Le Grand Voyage d'Alice
Jean-Hervé Bradol
La bande dessinée « Le Grand Voyage d'Alice » a été dessinée par Gaspard Talmasse et est paru aux éditions La boîte à bulles, le 17 novembre dernier. La préface de cette bande dessinée a été écrite par le docteur Jean-Hervé Bradol, ancien président de MSF et directeur d'études au Crash. La BD a remporté le prix MSF au Festival Carnet de voyages de Clermont Ferrand qui s'est tenu du 19 au 21 novembre 2021.
Gitarama, 1994, au sud au Rwanda. Alice, 5 ans, vivait une enfance paisible auprès de ses parents et ses petites soeurs. Sa vie bascule subitement lorsqu'éclate le génocide des tutsis et qu'elle se retrouve ensuite contrainte de quitter son village. Avec sa famille mais aussi Rose, une petite tutsi, elle part sur les routes brûlantes de la République démocratique du Congo - le Zaïre, à l'époque - fuyant devant l'avancée des troupes du FPR. C'est dans ce climat de totale insécurité qu'elle grandira, de camps de réfugiés en camps de fortune, retrouvant parfois une vie presque normale avant de nouvelles attaques, une nouvelle fuite et la mort qui rôde, toujours... Jusqu'à ce jour où, suite à une nouvelle attaque, elle perd la trace de sa mère, et se retrouve seule avec sa petite soeur. Elle finira par être recueillie et rapatriée au Rwanda en novembre 1997, mais restera de nombreuses années sans nouvelles de sa famille... Gaspard Talmasse livre ici un témoignage singulier, poignant et d'une grande justesse, celui de son épouse. Pour raconter cette odyssée de plusieurs milliers de kilomètres, l'auteur choisit d'adopter le regard d'enfant d'Alice, afin de retranscrire au mieux sa vérité.
Le regard d'Alice
par Jean-Hervé Bradol, Médecins sans Frontières
Le récit d'une enfant ne peut résumer l'ensemble des crimes de masse dont les Rwandais ont été les victimes au fil des années 1990. Alice nous dit sa propre histoire. Comment elle a traversé le Congo à pied sur près de 2000 kilomètres, d'est en ouest. Dans ces groupes de fuyards, trois personnes sur quatre sont des femmes et des enfants. Parmi eux se trouvent aussi des miliciens et des militaires qui, avant de perdre la guerre et de quitter le Rwanda en 1994, ont commis un génocide contre leurs compatriotes tutsis. Le nombre des victimes est estimée à 800.000. Les vainqueurs de la guerre civile rwandaise et leurs alliés congolais se sont lancés à la poursuite de ces réfugiés rwandais installés au Congo. Ils les traquent, utilisent l'aide humanitaire pour les piéger. Quand ils les trouvent, ils ne font pas de quartiers. Les enfants quel que soit leur âge, les femmes enceintes, les personnes âgées, tout le monde y passe. Cela explique que malgré l'épuisement, la faim, les maladies, les bêtes sauvages, la terreur, certains de ces réfugiés aient continué à marcher. Alice est une survivante et elle nous raconte tout cela.
Nous connaissions cette histoire parce que parmi ces personnes en fuite, comme dans toutes les catégories de populations victimes de crimes de masse dans cette région des Grands lacs africains, se trouvaient des collègues de Médecins Sans Frontières. Grand merci à Alice et Gaspard de nous raconter, avec justesse et délicatesse, leur version de cette histoire que nous avons en partage.
Pour citer ce contenu :
Jean-Hervé Bradol, « Le Grand Voyage d'Alice », 17 novembre 2021, URL : https://msf-crash.org/fr/blog/guerre-et-humanitaire/le-grand-voyage-dalice
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