Jean-Hervé Bradol & Jean-Hervé Jézéquel
Médecin, diplômé de Médecine tropicale, de Médecine d'urgence et d'épidémiologie médicale. Il est parti pour la première fois en mission avec Médecins sans Frontières en 1989, entreprenant des missions longues en Ouganda, Somalie et Thaïlande. En 1994, il est entré au siège parisien comme responsable de programmes. Entre 1996 et 2000, il a été directeur de la communication, puis directeur des opérations. De mai 2000 à juin 2008, il a été président de la section française de Médecins sans Frontières. De 2000 à 2008, il a été membre du conseil d'administration de MSF USA et de MSF International. Il est l'auteur de plusieurs publications, dont "Innovations médicales en situations humanitaires" (L'Harmattan, 2009) et "Génocide et crimes de masse. L'expérience rwandaise de MSF 1982-1997" (CNRS Editions, 2016).
Directeur adjoint pour l'Afrique de l'Ouest, International Crisis Group
Jean-Hervé Jézéquel a d'abord travaillé en tant que consultant pour Crisis Group en Guinée en 2003, avant de devenir analyste senior pour la région du Sahel en mars 2013. Il a également travaillé pour Médecins Sans Frontières en tant que coordinateur terrain au Libéria et chercheur.
PARTIE 3 La « révolution » Plumpy’nut : des lendemains difficiles ?
Jean-Hervé Jézéquel
La crise du Niger de 2005 a constitué un tournant majeur pour les politiques de prise en charge de la malnutrition infantile. Certes, ces transformations s’amorçaient déjà depuis le début des années 2000 sous l’influence conjuguée des nouveaux savoirs nutritionnels et du regain d’intérêt pour la réduction de la mortalité infantile dans le sillage des Objectifs du Millénaire. Mais la crise de l’été 2005, dans laquelle MSF a joué un rôle clé (Crombé & Jézéquel, 2007), a indéniablement servi d’accélérateur des politiques de prise en charge médicalisée de la petite enfance, d’abord à l’échelle du Sahel puis sur la scène globale. Depuis 2005, on observe ainsi toute une série de transformations au niveau des dispositifs globaux (nouvelles recommandations émises par l’OMS, l’UNICEF ou le PAM, augmentation de la production et de l’utilisation des RUTF, etc.) comme des politiques publiques nationales (nouveaux protocoles nationaux de prise en charge de la malnutrition, mise en place de centres de re-nutrition communautaires dans les pays affectés, etc.).
MSF aurait bien des raisons de se féliciter de transformations qu’elle a en partie suscitées. Les dispositifs de lutte contre la malnutrition, aux plans nationaux et internationaux, ont ainsi entériné un nombre important de mesures recommandées par MSF et d’autres acteurs (notamment celles relatives à l’utilisation des RUTF dans le traitement ambulatoire de la malnutrition aiguë sévère). Paradoxalement, les transformations qui affectent la scène nutritionnelle plongent également MSF dans l’expectative, sinon dans l’embarras. A présent que son utilité est reconnue par des acteurs globaux, jusqu’où et comment mener cette prise en charge médicalisée de la malnutrition ? Quels moyens et quelle part de son énergie MSF doit-elle consacrer à la malnutrition au moment où les Etats et d’autres ONG investissent ce champ ? Quelle place l’arrivée de nouveaux acteurs, et notamment des Etats souverains, laisseelle à MSF dans ce domaine ? Si la révolution du Plumpy’nut a marqué un épisode enthousiasmant pour l’association, elle débouche aujourd’hui sur des lendemains plus difficiles, des hésitations sur la voie à suivre et des questionnements sur les limites de nos engagements.
Ce texte ne prétend nullement tracer le bon chemin à suivre pour MSF (non seulement parce que ce n’est pas le rôle du CRASH de le faire, mais également parce que l’auteur serait bien à la peine de dire quelle est « la » meilleure voie). Ce texte propose plutôt une série de réflexions : les premières se présentent sous forme de bilan des transformations qui ont marqué la scène nutritionnelle ces dernières années ; les secondes proposent une analyse critique sur les choix qui s’offrent à MSF pour demain en matière de lutte contre la malnutrition.
LES TRANSFORMATIONS DES PRATIQUES ET DES POLITIQUES NUTRITIONNELLES: QUEL BILAN DEPUIS 2005 ?
Au moment où MSF développe une réflexion interne sur le VIH et notamment sur le bilan de la mise sous traitement de masse qu’elle préconise, il apparaît important d’anticiper une réflexion similaire dans le cas de la malnutrition de masse. Pour cela, il convient d’abord de comprendre en quoi les pratiques et les politiques des différents acteurs ont changé ces dernières années en matière de lutte contre la malnutrition.
Il est encore difficile de faire un bilan précis de l’ensemble de ces changements. On peine notamment à mesurer l’impact réel des nouvelles recommandations internationales et des protocoles nationaux en matière de traitement. Au Sahel, où une série d’acteurs internationaux (MSF, ECHO, UNICEF, etc.) ont plus particulièrement poussé au changement, aucun pays (à l’exception du Niger) ne connaît aujourd’hui avec précision le nombre d’enfants traités annuellement par l’ensemble des acteurs concernés (des structures nationales de santé aux ONG). En 2008, un rapport confidentiel de l’UE s’inquiétait des dysfonctionnements flagrants des structures de traitement mises en place par certaines ONG au Sahel. Dans la confusion générale, les matrones mélangeaient parfois les nouveaux produits RUTF aux bouillies de mil lors des programmes de formation des mères. Certains qualifiaient même de « mouroirs » des programmes de traitement de la malnutrition où le caractère « communautaire » ou « ambulatoire » servait de prétexte à une démédicalisation complète aux effets désastreux. Faut-il voir dans ces exemples des cas marginaux appelés à disparaître à mesure que les programmes se mettent en place et que le personnel en fonction gagne en expérience ? Ou bien illustrent-ils des dysfonctionnements plus structurels ?
Dresser le bilan détaillé des avancées sur le plan des pratiques et des politiques nutritionnelles dépasse les ambitions de ce texte. Je proposerai plutôt ici deux réflexions, d’une part sur la (re)-médicalisation de la faim et d’autre part sur ce que l’on pourrait appeler la « géopolitique » du Plumpy’nut.
LA FAIM, UN PROBLÈME DE MÉDECINS?
La crise du Niger de 2005 a marqué le retour « officiel » du médecin au chevet de l’enfant malnutri. Depuis plusieurs décennies, le domaine avait été accaparé par d’autres experts, qu’ils soient développeurs, agronomes ou éducateurs. Les médecins ne jouaient qu’un rôle marginal dans le cadre de structures hospitalières trop petites pour avoir un impact significatif face à l’énormité du problème. Les RUTF couplés au mode de prise en charge en ambulatoire ont ouvert la voie au traitement massif des enfants malnutris et offert aux médecins une nouvelle place dans le champ des spécialistes de la « faim ». A ses propres yeux, le médecin ne traite pas le problème de la «faim» mais celui de la malnutrition. Le concept de « faim » est jugé beaucoup trop vague et malléable. Il n’en reste pas moins que la réponse médicale apportée à la malnutrition est aujourd’hui un élément des stratégies de lutte contre les effets de la «faim» mises en place par les autorités politiques (locales comme internationales). Ainsi au Niger, on ne parle plus seulement de sécurité alimentaire mais des politiques de sécurité alimentaire et nutritionnelle.Même si le médecin se concentre sur le problème de la nutrition infantile, son action le met volens nolens en relation avec l’espace plus large des politiques de gestion de la « faim ».
Médecins Sans Frontières a joué un rôle central dans le retour des médecins au premier plan de la problématique nutritionnelle : elle a montré que le médecin pouvait proposer un traitement massif et efficace de la malnutrition aiguë sévère, s’appuyant pour cela sur le savoir du nutritionniste) – autre expert qui opère un retour en force lors de la crise du Niger. En 2005, les médecins ont démontré par la pratique qu’ils pouvaient sauver des vies beaucoup plus rapidement et efficacement que d’autres intervenants. Les nouvelles réponses médicalisées à la malnutrition ont ainsi intégré l’arsenal des techniques mobilisées pour lutter contre les effets de la « faim » au sens large.
Ce retour du médecin est pourtant ambigu à plus d’un titre. Ainsi le succès des nouvelles techniques curatives s’accompagne paradoxalement d’une démédicalisation des intervenants. Les nouveaux produits thérapeutiques (les RUTF) permettent en effet de traiter les patients en dehors de l’univers hospitalier, à domicile ou en ambulatoire. Pour reprendre une expression entendue lors de la journée de débats qui s’est tenue à MSF en 2009, « Les traitements sont mis dans les mains des patients ». A mesure que la thérapie s’émancipe des structures médicales, la figure du thérapeute se diversifie : les travailleurs de santé communautaire, les parents, les ONG non-médicales s’emparent des possibilités offertes par les RUTF. Ces dernières (ONG de secours alimentaire ou de développement), qui auparavant s’aventuraient rarement dans des opérations de traitement de la malnutrition aiguë sévère (l’hospitalisation étant incontournable avant les RUTF) développent aujourd’hui des activités curatives considérées jusqu’alors comme l’apanage presque exclusif des médecins. Ce mouvement, sans doute positif, ne va pourtant pas sans soulever de nouvelles questions. Des problèmes particuliers se posent notamment pour les 10 à 20 % d’enfants malnutris atteints de complication médicale, mal référés ou mal pris en charge par ces ONG qui manquent de savoir-faire médicaux quand la seule distribution de RUTF ne suffit pas à traiter la malnutrition. Il ne s’agit pas ici d’appeler à exclure les « non-initiés » parce qu’ils manquent de compétence médicale. Il s’agit plutôt de se demander en quoi l’investissement du champ curatif par une série d’acteurs non-médicaux affecte les ambitions qu’une organisation médicale comme MSF peut entretenir en matière de nutrition. C’est ainsi que lors de la journée de débats, un certain nombre d’intervenants ont encouragé l’association à se recentrer sur la partie la plus médicale du problème, à savoir les cas d’enfants sévèrement malnutris affectés par d’autres pathologies sérieuses.
« GÉOPOLITIQUE DU PLUMPY’NUT »
Au-delà des progrès techniques, l’avancée la plus significative depuis la crise de 2005 est le retour de la problématique nutritionnelle dans les agendas politiques des Etats du Sud comme des instances internationales. Dans les pays du Sahel par exemple, les politiques de sécurité alimentaire ne se concentrent plus seulement sur les volumes céréaliers (paradigme quantitatif) mais intègrent également la sécurité nutritionnelle et l’idée d’une aide adaptée à la petite enfance (paradigme qualitatif). Là encore, le mouvement était en marche avant la crise du Niger mais l’action de MSF en ce domaine a considérablement accéléré les choses. Autre exemple, l’Ethiopie, qui il y a encore peu répugnait à ouvrir des centres de re-nutrition thérapeutique, fait aujourd’hui figure de « front pionnier » dans le traitement de la malnutrition infantile. Certes, beaucoup reste à faire mais le gouvernement éthiopien prend désormais les devants : il a adopté de nouveaux protocoles, soutenu la production locale de RUTF et mis en place un Plan National de la Nutrition qui mêle activités de prévention et de traitement. Ces changements ne sont pas circonscrits à quelques pays d’Afrique. Les organisations internationales comme la Banque Mondiale ou des agences onusiennes comme le PAM, l’UNICEF et l’OMS (ré)investissent la problématique de la malnutrition en s’appuyant, entre autres, sur les perspectives ouvertes par les récentes avancées thérapeutiques. Si les volumes financiers consacrés à la malnutrition restent relativement modestes au regard d’autres pathologies comme le Sida, la mobilisation d’aujourd’hui contraste avec la relative négligence des dernières décennies.
Cette mobilisation reste cependant fragile. On l’avait déjà noté dans l’ouvrage consacré à la crise du Niger de 2005 qui avait pourtant attiré l’attention du gouvernement, des bailleurs internationaux et d’autres ONG sur la malnutrition. Depuis lors, le constat s’est confirmé ; en 2009, quatre ans après la crise, MSF traite encore la majorité des cas au Niger : malgré le départ de la section française, le mouvement MSF est directement ou indirectement impliqué dans le traitement de plus de 50 % des cas dépistés (UNICEF). Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? Dans tous les cas, le relais n’est pas encore fermement pris par d’autres acteurs, à commencer par les Etats.
Plus inquiétant encore, il y a eu très peu de changements dans une partie des Etats où l’on trouve les plus fortes concentrations de malnutrition infantile. Dans le nord du Nigéria (probablement le plus gros foyer africain avec l’Ethiopie), les autorités ne reconnaissent pas le problème publiquement. Elles n’ont adopté ni les nouveaux produits thérapeutiques ni les nouveaux protocoles de traitement. Il ne s’agit pas de jeter la pierre sur des Etats que l’on accuserait de sacrifier leurs populations. Il nous faudrait ici mieux comprendre les intérêts politiques de ces gouvernements, mieux saisir le caractère particulièrement sensible de la question nutritionnelle, mieux cerner la rivalité de fait qui s’instaure entre gouvernants et organisations humanitaires dans une déclaration de situation de crise. Le cas de l’Inde est à ce titre particulièrement intéressant. Le pouvoir politique ne peut y être accusé d’indifférence au sacrifice des populations pauvres : la lutte contre la malnutrition y mobilise en effet des énergies considérables, mais les enjeux politiques et économiques liés au dispositif national d’aide alimentaire ont jusqu’à présent paralysé l’introduction des nouveaux produits thérapeutiques comme le Plumpy’nut. Le traitement de la malnutrition aiguë sévère reste en Inde un chantier aussi délicat qu’important à ouvrir. Le modèle du « coup d’Etat médical » utilisé au Niger en 2005 trouve dans ce type de contexte d’évidentes limites et il faudra sans doute inventer d’autres formes de négociations.
On voit finalement coexister aujourd’hui des fronts pionniers engagés dans des politiques volontaristes et des « fronts du refus » où rien ne bouge véritablement. Quel type de terrain MSF doit-elle privilégier dans ses interventions ? Doit-elle se rendre en priorité là où l’aide est refusée aux enfants malnutris ? Doit-elle plutôt investir des terrains plus accueillants pour y expérimenter des modèles de prise en charge plus performants et plus à même de convaincre les réticences des décideurs politiques ? Idéalement, il faudrait poursuivre les deux directions mais dans une conjoncture de ressources limitées, il sera peut-être nécessaire de faire des choix. Dans tous les cas, il apparaît important pour MSF de mieux comprendre les dynamiques qui affectent les différentes arènes locales afin de porter l’organisation dans les recoins oubliés des politiques nutritionnelles qui se mettent en place.
La fragilité de la mobilisation ne se résume d’ailleurs pas aux résistances posées par les « fronts du refus ». De manière plus globale, la conjoncture internationale est indécise. Les Objectifs du Millénaire (ODM) ont certes attiré l’attention sur la forte mortalité associée à la malnutrition infantile. Les fonds associés à ces ODM ont ouvert la perspective d’une mobilisation politique et financière importante autour de la malnutrition. Avec les ODM, la malnutrition infantile est en passe de devenir un enjeu global impliquant les Etats du Sud comme ceux du Nord. Il n’en reste pas moins que ce moment est fragile et peut se retourner dans le sillage des nouvelles « crises globales » que traverse le globe. Alors que la crise financière fait craindre une réduction des budgets de l’aide, la crise alimentaire mondiale suscite un regain d’intérêt pour les stratégies agricoles productivistes. Or, la crise du Niger en 2005 avait précisément mis en lumière les limites du paradigme agricole et productiviste dans le traitement de la malnutrition infantile. Il ne s’agit pas de contester l’intérêt de relancer l’agriculture dans les pays du Sud, mais de souligner les limites de cette politique si l’on entend lutter efficacement contre la malnutrition. Or, lors du dernier sommet du G20, les fonds promis par les pays du Nord se focalisent essentiellement sur cette relance par l’agriculture. La « crise alimentaire mondiale » n’a pas été l’occasion de braquer à nouveau les projecteurs sur la malnutrition, sans doute faute d’acteurs pour faire le lien entre les deux phénomènes. Ni MSF ni les autres acteurs engagés dans la lutte contre la malnutrition n’ont vraiment réussi à faire entendre leur voix lors de la dernière réunion du G20 où les questions alimentaires ont pourtant été débattues. Il ne faudrait pas manquer d’autres opportunités mais cela suppose que MSF soit au clair avec les ambitions et le rôle qu’elle entend jouer dans ce domaine. Par exemple, l’association voudrait-elle militer en faveur de politiques faisant sortir le lait des règles classiques de l’économie de marché à la manière des médicaments essentiels ? C’est en tout cas dans ce contexte particulier qui mêle réelles avancées et incertitudes récurrentes qu’il faut s’interroger à nouveau sur ce que MSF souhaite faire de la lutte contre la malnutrition.
QUELLES POLITIQUES NUTRITIONNELLES POUR DEMAIN ?
Les progrès réalisés dans les techniques de prise en charge de la malnutrition ouvrent de nouvelles perspectives opérationnelles pour les acteurs de l’aide. Aux yeux de certains, s’attaquer efficacement et durablement aux grands foyers de malnutrition n’est plus un objectif irréaliste. Les derniers obstacles ne seraient pas techniques ni même vraiment financiersAu vu des sommes colossales investies cette année dans la sauvegarde du système financier international. mais relèveraient plutôt de la volonté politique des grands acteurs de l’aide et des Etats concernés. Il est alors tentant de penser que l’on se trouve à la veille d’un tournant majeur dans l’histoire démographique mondiale. Dans ces conditions, MSF peut-elle aller au- delà de la seule lutte contre la malnutrition dans un lieu et un moment donné ? Peut-elle avoir pour ambition la réduction durable de la malnutrition et plus largement de la mortalité infantile à l’échelle d’une population en milieu ouvert ? Cette question débouche en fait sur deux grandes séries d’interrogations : d’abord une réflexion à caractère historique sur les moteurs de la démographie humaine et plus précisément sur rôle de la médecine dans la réduction de la mortalité ; ensuite une réflexion sur le lien entre d’un côté les progrès de la science et des techniques et de l’autre les ambitions opérationnelles d’une organisation humanitaire comme MSF : les nouvelles opportunités offertes par le progrès médico-technique nous conduisent-elles mécaniquement à élargir nos ambitions ?
S’ATTAQUER AUX GRANDS FOYERS DE MORTALITÉ INFANTILE ?
Les nouvelles connaissances et techniques médicales n’ouvriraient-elles pas les portes d’une baisse historique de la mortalité infantile dans les pays du Sud plus d’un siècle après que les pays du Nord ont connu cette même dynamique ? Un détour par l’histoire peut ici être utile pour examiner des moments similaires de retournement des conjonctures démographiques et/ou de diffusion des discours liant avancée des connaissances scientifiques et progrès de l’humanité. Dans de nombreuses régions du globe, la mortalité infantile a fortement baissé depuis la fin du 19ème siècle. Or ces régions sont également des zones où le combat contre la sous-nutrition a été mené avec succès. Le sens commun veut que les progrès réalisés dans les connaissances et les techniques médicales aient été au centre des grandes évolutions démographiques contemporaines en Europe, en Amérique du nord mais aussi en Chine, en Amérique latine, etc. Les historiens-démographes peinent pourtant à s’accorder sur l’origine réelle de ces dynamiques globales.
Pour une partie des démographes, la baisse de la mortalité infantile est le résultat direct des politiques sanitaires basées sur l’innovation médicale mises en place par les Etats à partir du 19ème siècle. Cette idée a été contestée par Thomas McKeown qui a replacé les changements socio-économiques au centre des grandes évolutions démographiques : selon lui, l’amélioration des conditions économiques a permis l’amélioration du statut nutritionnel des populations, lui-même débouchant sur une baisse de la mortalité. T. McKeown, The Modern Rise of population, 1976.Par là, McKeown minore l’impact des politiques sanitaires et donc le rôle joué par la médecine et plus largement les pouvoirs publics dans les évolutions démographiques. T. McKeown, The Role of Medicine: Dream, Mirage, or Nemesis?, 1976.La thèse de McKeown a rencontré beaucoup de succès dans la communauté des historiens. Dans la lignée de ses travaux, Kwang-Sun Lee défend ainsi l’idée que la commercialisation de lait pasteurisé est le facteur principal de réduction de la mortalité infantile en général et plus particulièrement de la mortalité associée aux maladies diarrhéiques. Son impact serait plus important que les revenus des familles, les mesures sanitaires ou les interventions médicales. D’un autre côté, les thèses de McKeown nourrissent également de vives controverses. Le démographe italien Massimo Livi-Bacci a notamment remis en cause les liens entre nutrition et mortalité dans le long terme. Il insiste pour sa part sur la lutte contre les infections et restaure de ce fait le rôle des politiques sanitaires. La communauté des démographes est donc divisée et le débat est loin d’être clos. Dans un article paru dans l’American Journal of Public Health en 2002, James Colgrove résume ainsi le principal élément de discorde : « Are public health ends better served by targeted interventions or by broad-based efforts to redistribute the social, political, and economic resources that determine the health of populations ? ». James Colgrove, “The McKeown Thesis: A Historical Controversy and its Enduring Influence”, American Journal of Public Health, Mai 2002, Vol. 92(5), p.725.D’une certaine manière, ce débat fait écho dans la communauté humanitaire aux discussions entre ceux qui insistent surtout sur les programmes de cash transfer et ceux qui soulignent l’impact immédiat de politiques sanitaires plus ciblées comme c’est le cas avec le traitement de la malnutrition via les RUTF et RUSF.
Les approches historiques les plus intéressantes sont peut-être celles qui reconnaissent la part d’ombre importante qui subsiste sur les grandes évolutions démographiques de l’époque contemporaine. Ces travaux montrent que les progrès démographiques n’ont pas été unilinéaires et sont liés à de multiples facteurs qui diffèrent d’un pays à l’autre. Il est dès lors impossible de ramener ces évolutions à un modèle linéaire unique : les raisons pour lesquelles la mortalité a baissé en Angleterre et en France, en milieu rural et en milieu urbain furent différentes à chaque fois. L’historienne Catherine Rollet relie pour sa part la baisse de la mortalité infantile obtenue par la médicalisation de la petite enfance à des transformations sociales, politiques et culturelles beaucoup plus larges : nouvelle conception collective de l’enfance et de l’enfant, montée des nationalismes dans les Etats européens au 19ème siècle, etc.
Au final, il faut sans doute retenir que la réduction de la mortalité infantile a emprunté des voies différentes d’un point du globe à l’autre, d’une époque à l’autre. L’innovation scientifique et médicale joue souvent un rôle mais son impact ne peut être isolé d’une multitude d’autres facteurs auxquels elle s’entremêle. De même, si le volontarisme politique – par exemple la mise en place de politiques publiques en faveur de la petite enfance – a également pesé, il doit être relié à des dynamiques beaucoup plus larges sur lesquelles les acteurs politiques ont peu de prise.
L’histoire nous incite alors à considérer la mise à disposition d’aliments adaptés à la petite enfance comme une condition nécessaire mais en aucun cas suffisante à une réduction significative et durable de la mortalité infantile dans les pays encore touchés. L’histoire nous invite également à plus de circonspection sur le rôle joué par les politiques de santé publique qui s’appuient sur l’innovation scientifique et médicale.
TESTER DES MODÈLES REPRODUCTIBLES ?
La volonté de construire des modèles durables et reproductibles de réduction de la malnutrition sinon de la mortalité incitent MSF à organiser des opérations dont l’un des objectifs est de démontrer « scientifiquement » leur efficacité. La question du rôle de la science et de la technique a été abordée lors de la journée d’études et l’on a vu plus haut la présentation éclairante que Rebecca Grays (Epicentre) avait alors consacrée à ce sujet. Je voudrais y ajouter quelques réflexions en rappelant comment les dispositifs techniques et scientifiques sont souvent réappropriés et transformés par les différents acteurs.
En effet, les RUTF n’ont cessé de changer de main ces dernières années : mis au point et testés par des chercheurs nutritionnistes, ils sont ensuite passés dans les colis des humanitaires avant d’intéresser les Etats et les grandes institutions en charge de la santé ou de l’aide internationale. En changeant ainsi de main, les produits changent aussi d’usage et leur efficacité s’en trouve transformée. Le Plumpy’nut s’est considérablement diffusé voire banalisé dans certaines régions d’Afrique, mais on connaît encore mal ses multiples usages : produit de stimulation sexuelle dans le nord du Nigéria, petit déjeuner des enfants avant l’école à Monrovia, casse-croûte du travailleur avant d’aller aux champs en Ethiopie, produit de beauté pour faire grossir les jeunes femmes et faire briller leur peau, etc. Il y a quelque temps, les experts se demandaient si le Plumpy’nut devait être considéré comme un traitement ou un aliment. Le débat n’était pas uniquement technique ou scientifique, il était également au centre d’une compétition autour des ressources et des personnes légitimes à utiliser ces produits. Sans attendre l’avis des experts, les populations ont tranché la question. Les populations bénéficiaires se réapproprient le Plumpy’nut et plus largement les programmes d’aide nutritionnelle.
On a tendance à considérer ces réappropriations comme marginales ou à les analyser sous l’angle classique du détournement de l’aide. Elles disent pourtant beaucoup plus que cela. Elles montrent d’abord que l’efficacité des dispositifs techniques et scientifiques est forcément altérée par leurs réappropriations sociales, surtout lorsqu’on est en présence d’un produit lié à un enjeu aussi fondamental que l’alimentaire. Elles montrent ensuite que les populations s’emparent de la machine de l’aide pour redéfinir leurs problèmes et leurs besoins (voir encadré sur l’Ethiopie).
Tricheries en Ethiopie ?
Lors de la crise dans le sud éthiopien en 2008, les équipes MSF déploraient les nombreux comportements de triche et de détournement (par exemple location d’enfants dénutris, trafic de sachets vides de PPN, etc.), phénomènes d’autant plus choquants aux yeux des volontaires qu’ils étaient le fait non pas de commerçants avides ou de fonctionnaires corrompus mais des « populations en souffrance ». On a voulu analyser ces comportements comme le résultat de dysfonctionnements opérationnels (manque de rigueur logistique) ou comme la preuve du désespoir des familles poussées à des comportements extrêmes pour avoir accès à l’aide (rumeur de cas d’enfants dont les pieds avaient été trempés dans l’eau bouillante pour simuler des œdèmes).
Ces « tricheries » peuvent également s‘interpréter différemment : face à une crise alimentaire qui touche en 2008 l’ensemble de la population, elles permettent de contester la manière dont les acteurs de l’aide définissent, à la place des populations, la nature du problème qu’elles traversent et la hiérarchie des priorités. Face à des acteurs qui concentrent le regard et l’action sur l’aide nutritionnelle à la petite enfance, les populations rappellent, par ces « tricheries », que le problème est aussi alimentaire et affecte toutes les tranches d’âge.
Les populations bénéficiaires ne sont d’ailleurs pas les seules à donner de nouveaux sens aux interventions nutritionnelles en se les réappropriant. Il en va de même pour les Etats qui élaborent depuis quelques années de nouvelles politiques de gestion de la malnutrition. Les dispositifs techniques qui permettent une prise en charge efficace des cas de malnutrition (nouveaux produits, démarche ambulatoire) sont réinvestis et transformés par les enjeux politiques. C’est ainsi le cas lorsque la démarche ambulatoire est transformée en approche communautaire par les Etats sur les conseils des institutions internationales : l’approche communautaire a sans doute ses vertus, mais elle permet également de diluer opportunément la visibilité médiatique de la malnutrition (voir encadré ci-dessous). Présentée comme un outil qui redonne du pouvoir aux sociétés villageoises, elle peut au contraire être vue comme un mécanisme par lequel l’Etat se décharge de certaines de ses responsabilités en les transmettant aux communautés les plus pauvres.
De l’ambulatoire au communautaire : les usages politiques d’un outil technique en Ethiopie
La gestion communautaire de la malnutrition aiguë (ou GCMA) permet à l’administration éthiopienne de reprendre la main sur la malnutrition et la question sensible de sa visibilité médiatique. La GCMA insiste en effet sur la décentralisation des structures de traitement de la malnutrition aiguë pour les porter au plus près des populations. Promesse d’efficacité et de proximité des structures médicales, la décentralisation des unités nutritionnelles peut également devenir un outil de contrôle politique. En transférant les cas de malnutrition d’un petit nombre de grands centres nutritionnels vers une multitude de structures petites tailles, il devient possible de « diluer » la malnutrition ou du moins d’en contrôler la visibilité. Il est à ce titre intéressant de noter que lors de la crise de 2008, les autorités administratives autorisaient plus volontiers les journalistes étrangers à visiter les petits centres ambulatoires – où finalement les enfants ne restent que quelques minutes – que les SC (Stabilization Centers) – où les cas les plus graves sont visibles. La prise en charge ambulatoire ou communautaire est sans doute efficace sur le plan médical, elle offre également des avantages en termes de contrôle politique d’une question aussi sensible que la malnutrition.
En passant des mains des scientifiques à celles des humanitaires puis des Etats et enfin des « populations vulnérables », les dispositifs de prise en charge communautaire de la malnutrition ne cessent de se transformer. Il est difficile de dresser un bilan précis de ces transformations. Deux questions méritent cependant d’être discutées à MSF.
Dans la mesure où elle recommande la diffusion des nouveaux produits thérapeutiques et des dispositifs de prise en charge communautaire, MSF devrait sans doute se poser plus sérieusement la question de l’impact de ces dispositifs et notamment de leur réception sociale et politique. Que produisent ces protocoles dont nous recommandons la diffusion en dehors de nos seules opérations ? Comment modifient-ils les pratiques réelles des acteurs à l’intérieur du champ nutritionnel ?
Ensuite, les mécanismes de réappropriation décrits précédemment posent la question de la validité de la « preuve scientifique » dans la diffusion des RUTF. Il paraît illusoire de vouloir démontrer scientifiquement l’efficacité d’un produit tant la masse des paramètres sociaux, économiques et politiques qui en déterminent la réception et l’usage local nous échappe. Il ne s’agit pas d’affirmer avec arrogance que dès lors que les produits thérapeutiques passent dans d’autres mains que celles des humanitaires, ils marchent moins bien. Il s’agit plutôt de reconnaître qu’ils fonctionnent différemment et peuvent servir des usages multiples. Dès lors, nos discussions sur les nouveaux modes de prise en charge doivent également prendre en compte ces dimensions politiques et sociales.
PRÉVENIR OU GUÉRIR ?
Lors de la journée de débats sur la nutrition de Janvier 2009, plusieurs participants ont affirmé que les larges opérations de traitement de la malnutrition aiguë sévère avaient montré une certaine efficacité au Niger en 2005 mais qu’elles montraient aujourd’hui de sérieuses limites. Ces vastes opérations sont parfois jugées aberrantes : d’une part, elles sont appelées à se répéter chaque année dans les zones où la malnutrition est endémique, d’autre part elles sont fondées sur un principe de rationnement de l’aide alimentaire selon lequel les enfants ne reçoivent un traitement que lorsqu’ils ont atteint le stade le plus grave de la maladie. Ces critiques ont encouragé MSF à concevoir progressivement des modèles de prise en charge plus précoce et élargie : un modèle préventif basé sur de vastes distributions d’aliments de supplémentation adaptés à la petite enfance dans les zones les plus affectées par la malnutrition chronique. Il s’agit sans doute d’une voie intéressante à explorer même si on peut se poser la question de l’efficacité réelle d’un tel système une fois qu’il est réabsorbé par le politique.
Justifier l’élaboration de modèles de prévention sur la critique des modèles curatifs peut cependant s’avérer problématique. Il y a là un curieux retournement des positions tenues par MSF France lors de la crise du Niger. En 2005, MSF a développé ses opérations de traitement en dépit des fortes réticences des experts en développement comme de l’autorité politique qui nous reprochaient de ne pas inscrire nos actions dans un cadre durable : nos actions étaient même jugées contre-productives car elles étaient coûteuses sans apporter de solution durable à un problème appelé à se répéter chaque année. Nous avions alors refusé ce diktat de la sustainability et revendiqué une intervention guidée par l’ambition de « sauver la vie ici et maintenant ». Nous avions refusé de nous inscrire dans un ordre politique qui faisait le sacrifice des générations actuelles au nom d’un meilleur devenir pour les générations futures du Niger. En justifiant la mise en place d’un modèle préventif par le fait que les activités massives de traitement sont aberrantes, ne revenons-nous pas sur cette position ?
Ces opérations sont pourtant bel et bien aberrantes à plusieurs points de vue. Elles le sont pour l’expert financier ou l’économiste : elles concentrent énormément de ressources pour un impact certes immédiat mais extrêmement limité dans le temps, sans aucune chance de pouvoir pérenniser un système coûteux ni de l’étendre à l’ensemble des zones affectées. Elles sont également aberrantes du point de vue du médecin expert en santé publique : elles nécessitent beaucoup plus de ressources humaines et financières que ne peuvent en mobiliser les systèmes de santé actuels dans la plupart des zones affectées, et n’intègrent pas non plus suffisamment les principes de prévention à la base de la plupart des politiques de santé publique en vigueur aujourd’hui. Elles sont également aberrantes du point de vue des Etats (ainsi que d’une partie des grandes organisations internationales en charge du développement) : les vastes opérations de traitement dévoilent soudainement l’incapacité des pouvoirs publics à « nourrir » correctement leurs populations et constituent à ce titre des moments de tension dangereux pour les dirigeants politiques des pays concernés, des moments de remise en cause des politiques de développement mises en place dans la durée par les grandes institutions internationales.
C’est précisément parce qu’elles sont aberrantes aux yeux de ces autres acteurs qu’elles font sens pour le médecin humanitaire. Promouvoir une médecine humanitaire, n’est-ce pas assumer l’aberration qui consiste à organiser des opérations massives de sauvegarde qui ne s’obligent pas à promettre des lendemains meilleurs ? N’est-ce pas refuser de conditionner la sauvegarde de la vie humaine à la construction de modèles qui se plient aux logiques économiques, politiques ou sanitaires dominantes ? Comme l’écrivait Jean-Hervé Bradol, « l’humanitaire peut faire de la résistance à l’élimination d’une partie de l’humanité un art de vivre fondé sur la satisfaction d’offrir inconditionnellement à une personne en danger de mort l’aide lui permettant de survivre ».F. Weissman, A l’ombre des guerres justes, Flammarion, 2003, p.32.
Il ne s’agit pas pour nous de dire qu’une organisation médicale comme MSF n’aurait rien à faire ni rien à dire dans des contextes de souffrance chronique, en l’occurrence les zones marquées par d’énormes taux de mortalité infantile – bien au contraire. Mais il s’agit d’investir ces espaces en acteurs humanitaires comme nous le faisons ailleurs. Aborder ces espaces de paix officielle comme nous aborderions une zone de conflit : on ne se demande pas en entrant au Congo ou au Libéria si nous allons devoir répéter les mêmes opérations un an, deux ans, dix ans ou quinze ans de suite. Ce n’est pas parce que nos opérations se prolongent dans ces zones de conflits « endémiques » telles le Kivu que nous les soumettons à la logique actuelle des reconstructeurs de la santé ou à celle des faiseurs de paix. Abordons les espaces de la pauvreté et de la souffrance chronique de la même manière, en acteur « délesté de l’illusion d’une humanité inéluctablement en marche vers une société idéale », op. cit., p.31.en acteur soucieux avant tout d’identifier le coût actuel du sacrifice imposé par les politiques (locales et internationales) de gestion des populations et d’intervenir en conséquence.
Cela ne nous prive d’ailleurs pas d’améliorer nos modes de prise en charge, notamment en explorant les voies de l’élargissement et du traitement précoce. Mais il ne faut pas que la recherche d’une recette acceptable selon la logique des autres acteurs ne nous amène trop loin de ce qui constitue notre différence, celle qui consiste à assumer la part d’aberration caractéristique de nos interventions.
SO WHAT ?
Ce texte invite surtout à se défier d’un investissement dans le champ nutritionnel qui procèderait d’une lecture assez progressiste, linéaire et à tout dire simplifiée du rôle que peut assumer la médecine face à la malnutrition et, plus généralement, face à la mortalité infantile.
Pour autant, le recours à la critique ne vise pas à tuer l’initiative ou à préconiser un repli prudent sur une vision nécessairement conservatrice du rôle d’une organisation comme MSF. Restituer le rôle de la médecine et de la nutrition dans des dimensions historiques plus modestes ne revient pas à nier l’impact important qu’une organisation comme MSF peut avoir. Il s’agit plutôt d’avoir une approche lucide sur les différentes possibilités offertes à la médecine humanitaire en matière de lutte contre la malnutrition.
Même si nous n’avons pas caché ici que certaines directions nous semblaient plus intéressantes que d’autres, ce texte n’a pas pour vocation de soutenir une ligne et d’en écarter d’autres. Il n’y a d’ailleurs pas de mauvaise ou de bonne voie en soi, il y a différentes options possibles qui engageront différemment la nature de ce qu’est et sera demain MSF. Car si notre association a influencé le champ des politiques nutritionnelles avec la crise du Niger de 2005, il convient de remarquer que la malnutrition affecte en retour la manière dont MSF imagine et conçoit son rôle et ses ambitions. Ainsi au Niger en 2005, l’intervention médicale de MSF a fait voler en éclat le rapport de forces entre aide d’urgence et développement dans le secteur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Aujourd’hui la volonté (et la possibilité technique) de répondre durablement et globalement aux enjeux de la malnutrition vient questionner le rapport tacite qui s’était établi entre deux facettes de l’activité de MSF, celle du prescripteur et celle du praticien, celle du médecin de santé publique et celle du médecin urgentiste. L’avenir de ce que nous faisons dépendra aussi de notre capacité à procéder aujourd’hui à des choix politiques clairs sur les ambitions qui sont les nôtres.
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