colonial, l'administration coloniale et les écoles laïques poursuivent le même objectif : celui de la conquête des « indigènes », conquête à la fois militaire, spirituelle, et conquête par les savoirs. Cette communauté d'objectifs va être à l'origine d'un vocabulaire commun entre ce que doit être la mission civilisatrice coloniale dans les pays sous domination française et les objectifs des missions religieuses. Peut-on dire pour autant que l'humanitaire puise sa raison d'être dans le vocabulaire de la mission civilisatrice coloniale ? Ou peut-on dire tout au moins qu'il y a une continuité discursive entre les deux ?
Il n'y a pas d'ambiguïté, selon moi, sur la continuité du discours. De fait, l'humanitaire est fondé sur des préceptes qui renvoient à cette mission civilisatrice. Il y a d'abord une sorte de charité internationalisée comme on l'a connu dès la fin du 19ème siècle mais il y a aussi l'idée qu'on ne construit pas que des hôpitaux, on ne va pas que soigner des blessés, il faut aussi faire des puits, construire des infrastructures, faire des écoles, ce qu'on appelle l'aide technique. Il s'agit donc d'une vision où le progrès s'impose comme la valeur normative universelle, une vision qui est déjà au coeur du discours colonial.
Il est intéressant de noter que le discours humanitaire se forme à la fin des années 60 et s'institutionnalise dans les années 70 et 80. Il s'est donc écoulé une dizaine d'années entre la décolonisation et la formation de ce discours. Mon hypothèse est qu'il existe un certain nombre de respirations historiques qui permettent à une société comme la société occidentale de trouver les moyens de ses conquêtes dans certaines périodes, de connaître ensuite des périodes de rétractions dues à des défaites, tel le processus historique de longue haleine qu'est la décolonisation, puis de trouver des médiations sociales qui permettent de se re-projeter à l'extérieur. L'humanitaire me semble être l'une de ces médiations, par laquelle l'Occident peut se re-projeter dans des conquêtes, qui sont bien sûr des conquêtes symboliques, mais qui ont des effets sociaux incontestables dans les pays où l'humanitaire agit.
Dans ce nouveau mouvement de projection, il me semble que s'inventent de nouvelles pratiques où ce n'est plus le politique qui agit mais la société dans son ensemble. Autrement dit, l'humanitaire me semble participer d'un mouvement, perceptible dans un ensemble de pratiques sociales, à la fin des années 60 et au début des années 70, qui rend de nouveau la projection possible, même si elle reste symbolique, non militaire et non politique. Je pense notamment à tout ce qui va devenir, dans les années 1970, le tourisme au loin, la reformulation des raids motorisés à partir de 1973... Cet ensemble de pratiques démontre qu'on s'autorise désormais à aller vers l'extérieur et à créer des conquêtes symboliques, qu'une sorte de géopolitique de la projection est à l'oeuvre.
De fait, l'humanitaire devient un phénomène social important dans les sociétés occidentales. Il s'agit donc de renverser pour partie les perspectives afin de ne plus penser l'humanitaire comme une action qu'on doit seulement analyser à l'aune de ces effets dans les pays lointains où les organisations et les bénévoles agissent. Il faut comprendre également pourquoi l'humanitaire depuis 25 ans a pris une telle importance dans les pays occidentaux. Mon hypothèse là aussi est que le développement de l'humanitaire dans les sociétés occidentales correspond à une période de crise, à un moment où l'horizon se bouche en Occident. D'une certaine manière, l'humanitaire devient un débouché pour des gens qui vont participer à l'action humanitaire, un débouché qui va rendre une nouvelle vie possible là où en Occident tout paraît bloqué.
Cette réflexion n'en est qu'au stade de l'hypothèse mais elle s'appuie néanmoins déjà sur un certain nombre d'interviews. L'humanitaire serait donc le moyen de résoudre un certain nombres de crises sociales localisées mais aussi, en s'appuyant sur des trajectoires individuelles, de dynamiser ce désir de projection qui équivaut, qu'on le veuille ou non, à une nouvelle forme de souveraineté de l'Occident sur le reste du monde.
Est-ce que l'humanitaire est une pratique post-coloniale ? Ou, tout du moins, y a-t-il une part post-coloniale dans l'humanitaire ? C'est une question que je laisse ouverte.
Débat
Nicolas Bancel
Je suis allé une quinzaine de fois en Afrique pour mes recherches. Ainsi, il y a sept ou huit ans, j'ai appris qu'au Mali, il y avait une douzaine de coopérations bilatérales avec des pays d'Europe ou d'Amérique du nord et qu'il y avait une vingtaine d'ONG internationales présentes dans ce pays. Il n'y avait pas de coordination entre les ONG. Il n'y avait pas de contrôle du ministère de l'économie du Mali et il n'y avait pratiquement pas de suivi des projets, au-delà d'un à deux ans. Etant donné que le budget du Mali dépend à 75 % de l'aide internationale, que la plupart des actions de modernisation sont faites par des organismes extérieurs au gouvernement, c est à dire représentant de la nation, il y a de quoi s'interroger sur la légitimité de ce qui est en train de se produire. Cela crée un système de dépendance manifeste dans n'importe quel village, au vu de la demande qui vous est faite, du simple fait d'être Blanc, pour la construction d'un dispensaire ou le financement de tel ou tel projet. J'ai la sensation que l'aide humanitaire satisfait nos désirs d'aide voire nos désirs d'« être » mais qu'elle crée des situations circulaires dans les pays aidés, qui empêche le développement des sociétés locales et leur capacité de créativité face à des situations bien sûr difficiles. C'est une dépendance d'autant plus organisée que l'humanitaire est aussi devenu un « business », c'est à dire des institutions qu'il faut nourrir et qui emploient des gens. Cette dépendance est assimilable pour moi à une dépendance de type post-coloniale. Cela doit poser question, mais pas forcément remettre en cause le principe de l'aide ou de l'intervention d'urgence. L'exercice critique que je suis en train de faire ne doit pas déboucher sur l'inaction. Je ne conteste pas que l'aide soit parfaitement légitimes dans certaines situations. Il me semble simplement qu'il existe des liens entre la colonisation, la formation d'une utopie coloniale et l'humanitaire, comme participant à un processus de reconquête symbolique du monde par l'Occident. Il faut avoir cela à l'esprit.
Marc Le Pape
En lisant l'ouvrage collectif La République coloniale comme en écoutant aujourd'hui cet exposé, je suis frappé par l'insistance de Nicolas Bancel sur les continuités entre l'entreprise coloniale et l'entreprise humanitaire. Vous montrez une influence du mécanisme colonial sur l'humanitaire et, rétrospectivement, la colonisation vous apparaît comme un idéal humanitaire. J'ai quand même l'impression d'un anachronisme provocateur. Il me semble que le projet politique dans lequel s'inscrivent les pratiques coloniales est complètement différent du projet politique général dans lequel s'inscrit l'humanitaire présent. C'est ce rapport au cadre politique qui me pose problème et c'est pourquoi j'insisterais plutôt sur la discontinuité en raison de toutes les caractéristiques du projet colonial que vous nous avez rappelez. Je ne pense pas notamment que MSF conçoive sa pratique humanitaire comme une mission civilisatrice, au moins dans son discours sinon dans sa pratique.
Nicolas Bancel
Le projet colonial n'est pas un projet « humanitaire » ce serait effectivement un anachronisme mais un projet fondé sur un idéal humaniste. J'ai insisté sur les continuités mais il est évident qu'il n'y a pas de transmissions mécaniques, même dans les discours. Il ne s'agit pas pour moi de faire de l'Histoire une simple succession d'héritages où rien ne changerait jamais. L'humanitaire est une forme nouvelle de projection vers l'extérieur qui utilise un argumentaire qui évoque par bien des aspects le discours de légitimation de la mission civilisatrice humaniste coloniale. Je le répète, il n'y a pas forcément transmission terme à terme. Mais on peut imaginer que les armes discursives qui ont été formées à la fois par les missions catholiques puis par le discours colonial, ont été intégrées, reprises, transformées, et servent à présent de cadre à la légitimation de l'humanitaire. Bien sûr, l'humanitaire n'est pas une pratique de domination au sens politique du terme. Mais la domination ne s'exerce pas seulement par la force de la police et des baïonnettes, elle s'impose aussi avec des formes symboliques. Au-delà de la générosité, de la légitimité des interventions c'est un autre débat et, encore une fois, je ne conteste pas le besoin d'apporter une aide d'urgence au Darfour, par exemple l'humanitaire n'est-il pas porteur d'un certain nombre de normes : normes de civilisations, normes techniques ? Les normes techniques de santé, par exemple, induisent des changements d'appréhension de la maladie, de son propre corps. Il y a là pour moi un effet de domination à l'oeuvre, parce qu'il y a une projection sur d'autres territoires avec l'idée de transformer les choses. J'envisage ici l'humanitaire en tant que système auto-entretenu. L'humanitaire a pris en effet une dimension considérable par rapport aux années 60, dans les pays en difficulté et, sur le plan social, dans les pays occidentaux, alors qu'il n'y a pas plus d'horreurs ou de conflits dans le monde qu'il n'y en avait dans les années 60. Il se passe donc autre chose. Ce n'est pas une question de situation, mais un changement à l'oeuvre dans nos pays. Cette transformation participe du sentiment que le modèle occidental va s'imposer. Au cours des dix dernières années, on a assisté à l'émergence d'un nouvel impérialisme (augmentation des capacités de projection américaines, incorporations économiques, mondialisation). Je me demande si toutes les pratiques sociales, toutes les formes de projections symboliques ou non vers l'extérieur n'ont pas d'une certaine manière prophétisé et ont formé dans les sociétés occidentales les conditions culturelles de ce qui s'apparente à une conquête du monde par d'autres moyens ?
Fabrice Weissman
Dans le champ de la solidarité internationale, certains acteurs revendiquent ouvertement une volonté de transformation des sociétés, d'autres se contentent d'intervenir en cas de catastrophes. Je pense que MSF se reconnaît plutôt dans cette deuxième catégorie et refuse d'avoir ouvertement un projet de transformation sociale pour les pays dans lesquels on intervient. Néanmoins, je vois, pour ma part, bien des continuités avec le discours colonial. Il y a d'abord l'idée de projection de souveraineté. Qu'est-ce en effet que cet « espace humanitaire » que nous défendons ? Ce que nous appelons « espace humanitaire », c'est un espace d'intervention dans lequel nous réclamons un libre accès aux personnes, la possibilité de parler avec elles librement, la liberté de définir un projet d'intervention selon nos propres critères et la capacité à suivre sa mise en oeuvre et s'assurer qu'il correspond bien aux intentions qui l'ont nourri. En bref, nous revendiquons une souveraineté limitée, limitée socialement et géographiquement, et cela nous l'assumons ouvertement. Cela se situe toutefois dans le cadre relativement restreint de conflits où la situation ne se pose pas dans les mêmes termes qu'au Mali. Par ailleurs, le couple bienfaiteur/victime qui est au centre de la rhétorique coloniale de la IIIème République (victime de l'esclavage, du féodalisme, de l'ignorance, de la nature, de discriminations sexuelles ) se retrouve presque en l'état dans une bonne partie de la littérature que produit l'humanitaire. Le scientisme, que vous évoquiez, est également flagrant, à travers l'idée que tout problème a une solution technique. Je ne peux pas m'empêcher de penser à toute la littérature grise produite par les Nations Unies sur « comment reconstruire un pays après une période de guerre ». Dans cette démarche, il est fait appel aux mêmes compétences (urbanistes, économistes, anthropologues, hygiénistes) qui témoigne de la même ignorance vis à vis du politique. Je suis néanmoins tout à fait d accord avec Marc pour dire que, bien entendu, nous ne sommes pas dans la même configuration de conquête territoriale et politique.
Question de la salle
Je ne fais pas partie de MSF mais je suis bénévole et je suis abasourdie par l'amalgame que vous faites entre l'expérience que vous avez eu au Mali et l'humanitaire en général. Je trouve que le fait de dire que l'humanitaire serait dans le prolongement du colonialisme est infamant, comme l'est l'assimilation entre discours humanitaire et discours militaire colonial. Je ne vois pas les similitudes entre le discours humanitaire et le discours colonial.
Nicolas Bancel
J'ai dû mal me faire comprendre. On me demande de réfléchir aux liens qu'il pourrait y avoir entre le discours colonial et le discours humanitaire. J'essaie de proposer matière à réflexion mais je ne propose pas de vérité établie. Je constate néanmoins, en analysant les discours, qu'on peut faire des correspondances nombreuses et troublantes entre le discours colonial tel qu'il légitime l'acte colonial et le discours humanitaire tel qu'il légitime l'acte humanitaire. Il n'y a rien là dedans d'infamant, parce qu'il faut comprendre le contexte dans lequel naissent le projet et le discours colonial. Si l'idée coloniale pouvait être combattue à l'époque, ce n'était pas sur le thème de la domination de peuples inférieurs, mais au motif que l'entreprise coloniale allait dévitaliser la nation et l'empêcher de se concentrer sur la reconquête de l'Alsace-Lorraine. Mais personne à l'époque ne concevait comme infamant l'idée d'apporter les lumières de la civilisation française et l'idée que la Révolution française allait s'étendre au reste du globe. Le discours colonial est un discours universaliste, c'est un projet qui implique une conquête, qui n'est pas forcément politique mais plutôt une conquête des âmes et des esprits. Pour cette raison, je vois des correspondances très fortes entre le discours utopique colonial, tel qu'il s'est formé dans les années 1880-1890 et le discours qui légitime l'humanitaire. Cela ne veut pas dire que l'humanitaire, c'est du colonialisme. Je fais l'hypothèse que l'humanitaire peut être compris comme s'intégrant dans des pratiques sociales, au début des années 70, qui manifestent un désir, qui se concrétise, de projections vers l'extérieur. Pourquoi souhaite-ton partir de France tout à coup ? Pourquoi les gens vont-ils créer, dans les années 70-80, des associations pour partir, par exemple, au Bangladesh, alors qu'ils ne le faisaient pas avant ? Mon hypothèse, c'est que la décolonisation est en train de s'éloigner et qu'on entre alors dans une période d'oubli. Si le discours est comparable, les pratiques, elles, sont évidemment différentes : l'histoire de la colonisation est jalonnée de pratiques de domination politique directe qui s'appuient sur des forces militaires avec des transformations coercitives brutales, voire des massacres. Ce n'est bien sûr pas le cas de l'humanitaire, mais il y a d'autres formes de conquête, d'autres formes de désir d'extension du modèle de société auquel on appartient. J'ai l'impression que l'humanitaire porte cette volonté de transformation, qui n'est pas forcément une transformation négative, mais qui nécessite de réfléchir aux effets que produit ce désir de transformation dans les sociétés dans lesquels on va. Réfléchir sur les effets concrets de l'humanitaire, c'est peut-être aussi se donner les moyens de réfléchir à sa propre pratique et peut-être de la transformer, dans un sens qui intègre le fonctionnement de ces sociétés. Il s'agit également de réfléchir aux modes d'autonomisation des sociétés locales, qu'il est nécessaire de prendre en compte et de dynamiser, au lieu de les empêcher en imposant un savoir et des techniques.
Fabrice Weissman
Il me semble qu'il y a une alternative possible à la compréhension des sociétés, qui est simplement un périmètre d'intervention extrêmement limité dans l'espace social, géographique et temporel. L'alternative, c'est précisément se limiter aux désastres.
Question de la salle
Quelle concordance voyez vous entre la dimension économique de la conquête coloniale et de l'impérialisme et l'humanitaire ?
Nicolas Bancel
Je ne vois pas de concordance majeure. Le projet colonial est un projet économique dans la mesure où il s'agit de créer de la modernité. C'est bien un projet d'exploitation mais pas seulement. Le développement économique est de fait parfaitement intégré au projet colonial comme moyen d'élever les sociétés. D'ailleurs, tout le discours développementaliste des années 60 est quasiment déjà écrit au début des années 20. La raison pour laquelle je n'ai pas insisté sur cet aspect, c'est que je ne crois pas aux causes économiques du déclenchement de la colonisation et de la formation de l'idéologie coloniale. Cela a été l'analyse marxiste pendant des décennies mais quand on examine les forces en présence au moment où vont se développer les conquêtes, autrement dit ce que représente le « lobby colonial » au début des années 1880 les députés, leurs liens avec les milieux économiques on s'aperçoit que tout cela est extrêmement faible et lâche. La plupart des historiens s accordent aujourd'hui sur le fait que la colonisation moderne n'a pas une cause économique. Ce n'est pas la pression de lobbies économiques qui a été déterminante dans la projection impériale. Le surcroît de puissance apporté, à terme, par l'exploitation économique des colonies est bien présent dans tous les discours, et cela dès le départ, mais ce qui motive la colonisation est la concurrence géopolitique entre les grandes puissances européennes, l'Angleterre, la France et un peu plus tard l'Allemagne. Il s'agit d'accumuler le maximum d'espace.
Question de la salle
Peut-on parler d'utopie politique de l'humanitaire ?
Nicolas Bancel
Oui, sans doute, mais laquelle ? Ce qui m'intéresse c'est comment on peut arriver à penser la formation de cette utopie politique qu'est l'humanitaire ? Pourquoi s'accorde-t-on une forme de "droit d'ingérence" dans les années 70 ? Quelles sont les conditions historiques qui permettent de nouveau qu'on se dise "on a le droit d'intervenir", ce que l'on ne se permettait pas avant ? L'utopie politique n'est pas un concept inattaquable, on doit savoir d'où elle vient, pourquoi elle est formulée, quels sont ses enjeux et comment éventuellement on peut la transformer.
Fabrice Weissman
Moi, je pense qu'il y a une utopie humanitaire : « Free Market Democracy, Human Rights et International Justice ». L'arrière fond idéologique d'un grand nombre d'ONG, c'est bien : « on viendra à bout de la souffrance sur terre quand on traînera tous les criminels devant les tribunaux, que la démocratie de marché règnera partout, et que les droits de l'homme seront respectés. »
Question de la salle
Dans mon expérience au Cambodge, j'ai été amené à observer certaines formes de relations de domination qui découlaient des rapports hiérarchiques entre expatriés et personnel local. Elles se jouaient au niveau des salaires ou plus généralement dans les relations de travail. J'aimerais avoir votre avis sur ce point.
Nicolas Bancel
Nous ne sommes plus là dans le discours mais dans la pratique. C'est très intéressant, mais il faudrait avoir plus d'exemples concrets, car je ne connais pas assez bien les pratiques de l'humanitaire.
Marc Le Pape
Je ne pense pas qu'à l'intérieur des organisations humanitaires, les expatriés puissent avoir un rapport d'exploitation de type colonial avec le personnel local. Il peut très bien arriver - et il arrive sans doute que se développe des rapports de domination ou d'exploitation mais ce type de rapports n'a rien de spécifiquement colonial. Par ailleurs, je voulais revenir sur les conditions d'émergence de l'humanitaire. Il y a un facteur qui n a pas du tout été mentionné, c'est le facteur anti-totalitaire. S'il y a eu un moteur politique de l'humanitaire, du moins dans sa période d'émergence période très militante, c'est bien l'antitotalitarisme, qu'il ait été ou non déclaré.
Nicolas Bancel
Sur la question des relations de travail, je ne suis pas d'accord avec Marc, sur le fait qu'on ne puisse pas faire de rapprochement entre ce qui ressortirait d'une simple exploitation et des pratiques coloniales. Dans le cas de l'humanitaire, la situation est tout de même particulière, puisque ces relations sont le fait d'expatriés vis à vis du personnel employé dans les pays où ils organisent les missions. Le rapport entre eux est certes un rapport social hiérarchique, un rapport d'autorité tel qu'on en trouve dans toute institution. Cependant l'exercice d'un pouvoir clair d'autorité, voire de domination par des expatriés sur des « locaux » crée un rapport qui peut être perçu comme colonial par les gens du pays. Il n'est tout de même pas rare que des expatriés se comportent en pays conquis. Cette attitude est pour moi une reformulation du colonial. Le projet humanitaire s'énonce comme un projet technique, fait d'actions ponctuelles, et qui serait en quelque sorte apolitique et a-idéologique. Il me semblerait fondamental que lorsqu'un volontaire s'expatrie, il connaisse un minimum la société dans laquelle il va, qu'il puisse lire des livres d'histoire, de sociologie, d'anthropologie. Mais il faut que cette démarche soit formalisée et soit une des conditions du départ et non pas qu'elle soit simplement une option ouverte à ceux qui s'intéressent au pays dans lequel ils vont. Cette dimension me paraît très importante. Vous intervenez dans des sociétés, des tissus sociaux qui ont leur histoire, leurs représentations. Les normes ne sont pas universelles, elles sont donc négociables. Certes, il est vrai que certaines ONG locales s'approprient les symboles des ONG occidentales. L'opération symbolique de conquête de l'Occident sur le reste du monde, dont je parle ici, est rendue possible par la formidable fascination qu'exercent nos sociétés européennes sur les pays qu'on appelait jusqu'à récemment « sous-développés ». Cette fascination n'est pas seulement envers la richesse, le confort ou ce mythe de l'âge d or diffusé dans bien des pays d'Afrique vis à vis de l'Europe. Ce qui fascine, c'est aussi cette capacité qu'a l'Europe de libérer des contraintes sociales ou familiales, autrement dit, de donner à l'individu une place qu'il n'a pas dans les sociétés du Sud. Le développement des ONG locales s'inscrit peut-être précisément dans ce processus, qu'on retrouve dans beaucoup de sociétés post-coloniales. Ce sont des sociétés où s'observe une tension extraordinaire de la part d'un certain nombre de classes sociales vers le modèle occidental. C'est le cas dans bon nombre d'anciennes colonies françaises, qui sont les pays que je connais davantage.
Question de la salle
On ne donne pas beaucoup de moyens à ce nouveau projet impérial. Autrement dit, l'humanitaire coûte moins cher que les conquérants.
Nicolas Bancel
Il n'y a pas de projet impérial. Du moins ce projet n'est-il pas consciemment exprimé dans les attendus de l'humanitaire tel qu'il se formule dans les années 70, ni tel qu'il est énoncé aujourd'hui. Il n'y a évidemment pas de complot international des ONG qui viserait à occidentaliser le monde coûte que coûte. Il y a néanmoins chez de nombreux acteurs l'idée d une transformation vers un modèle qui, implicitement ou même inconsciemment, tend vers le modèle occidental. Par contre, je ne suis pas d'accord sur le fait que l'humanitaire ne représente que peu de moyens ! Mais le problème n'est pas là. Ce qui compte, c'est ce que ce peu de moyens a comme effets concrets dans les pays où ils sont mis en oeuvre, mais aussi dans nos sociétés. J'insiste encore une fois : l'humanitaire s'inscrit dans une dynamique d'échanges entre le monde occidental et les pays du Sud, qui inclut l'ensemble du système des aides internationales (aides bilatérales, aides multilatérales, projets du FMI, de la Banque mondiale...). On pourrait peut-être appeler cela la dynamique de l'Occident.
Fabrice Weissman
Peut-on échapper à la dynamique de l'Occident ? Autrement dit, peut-on se projeter à l'extérieur sans imposer ses valeurs ?
Nicolas Bancel
Non. On ne peut pas s'empêcher d'être ce qu'on est, de porter nos valeurs et notre civilisation il n'y a d ailleurs pas de raison de faire autrement. Cependant, il faut établir une tension dialectique entre, d'une part, la manière dont on peut s'analyser, c'est à dire savoir d'où l'on parle et avec quels éléments discursifs, et d'autre part, un effort de compréhension et de connaissance vers les pays dans lesquels on va intervenir. Ceci est fondamental pour pouvoir déjouer en partie ce rapport colonial qui peut-être est instruit dans la démarche de l'humanitaire. En travaillant sur l'imaginaire colonial, j'ai découvert combien j'était moi-même influencé par ces stéréotypes. Il y a donc d'abord cet effort sur sa propre démarche : pourquoi fait-on de l'humanitaire? Qu'est-ce qui nous y pousse? C'est une démarche heuristique. Quant à l'effort de connaissance des sociétés dans lesquelles on va, il s'agit de garder à l'esprit que l'humanitaire conduit des actions qui ont des effets. Il ne s'agit pas de les penser simplement comme "action positives" ou "actions négatives", nous ne sommes pas partagé entre le Bien et le Mal. Lorsqu'on crée un dispensaire, on produit quelque chose dans une société particulière, dans un système de valeur, dans des configurations familiales Il faut se donner les moyens de penser ces effets. Enfin, il s'agit de circonscrire son champ d'action, trouver en quelque sorte les actions légitimes. Il y a peut-être là une définition, très vacillante, de l'humanitaire. Intervenir ailleurs est une responsabilité très lourde. Comment faire en sorte que lorsqu'on produit quelque chose, on n'aliène pas ? Comment faire en sorte que, tout en s'en tenant au secours d'urgence, on n'entame pas l'autonomie des sociétés mais, au contraire, on la favorise ?
Fabrice Weissman
Ce souci d'autonomie me semble être au coeur de notre démarche, au sens où l'on définit l'objectif de l'humanitaire comme celui de restaurer les gens dans leur capacité de choix, restaurer une autonomie brisée. Il y a toutefois une contradiction entre cette exigence d'autonomisation et les moyens que nous déployons pour sauver des vies face à une crise majeure (i.e. taux de mortalité très élevé), moyens qui suppose souvent un bouleversement des sociétés dans lesquelles on intervient. Autrement dit, nous faisons face à une contradiction entre les exigences d'une intervention efficace de courte durée pour sauver le plus de vies possible et l'autonomisation. Nous faisons le choix de tenter de sauver le plus de vies possible en faisant le moins de mal possible.
Pour citer ce contenu :
Nicolas Bancel, « Le colonialisme, un projet humanitaire ? », 17 mai 2005, URL : https://msf-crash.org/fr/rencontres-debats/le-colonialisme-un-projet-humanitaire
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ContribuerÉvénements passés
Soigner les étrangers en France : l’Etat et les associations des années 80 aux années 90
17/12/2018 - 18h00 20h00L’équipe du CRASH vous a convié à la conférence-débat « Soigner les étrangers en France : l’Etat et les associations des années 80 aux années 90 » lundi 17 décembre 2018 de 18h00 à 20h00, dans la salle du 1er du 8 rue Saint-Sabin. Nous avons reçu Caroline Izambert, qui a récemment soutenu, à l’EHESS, une thèse consacrée à l’accès aux soins pour les étrangers en France. Son intitulé : « Soigner les étrangers ? L’Etat et les associations pour la couverture maladie des pauvres et des étrangers en France des années 1980 à nos jours ».
Frontières et hospitalité
26/11/2018 - 18h00 20h00Conférence / débat avec Benjamin Boudou, politiste et chercheur à l’institut Max Planck. A l’aune d’une actualité très riche relative à la gestion des flux migratoires, aux conséquences du contrôle exercé sur les frontières et à la relation des humanitaires à ces dispositifs, nous avons échangé sur la question de la légitimité des frontières ainsi que sur l’usage de la notion d’hospitalité. Bien que quotidiennement plongés dans l’actualité médiatico-politique, nous n’avons que peu l’occasion à MSF de puiser dans les outils conceptuels et les raisonnements offerts par la science et la philosophie politiques. Cette rencontre a été l’occasion de discuter et débattre de notions qui nous sont familières et de leur donner ainsi une autre épaisseur.
« Guerres humanitaires ? Mensonges et Intox » - Débat avec Rony Brauman
06/03/2018 - 18h00 20h00Dans son livre "Guerres humanitaires ? Mensonges et Intox", Rony Brauman analyse les guerres contemporaines menées au nom de l’humanitaire, les guerres dites « justes ». C’est donc l’occasion de revenir sur les mensonges ayant permis de justifier certaines interventions internationales, notamment en Somalie, au Kosovo et en Libye, toutes trois qualifiées d'humanitaires. Rony Brauman soumet également au lecteur une approche critique du droit international humanitaire et de ses usages.
Immunisés ? Un nouveau regard sur les vaccins - Rencontre avec Lise Barnéoud
05/12/2017 - 18h00 20h00Qui profite de la vaccination ? Les individus ? La société ? Les entreprises ? Est-elle efficace ? Dangereuse ? Rentable ? Quels sont les facteurs qui influencent la perception du public dans ce domaine ?
Dans son livre Immunisés? Un nouveau regard sur les vaccins, Lise Barnéoud, journaliste scientifique, se livre à un travail d’investigation en révélant les réalités, diverses et parfois contradictoires, observées dans le domaine de la vaccination en France. Elle conduit l’investigation d’un triple point de vue : celui d’une mère qui doit décider de faire ou non vacciner ses enfants ; celui d’une journaliste qui mène une enquête et celui d’une scientifique qui analyse comment les faits sont construits.
Lise Barnéoud était l'invitée du Crash, à l'occasion d'une conférence sur la vaccination organisée le 5 décembre 2017. Autour d’un échange avec Epicentre, le Crash, le département médical de MSF, nous avons croisé les regards sur la politique vaccinale, un axe toujours majeur des opérations de MSF, et sujet de discussions et controverses récurrentes.
Anthropologie humanitaire : rencontre avec Sharon Abramowitz
23/10/2017 - 18h00 20h00Sharon Abramowitz est une anthropologue médicale américaine, auteure de l'ouvrage Medical humanitarianism. Ethnographies of practice. Elle est venue parler de son livre et de son expérience lors d'une conférence du Crash, organisée le 23 octobre 2017 au siège de Médecins Sans Frontières.
Elle a consacré une partie importante de son travail aux réponses aux épidémies – et dernièrement à Ebola, et à l’Afrique de l’ouest. Cette rencontre a été l'occasion de revenir sur la contribution de l’anthropologie médicale à l’action humanitaire et sur les derniers projets de l'auteure.
La politique de la peur, MSF et l'épidémie d'Ebola
16/05/2017 - 18h30 20h30De nombreuses questions ont émergé de la réponse à l'épidémie d'Ebola qui a touché l'Afrique de l'Ouest entre 2014 et 2016. Elle a donné lieu, au sein de Médecins Sans Frontières et au-delà, à des discussions et controverses. A l'occasion de la parution du livre « La politique de la peur: MSF et l'épidémie d'Ebola », coordonné par Michiel Hofman et Au Sokhieng de la section belge de MSF, le CRASH a organisé une conférence/débat le mardi 2 mai 2017 au siège de MSF, animée par Michèle Diaz, journaliste à Rfi et spécialiste des questions santé.