François Enten
Responsable animation scientifique, GRET
François Enten a été chef de mission pour Médecins Sans Frontières. En janvier 2017, il a soutenu une thèse à l'EHESS sur les systèmes d'alerte précoce en Ethiopie intitulé "Les systèmes d’alerte précoce (SAP) en Ethiopie comme jeux d’acteurs, de normes et d’échelles. Fabrique et usage des chiffres de l’aide alimentaire en Ethiopie (2002/2004 et 2016)".
ANNEXE. APERÇU SUR LES PRINCIPAUX SYSTÈMES D’ALERTE PRÉCOCE
1. LE SMIAR DE LA FAO
Le Système mondial d’information et d’alerte rapide (SMIAR) créé par la FAO en 1975 est co-géré par le PAM depuis 1991. Le SMIAR se concentre sur la sécurité alimentaire au niveau national. Il met en balance production-importation et consommation/exportation, tout en relevant les poches localisées d’insécurité alimentaire. Il mesure plus une disponibilité des stocks que leur accessibilité.
Basé à Rome, le SMIAR dépend des informations transmises par les gouvernements, les ONG et les représentants locaux de la FAO. Il produit des rapports réguliers ainsi que des évaluations annuelles. Les données du SMIAR servent souvent à initier les premiers cycles de demande d’aide, avant que les évaluations du PAM viennent planifier sa distribution et identifier ses bénéficiaires. Le SMIAR est considéré « comme une “source clef d’information”, parfois qualifiée de ‘gold standard’ » (Buchanan-Smith & Davies, 1995). Les donateurs lui accorde d’autant plus de crédibilité qu’il est considéré comme critique à l’égard des SAP locaux.
Dépendant de sources d’informations secondaires issues des gouvernements locaux, la qualité des données du SMIAR n’est généralement pas meilleure que celle des SAP nationaux. Les agences internationales leur accordent pourtant plus de crédit. Les compilations d’estimations quantitatives de productions sont considérées comme indiscutables et comme une base incontournable pour comparer les situations à travers le monde. Formulées sous forme de messages directs et simples, les informations du SMIAR facilitent les négociations et la prise de décision (Buchanan-Smith & Davies, 1995 ; Darcy & Hofman 2003).
2. LES SAP NATIONAUX ET REGIONAUX
• USAID est le seuil bailleur de fonds qui possède son propre SAP, le Famine early warning system (FEWS). Établi en 1985, le FEWS a pour rôle principal de fournir des informations aux décideurs d’USAID. Le FEWS se veut un système « high-tech », utilisant de façon extensive les images satellites et les applications informatiques. Il publie régulièrement des bulletins d’information, sans apporter de recommandations, les décisions revenant à USAID. L’information du FEWS est largement utilisée à Washington par l’USAID et occasionnellement au Congrès américain (Buchanan-Smith & Davies, 1995 ; Darcy & Hofman, 2003). USAID attache moins d’importance aux évaluations des Nations unies, jugées peu crédibles du fait de leur association avec le gouvernement récipiendaire. Pourtant, les alertes du FEWS dépendent tout autant de données de seconde main qu’elles se contentent d’analyser et de transformer en une forme concise et visuelle (Buchanan-Smith & Davies, 1995).
• L’Union européenne ne dispose pas de SAP dédié à la réponse aux famines, mais s’appuie sur un réseau, le RESAL (Réseau européen de sécurité alimentaire) constitué d’ONG, d’instituts de recherche, etc. Elle finance également des outils de télédétection (SCOT, PUMA).
• Au cours des années 1990, des SAP régionaux coordonnant les SAP nationaux ont vu le jour. La Communauté de développement d’Afrique australe Le SADC regroupe 14 pays.(SADC) en Afrique australe relie les SAP de toute l’Afrique australe. Le Comité permanent inter-états de lutte contre la sécheresse dans le Sahel Le CILSS regroupe 9 pays: Burkina Faso, Cap vert, Gambie, Guinée-Bissau, Tchad, Mali, Niger, Mauritanie et Sénégal.(CILSS) en fait de même pour la région du Sahel et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) L’IGAD regroupe 7 pays: Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan, Ethiopie, Erythrée, Djibouti. pour l’Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique. Le CILSS a mis en place un Système intégré d’alerte précoce (SIAP) destiné à appuyer les SAP nationaux. Ces derniers rencontrent néanmoins de grandes difficultés. Les SAP du Burkina Faso et du Tchad ne fonctionnent plus et dans d’autres pays, il n’existe pas. Le SAP du Niger a été restructuré suite aux crises de 2005 (RPCA, 2006).
3. LES APPROCHES SOCIO-ECONOMIQUES
L’ONG Save the children fund (SCF) a initié dans les années 1990 une approche méthodologique combinant enquêtes nutritionnelles classiques et collecte directe de données auprès des groupes cibles : le « Household economy survey ». L’ONG CARE a développé une méthode similaire sur la base d’enquêtes de terrain centrées sur la sécurité des conditions de vies des ménages. Ces méthodes reposent sur des entretiens semi-dirigés avec des groupes de fermiers, connues sous le nom de méthodes d’évaluations rapides communautaires (Rapid rural appraisal, RRA). Elles combinent données qualitatives et quantitatives, sources locales et sources issues de l’administration (ministères de l’Agriculture, etc.) Dans un premier temps, il s’agit d’estimer la balance globale alimentaire d’une famille et d’établir un bilan économique chiffré des entrées et des dépenses. Le calcul est mené pour chaque groupe socioéconomique, «riches, moyens, pauvres, très pauvres», défini au préalable par interviews auprès de «représentants des communautés». Dans un deuxième temps, en fonction des récoltes (sources du ministère de l’Agriculture) et des cours locaux du grain, les déficits alimentaires sont estimés pour chaque groupe socioéconomique en fonction des «copying mechanisms» qui leur sont propres, de façon à, aboutir à un nombre de bénéficiaires. Cette approche nécessite l’élaboration préalable (selon la même méthodologie) d’une baseline ou situation de référence permettant d’apprécier les évolutions. La baseline refond le découpage administratif traditionnel en zones agro-écologiques définies selon les activités et les revenus des paysans. Ces méthodes bouleversent radicalement les approches classiques, par le temps accordé aux paysans par rapport aux réunions de bureaux, la prépondérance des informations de source paysanne dans la prise de décision, la prise en considération de l‘économique dans la conception de la sécurité alimentaire, l’unité de traitement de données (une famille) et la refonte du découpage administratif pour les projections finales.
Néanmoins, les données sont toujours des données secondaires, soit issues de l’administration (récoltes et rendements), soit des groupes socio-économiques considérés comme représentatifs dont il faut dépister les lacunes ou stratégies lors des interviews ! Cette méthode se distingue par son indépendance à l’égard des autorités locales, dont les données sont relativisées et par sa remise en cause des modes d’évaluations classiques sous forme de Balance sheet (cf. infra). Développées en parallèle des SAP, ces approches commencent à être reconnues par les agences et autorités gouvernementales, mais elles n’ont guère modifié l’idée originale de SAP (Buchanan-Smith & Davies, 1995).
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