L'urgence de s'opposer à la politique de mort
Rony Brauman
Un an après le 7 octobre 2023, Rony Brauman s'exprime sur le conflit israelo-palestinien dans une tribune pour l'Humanité.
Recevant avec son coréalisateur Basel Adra le prix du meilleur film documentaire au festival de Berlin, en février dernier, Yuval Abraham déclarait : « Je suis israélien, Basel est palestinien. Et dans deux jours, nous retournerons dans un pays où nous ne sommes pas égaux… Cette situation d’apartheid entre nous, cette inégalité doit cesser ». Leur film « No Other Land » relate avec force la longue résistance pacifique d’un village cisjordanien aux agressions de colons et à l’expropriation brutale par l’armée israélienne.
L’apartheid n’y est pas un concept politico-juridique mais une réalité mortifère qui prend à la gorge. Cette déclaration, applaudie par l’assemblée, n’est autre qu’un révoltant constat factuel. Elle a pourtant déclenché une vague d’accusations d’antisémitisme de la part des autorités allemandes et israéliennes, ainsi que des menaces de mort, désormais habituelles. On ne s’en étonnera pas, rompus que nous sommes à observer ces charges infâmantes lancées contre toute critique de la violence coloniale exercée par Israël, mais on peut s’en, indigner, tant la condamnation de l’antisémitisme est dévoyée, mise au service d’une politique de mort.
Les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre 2023 ont sans aucun doute exacerbé les réactions agressives face aux critiques de la politique israélienne, mais elles ne les ont pas créées. La dénonciation des méfaits de la colonisation du territoire palestinien est devenue, depuis le début de ce siècle, c’est-à-dire depuis le début de la « guerre contre le terrorisme », un exercice risqué. La « seule démocratie du Proche-Orient » a dès lors bénéficié en effet du statut de fer de lance de la lutte contre le terrorisme et est parvenue à reléguer à l’arrière-plan les exactions quotidiennes - vols de terre, assassinats, détention arbitraire –, imposant avec un certain succès l’idée selon laquelle la question palestinienne était « réglée ». C’est ainsi que le 7 octobre apparaît comme une explosion inexplicable de haine meurtrière, une haine d’autant plus mystérieuse, selon les défenseurs de l’État hébreu, que les colonies israéliennes avaient été retirées par le premier Ministre Sharon en 2005.
Les quelques 800 civils assassinés et 250 otages capturés lors de l’attaque du 7 octobre sont les victimes d’un crime de masse injustifiable, mais certainement pas inexplicable. Ils viennent s’ajouter à la longue liste des civils palestiniens tués et blessés lors des assauts lancés par l’armée israélienne qui, rappelons-le, est une armée d’occupation. Chacune de ces séquences violentes a donné lieu à la même rhétorique vaine invoquant le « démantèlement des infrastructures terroristes » et les « boucliers humains » pour justifier le martèlement des bombes. Encouragé par le soutien de ses alliés occidentaux, Israël est devenu une machine de mort au service d’un projet que son gouvernement a au moins le mérite de ne pas dissimuler : la conquête totale du territoire situé entre le Jourdain et la Méditerranée, la Palestine mandataire. En l’absence d’une opposition déterminée de ses alliés et de ses voisins, c’est une guerre sans fin qui s’annonce.
Pour citer ce contenu :
Rony Brauman, « L'urgence de s'opposer à la politique de mort », 23 octobre 2024, URL : https://msf-crash.org/fr/guerre-et-humanitaire/lurgence-de-sopposer-la-politique-de-mort
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