MSF France dans la guerre du nord-est du Nigéria (2015-2016). Récit d’une opération MSF
Judith Soussan & Fabrice Weissman
Diplômée de Relations internationales (Institut d'Etudes Politiques de Paris), de Logistique humanitaire (Bioforce-Développement) et d'Anthropologie (Université Paris-I), Judith Soussan a rejoint MSF en 1999. Elle y a effectué des missions de terrain (Sri Lanka, Ethiopie, Soudan, Territoires palestiniens) avant de travailler, au siège, sur la question de la protection des populations. Après une échappée loin de MSF pendant laquelle elle pratique le reportage radiophonique et collabore à un projet sur les questions d'immigration, elle retrouve le Crash en 2015. Elle a récemment contribué à l'ouvrage "Secourir sans périr. La sécurité humanitaire à l'ère de la gestion des risques" (chapitre "Qabassin, Syrie. Une mission MSF en terre de Djihad" - CNRS Editions, 2016).
Politiste de formation, Fabrice Weissman a rejoint Médecins sans Frontières en 1995. Logisticien puis coordinateur de projet et chef de mission, il a travaillé dans de nombreux pays en conflit (Soudan, Ethiopie, Erythrée, Kosovo, Sri Lanka, etc.) et plus récemment au Malawi en réponse aux catastrophes naturelles. Il est l'auteur de plusieurs articles et ouvrages collectifs sur l'action humanitaire dont "A l'ombre des guerres justes. L'ordre international cannibale et l'action humanitaire" (Paris, Flammarion, 2003), "Agir à tout prix? Négociations humanitaires, l'expérience de Médecins sans Frontières" (Paris, La Découverte, 2011) et "Secourir sans périr. La sécurité humanitaire à l'ère de la gestion des risques" (Paris, Editions du CNRS, 2016). Il est également l'un des principaux animateurs du podcast La zone critique.
Le 13 juin 2016, les équipes MSF présentes dans la ville de Maiduguri, capitale de l'Etat du Borno, au nord-est du Nigéria, découvraient avec stupeur l’état de santé catastrophique de femmes et d’enfants évacués de Bama, une ville de province reprise aux mains de Boko Haram par l’armée nigériane l’année précédente. Les deux tiers des 600 enfants ramenés en bus à Maiduguri par une petite ONG nigériane souffraient d’une forme sévère ou modérée de malnutrition aiguë. Cette découverte venait confirmer les bribes d’informations alarmantes circulant à Maiduguri et dans le milieu de l’aide sur l’existence en zone rurale de camps de déplacés décimés par la malnutrition et les épidémies – informations que la majorité des responsables opérationnels de MSF n’avaient pas prises au sérieux jusqu’alors. Désormais, MSF estimait qu’entre 500 000 et 800 000 déplacés en zone rurale étaient probablement menacés par une famine.
La situation dramatique des personnes rassemblées par l’armée dans les villes de garnison était connue des autorités et d’autres acteurs de l’aide depuis septembre 2015 au moins. Comment expliquer que MSF ait pris conscience huit mois plus tard de cette catastrophe ? Quelle était la compréhension de l’environnement par la section française, implantée à Maiduguri depuis 2014 ? Comment comprendre les choix opérationnels ayant amené MSF à se concentrer sur la capitale du Borno et à négliger la situation dans les zones rurales ? Quel bilan tirer des efforts entrepris après juin 2016 pour intervenir à Bama et à l’extérieur de Maiduguri dans un contexte marqué par une grande insécurité ? Telles sont les questions à l’origine de cette enquête.
Le Cahier peut être téléchargé en intégralité au format PDF. Les annexes du document se trouvent dans un fichier séparé, disponible ici. Le chapitre introductif est disponible en ligne, ci-dessous. La version anglaise sera disponible prochainement.
Borno, Nigeria : un regard critique sur nos opérations
01/07/2019 Isabelle Defourny Elba RahmouniEn 2016, la direction des opérations de MSF a souhaité réaliser une revue critique des opérations conduites par l’association dans l’Etat du Borno, au nord-est du Nigéria, entre 2015 et 2016. En réponse, Judith Soussan et Fabrice Weissman du CRASH ont produit, avec le soutien d’Epicentre – le centre d’épidémiologie de MSF – un récit détaillé retraçant la façon dont les équipes de terrain, de capitale et du siège ont analysé la situation, les objectifs qu’elles se sont donnés, les actions qu’elles ont entreprises, les obstacles qu’elles ont rencontrés et les résultats qu’elles ont obtenus. Dans le cadre de ce travail, les directeurs et les cadres opérationnels s’interrogent sur leurs propres pratiques : ont-ils fait preuve d’une mobilisation tardive face à la situation catastrophique des camps de déplacés en zone rurale et à la périphérie de Maiduguri, la capitale de l’Etat du Borno, en 2016 – et si oui, pourquoi ? Que penser a posteriori des choix opérationnels et de l’efficacité des stratégies d’intervention adoptées ? Au-delà de cette mission, que nous apprend cette histoire sur le fonctionnement de MSF et les façons de travailler des équipes ? Entretien avec Isabelle Defourny, directrice des opérations à MSF-OCP, rédigé par Elba Rahmouni.
Mortalité : révisons les seuils d’alerte
25/06/2018 Fabrice WeissmanLe taux brut de mortalité (TBR) est l’un des indicateurs les plus couramment utilisés à MSF et dans le milieu humanitaire pour évaluer le degré de gravité d’une crise sanitaire au sein d’une population donnée. Il est communément admis qu’un taux supérieur ou égal à un mort pour dix mille personnes et par jour caractérise une situation d’urgence nécessitant une réponse immédiate. Or l’usage du « seuil d’urgence standard de 1/10 000/jour » est très discutable : il contrevient aux recommandations que se sont données les organisations humanitaires et ne tient pas compte de la baisse de la mortalité observée dans l’ensemble du monde au cours des 30 dernières années.
La fabrique d’une « crise humanitaire ». Le cas du conflit entre Boko Haram et le gouvernement nigérian (2010-2018)
30/04/2020 Fabrice Weissman Vincent FoucherLa contre-offensive menée par l’armée nigériane contre Boko Haram à partir de 2015 a entraîné une catastrophe sanitaire parmi les populations civiles déplacées. Cette catastrophe n’a été reconnue que difficilement, après qu’une alliance instable se soit progressivement forgée entre certains acteurs nationaux – politiques et militaires – et certains acteurs humanitaires internationaux pour formuler et s’accorder sur le diagnostic d’une « crise humanitaire » et essayer d’y remédier. Cela a ainsi permis de rendre visibles certaines dimensions du conflit tout en en invisibilisant d’autres, à commencer par la brutalité de la contre-insurrection de l’armée nigériane.
Pour citer ce contenu :
Judith Soussan, Fabrice Weissman, MSF France dans la guerre du nord-est du Nigéria (2015-2016). Récit d’une opération MSF, 25 mai 2023, URL : https://msf-crash.org/fr/acteurs-et-pratiques-humanitaires/msf-france-dans-la-guerre-du-nord-est-du-nigeria-2015-2016-recit
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