Catastrophes naturelles https://msf-crash.org/index.php/fr fr Aide humanitaire en Turquie et Syrie : « Les États sont des monstres froids qui calculent leurs intérêts » https://msf-crash.org/index.php/fr/le-crash-dans-les-medias/aide-humanitaire-en-turquie-et-syrie-les-etats-sont-des-monstres-froids <div class="field field--name-field-source-media field--type-string field--label-hidden field__item">Marianne</div> <span class="field field--name-uid field--type-entity-reference field--label-hidden"><span lang="" about="/fr/user/125" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">elba.msf</span></span> <span class="field field--name-created field--type-created field--label-hidden">lun, 02/13/2023 - 20:25</span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2023-02-15T12:00:00Z" class="datetime">15/02/2023</time> </div> <div class="field field--name-field-tags field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/fr/tags/catastrophes-naturelles" hreflang="fr">Catastrophes naturelles</a></div> <div class="field__item"><a href="/fr/tags/seisme" hreflang="fr">séisme</a></div> <div class="field__item"><a href="/fr/tags/turquie" hreflang="fr">Turquie</a></div> <div class="field__item"><a href="/fr/tags/syrie" hreflang="fr">syrie</a></div> <div class="field__item"><a href="/fr/tags/humanitaire-et-politique" hreflang="fr">humanitaire et politique</a></div> </div> <details class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper"> <summary role="button" aria-expanded="false" aria-pressed="false">Rony Brauman</summary><div class="details-wrapper"> <div class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3221" role="article" about="/index.php/fr/rony-brauman" class="node node--type-person node--view-mode-embed"> <div class="node__content"> <div class="group-person-profil"> <div class="group-person-image-profil"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/profile_image/public/2017-04/DSCF4256.jpg?itok=nCrBsaSM" width="180" height="230" alt="Rony Brauman" typeof="foaf:Image" class="image-style-profile-image" /> </div> </div> <div class="group-person-content"> <div class="group-person-firstname-lastname"> <div class="field field--name-field-firstname field--type-string field--label-hidden field__item">Rony</div> <div class="field field--name-field-lastname field--type-string field--label-hidden field__item">Brauman</div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field__item"><p>Médecin, diplômé de médecine tropicale et épidémiologie. Engagé dans l'action humanitaire depuis 1977, il a effectué de nombreuses missions, principalement dans le contexte de déplacements de populations et de conflits armés. Président de Médecins Sans Frontières de 1982 à 1994, il enseigne au Humanitarian and Conflict Response Institute (HCRI) et il est chroniqueur à Alternatives Economiques. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont "Guerre humanitaires ? Mensonges et Intox" (Textuel, 2018),"La Médecine Humanitaire" (PUF, 2010), "Penser dans l'urgence" (Editions du Seuil, 2006) et "Utopies Sanitaires" (Editions Le Pommier, 2000).</p> </div> <div class="same-author-link"><a href="/index.php/fr/rony-brauman" class="button">Du même auteur</a> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> </details> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-body field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p class="MsoNormal"><i><span style="mso-ansi-language:FR">Cet entretien avec Rony Brauman, conduit par Ella Micheletti, a été publié le 7 février 2023 dans le journal </span></i><a href="https://www.marianne.net/monde/geopolitique/aide-humanitaire-en-turquie-et-syrie-les-etats-sont-des-monstres-froids-qui-calculent-leurs-interets" target="_blank"><span style="mso-ansi-language:FR">Marianne</span></a><i><span style="mso-ansi-language:FR">. <o:p></o:p></span></i></p> <p class="MsoNormal"><i><span style="mso-ansi-language:FR">Le séisme de magnitude 7,8 qui a touché la Syrie et la Turquie lundi 6 février a causé la mort de plus de 2 600 personnes. L'ensemble de la communauté internationale a aussitôt proposé son aide aux deux pays. Derrière cette initiative, c'est toute une géopolitique de l'aide humanitaire qui est à l'œuvre. Pays amis, pays ennemis, chacun a un intérêt à aider un État à terre.<o:p></o:p></span></i></p> <p class="MsoNormal"><b><span style="mso-ansi-language:FR">Marianne : Après le cataclysme qui a touché la Turquie et la Syrie, la communauté internationale a très rapidement proposé son aide, notamment l’Union européenne. Selon vous, est-ce un authentique élan de solidarité ou ce volontarisme a-t-il des arrière-pensées politiques ?</span></b><span style="mso-ansi-language:FR"><o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">Rony Brauman<b> </b>: Cette rapidité n’a pas grand-chose d’exceptionnel compte tenu des pays qui sont frappés. La Syrie et la Turquie sont au cœur d’actualités chaudes et continues, donc la réaction est plus rapide que s’il s’agissait par exemple des Philippines [N.D.L.R. : après le passage du typhon Haiyan en novembre 2013, qui avait causé la mort de 6 300 personnes, l’aide internationale a été lente, ce qui a suscité la colère des habitants.] Les deux pays touchés aujourd'hui se trouvent à la lisière de l’Europe, ils sont impliqués dans des conflits qui jouent le rôle de stimuli à destination des autres pays. Cela leur confère une importance politique.<o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">Ensuite, l’Union européenne réagit rapidement parce que c’est pour ainsi dire dans ses gènes. L’aide humanitaire est le soft power de l’UE. Elle constitue un affichage important de sa présence mais aussi de sa puissance. Aider, c’est envoyer un signe de sa capacité d’intervention donc de puissance. Il y a une vraie diplomatie européenne des catastrophes. L’UE est le premier bailleur de fonds humanitaire au monde. Le contraire – si l’UE n'avait pas proposé une aide matérielle – aurait été surprenant et très inquiétant. Cela aurait voulu dire que l’hostilité l’emporte sur tout le reste. L’ouverture est censée être le drapeau de l’UE, c’est donc tout à fait attendu que cette dernière se montre aussi réactive.<o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><b><span style="mso-ansi-language:FR">Le 23 octobre 2011, la Turquie avait déjà été touchée par un séisme (604 morts). Elle avait refusé l'aide humanitaire de tous les pays de la communauté internationale (UE y compris), sauf de l'Azerbaïdjan et de l'Iran. Erdogan, Premier ministre à l’époque, avait affirmé que les équipes turques pouvaient gérer seules un tel séisme. Sous la pression des critiques, ce n’est que trois jours après seulement qu’il avait accepté l’aide internationale. Aujourd’hui, non seulement il l'accepte sans hésiter mais il la requiert. Qu’est-ce qui a changé entre ces deux catastrophes ?<o:p></o:p></span></b></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">Si je compare ces situations à l’histoire politique des catastrophes naturelles, je dirai qu’il y a quelque chose d’assez classique dans cette attitude. Les pays qui ont une histoire de longue puissance derrière eux comme la Turquie qui est l’héritière de l’empire ottoman, l’Inde ou la Chine, ont déjà refusé de l’aide en situation de catastrophe naturelle. Pour ces pays, c’était une manière de manifester un fort sentiment patriotique, lequel se traduisait par de l’autosuffisance. En 1974, la Chine avait été l’épicentre du plus meurtrier séisme de l’histoire – des centaines de milliers de morts. Pourtant, elle avait refusé toute aide, car il ne fallait montrer aucun signe de faiblesse.<o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">Des années plus tard, ce séisme en Syrie et en Turquie est très intense : 7,8 sur l’échelle de Richter. Il dépasse les capacités de réaction des deux États. Et de nos jours, ce volontarisme basé sur une soi-disant autosuffisance teintée de nationalisme est mal perçu et considéré comme inapproprié par les habitants, face à l’urgence de l’intervention des secours. Les Turcs et les Syriens sont submergés par l’angoisse, il fait froid, ils doivent absolument trouver des logements, donc toute aide, si elle est bien calibrée, leur est bénéfique. De plus, le bilan des premières heures est toujours sous-estimé, il va augmenter dans les prochains jours. Il y aurait donc tout lieu de craindre les réactions des populations qui se trouveraient privées d’aide, y compris internationale. Ni la Syrie ni la Turquie ne veulent que des affrontements aient lieu avec les habitants donc elles ont tout intérêt à accepter les aides.<o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><b><span style="mso-ansi-language:FR">Damas et Ankara reçoivent, sans surprise, l’aide des leurs alliés comme la Russie et la Chine. Au-delà de l’aspect humanitaire, est-ce une façon pour eux de renforcer leurs alliances par rapport à l’Occident, notamment en pleine guerre russo-ukrainienne ?<o:p></o:p></span></b></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">Le séisme est un événement important quand il se produit mais il faut garder en tête qu’il va finir par rentrer dans le flot des événements passés. Il faut donc éviter de le surestimer. Cela étant, au moment où nous parlons, la Russie a décidé d’intervenir en proposant un secours d’urgence. Or, c’est une aide apportée par un pays qui se dit agressé par l’Otan et qui aide pourtant un pays de l’Otan, la Turquie, qui est son allié. C’est une diplomatie d’opportunités, une géopolitique de l'aide humanitaire. La Russie monte sur une scène où on ne l’attendait pas. C’est une manière pour elle de perturber l’Otan.<o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">Concernant la Chine, tout ce qui peut contribuer à élargir le camp de ceux qui ont des relations tendues, brouillées ou ambivalentes avec Washington est bon à prendre. C’est une situation intéressante à exploiter pour la Chine parce qu’il y a une brèche entre Damas, Ankara et Washington. Pékin peut tenter de s’y engouffrer, en s’affirmant comme un soutien aux deux pays au moment où ils ont vraiment besoin d’aide. Ce sont des investissements modestes mais qui peuvent donner certains résultats, notamment au niveau de la bonne image que la Chine voudrait donner.<o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><b><span style="mso-ansi-language:FR">Il n’y a pas que les amis de la Syrie et de la Turquie qui proposent leur aide. La France, par le biais d’Emmanuel Macron, a été l’une des premières à le faire. Or, les relations du président français avec Bachar al-Assad sont écornées depuis qu’il l’a qualifié durant la guerre civile d’« ennemi » du peuple syrien, allant jusqu’à permettre des frappes sur le sol syrien avec l’aide des États-Unis et du Royaume-Uni. Depuis, la France n'a plus de poids sur le dossier syrien. Et avec Erdogan, les relations sont également difficiles. L’aide française peut-elle permettre, dans une certaine mesure, de reconstituer ces liens distendus ?<o:p></o:p></span></b></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">Dans la mesure où il y a deux pôles, c’est-à-dire que l’aide est offerte et qu’elle est acceptée, ce qui est le cas ici, alors un lien bilatéral s’établit. C’est une façon de réchauffer une relation auparavant froide et distante, même s’il ne faut pas accorder plus de valeur à ce genre de lien qu’il ne peut fournir. Il peut y avoir un réchauffement momentané, sans que cela aboutisse à une alliance à long terme car d’autres problèmes perdurent. On n’efface pas la question des droits de l’homme en Syrie ou en Turquie. Toutefois, il ne faut pas oublier que les États sont des monstres froids qui calculent leurs intérêts. La Syrie a été impliquée dans des attentats anti-Français au Liban dans les années 1980 et cela n’a pas empêché la France d’inviter Hafez al-Assad au bicentenaire de la Révolution en 1989. Il faut garder à l’esprit que les ressentiments sont une chose et que les logiques étatiques en sont une autre.<o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">Autre exemple : quand il y a eu un tremblement de terre en Iran en 1990, la France a envoyé les marins pompiers de Marseille en renfort. C’était trop tard mais la symbolique était là. Avec l'accord de l'Iran, il s’agissait pour Paris de montrer que le contentieux « Eurodiff » [N.D.L.R. : un projet de construction de centrales nucléaires et d’une usine d'enrichissement d'uranium entre la France et le régime du chah d'Iran, abandonné par le nouveau régime des Mollahs en 1979] était en voie de règlement. On manifestait ainsi une bonne volonté, on montrait que des relations étaient en train de reprendre…</span></p> <p class="MsoNormal"><b><span style="mso-ansi-language:FR">La France mène une politique patrimoniale importante à l’étranger et de nombreux chercheurs sont présents en Turquie et Syrie. Or, le patrimoine culturel des deux pays a été lourdement touché (citadelle d'Alep, château de Gaziantep en Turquie). Paris peut-il jouer un rôle dans cette reconstruction ?<o:p></o:p></span></b></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">La France a une longue tradition de politique étrangère patrimoniale, en Afghanistan, en Éthiopie, en Syrie, au Cambodge. C’est une forme de diplomatie qui a son importance pour elle. Il y a un véritable savoir-faire archéologique français qui est mis en avant par la France. Elle a notamment été impliquée dans la restauration du temple d’Angkor. Néanmoins, cette collaboration s’était faite dans le cadre d’un renouvellement de régime à la fin des années 1990 quand les Khmers rouges ont été définitivement mis hors-jeu. C’était une coopération, une politique commune, ce qui demande des accords plus solides qu’une aide en situation de catastrophe naturelle.<o:p></o:p></span></p> <p class="MsoNormal"><span style="mso-ansi-language:FR">En Syrie et en Turquie, les autorités vont devoir évaluer la situation du bâti, ce qui doit être détruit, reconstruit entièrement ou partiellement. Le logement va devenir le problème majeur des habitants. C'est là que nous verrons quels pays envoient des équipes de désencombrement et des aides à la reconstruction, pas uniquement des aides d'urgence pour les blessés, même si celles-ci sont bien sûr essentielles.<o:p></o:p></span></p> </div> <div class="height-computed field field--name-field-related-content field--type-entity-reference field--label-above"> <div class="field__label">Publications associées</div> <div class="field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3847" role="article" about="/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-mythes-et-realites" typeof="schema:Article" class="node node--type-article node--view-mode-teaser"> <span property="schema:name" content="Catastrophes naturelles : Mythes et réalités" class="rdf-meta hidden"></span> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2017-05/MSF37428-tropical-storm-honduras.jpg?itok=Q1MeN5RH" width="450" height="300" alt=" Tempête tropicale au Honduras" title="Catastrophes naturelles : Mythes et réalités" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Larry Towell</div> </article> </div> <a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-mythes-et-realites" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=3847&amp;2=reading_list" token="gSVd5JlGi0SNrdlk3gmMWPDY9iMIm3achrUvKoin8L0"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article</div></div><span property="schema:name" class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-mythes-et-realites" hreflang="fr">Catastrophes naturelles : Mythes et réalités</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2006-11-21T12:00:00Z" class="datetime">21/11/2006</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/fr/rony-brauman" hreflang="fr">Rony Brauman</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Rony Brauman revient sur les mythes et mécanismes qui ont régi le déploiement de l'aide internationale à la suite du tsunami survenu en Asie du sud-est en décembre 2004.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-mythes-et-realites" rel="tag" title="Catastrophes naturelles : Mythes et réalités" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur Catastrophes naturelles : Mythes et réalités</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="8021" role="article" about="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-do-something" typeof="schema:Article" class="node node--type-article node--view-mode-teaser"> <span property="schema:name" content="Catastrophes naturelles : « Do something ! 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Contrainte de rapidité, accès aux victimes, coopération avec des institutions locales, représentation des catastrophes dans les médias, évaluations du nombre de victimes souvent controversées : différents sujets en lien avec ces interventions sont abordés et illustrés d’exemples précis.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-do-something" rel="tag" title="Catastrophes naturelles : « Do something ! »" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur Catastrophes naturelles : « Do something ! »</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="8367" role="article" about="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" typeof="schema:Article" class="node node--type-article node--view-mode-teaser"> <span property="schema:name" content="En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir" class="rdf-meta hidden"></span> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2020-04/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202020-04-06%20a%CC%80%2010.56.08.png?h=1435dbd5&amp;itok=sQWAT2UK" width="450" height="300" alt="La Médecine du tri" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Puf</div> </article> </div> <a href="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=8367&amp;2=reading_list" token="BMkb27TVU9teHJT1vGpnPbjpZB3SXbw4DoRU_clM-tw"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article</div></div><span property="schema:name" class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" hreflang="fr">En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2020-04-03T12:00:00Z" class="datetime">03/04/2020</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/jean-herve-bradol" hreflang="fr">Jean-Hervé Bradol</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Le 12 janvier 2010, un séisme de forte magnitude entraîna l’effondrement de nombreux édifices dans l’agglomération de Port au Prince, Haïti. Les chutes de blocs de béton provoquèrent des dizaines de milliers de morts et de blessés. Les répliques sismiques, les prévisions de certains sismologues et les rumeurs publiques alimentaient la crainte de la répétition du cataclysme. La maison, l’école, l’église, l’hôpital, les locaux professionnels, tous ces lieux qui abritaient les habitants de la capitale et leurs principales activités étaient devenus des pièges mortels et une menace permanente. </p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" rel="tag" title="En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> <span class="field field--name-title field--type-string field--label-above">Aide humanitaire en Turquie et Syrie : « Les États sont des monstres froids qui calculent leurs intérêts »</span> Mon, 13 Feb 2023 19:25:27 +0000 elba.msf 12938 at https://msf-crash.org Catastrophes naturelles : « Do something ! » https://msf-crash.org/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-do-something <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-inline clearfix"> <div class="field__label">Date de publication</div> <div class="field__item"><time datetime="2012-02-17T12:00:00Z" class="datetime">17/02/2012</time> </div> </div> <span rel="schema:author" class="field field--name-uid field--type-entity-reference field--label-hidden"><span lang="" about="/index.php/fr/user/125" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">elba.msf</span></span> <span property="schema:dateCreated" content="2020-02-26T09:12:07+00:00" class="field field--name-created field--type-created field--label-hidden">mer, 02/26/2020 - 10:12</span> <div class="field field--name-field-tags field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/inondations" property="schema:about" hreflang="fr">inondations</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/tsunami" property="schema:about" hreflang="fr">tsunami</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/secheresse" property="schema:about" hreflang="fr">sécheresse</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/epidemies" property="schema:about" hreflang="fr">épidémies</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/effets-pervers-et-limites-de-laide" property="schema:about" hreflang="fr">effets pervers et limites de l&#039;aide</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/catastrophes-naturelles" property="schema:about" hreflang="fr">Catastrophes naturelles</a></div> </div> <details class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper"> <summary role="button" aria-expanded="false" aria-pressed="false">Rony Brauman &amp; Claudine Vidal</summary><div class="details-wrapper"> <div class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3221" role="article" about="/index.php/fr/rony-brauman" class="node node--type-person node--view-mode-embed"> <div class="node__content"> <div class="group-person-profil"> <div class="group-person-image-profil"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/profile_image/public/2017-04/DSCF4256.jpg?itok=nCrBsaSM" width="180" height="230" alt="Rony Brauman" typeof="foaf:Image" class="image-style-profile-image" /> </div> </div> <div class="group-person-content"> <div class="group-person-firstname-lastname"> <div class="field field--name-field-firstname field--type-string field--label-hidden field__item">Rony</div> <div class="field field--name-field-lastname field--type-string field--label-hidden field__item">Brauman</div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field__item"><p>Médecin, diplômé de médecine tropicale et épidémiologie. Engagé dans l'action humanitaire depuis 1977, il a effectué de nombreuses missions, principalement dans le contexte de déplacements de populations et de conflits armés. Président de Médecins Sans Frontières de 1982 à 1994, il enseigne au Humanitarian and Conflict Response Institute (HCRI) et il est chroniqueur à Alternatives Economiques. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont "Guerre humanitaires ? Mensonges et Intox" (Textuel, 2018),"La Médecine Humanitaire" (PUF, 2010), "Penser dans l'urgence" (Editions du Seuil, 2006) et "Utopies Sanitaires" (Editions Le Pommier, 2000).</p> </div> <div class="same-author-link"><a href="/index.php/fr/rony-brauman" class="button">Du même auteur</a> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3245" role="article" about="/index.php/fr/claudine-vidal" class="node node--type-person node--view-mode-embed"> <div class="node__content"> <div class="group-person-profil"> <div class="group-person-image-profil"> </div> <div class="group-person-content"> <div class="group-person-firstname-lastname"> <div class="field field--name-field-firstname field--type-string field--label-hidden field__item">Claudine</div> <div class="field field--name-field-lastname field--type-string field--label-hidden field__item">Vidal</div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field__item"><p>Sociologue, elle a effectué des recherches principalement au Rwanda (de l'histoire précoloniale au génocide des Rwandais tutsis en 1994) et en Côte d'Ivoire (histoire et sociologie de l'urbanisation dans le cas d'Abidjan). Ces recherches ont été effectuées dans le cadre du Centre d'Études africaines de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Elle a collaboré avec des membres de MSF à l'occasion de diverses publications depuis 1995 et participe régulièrement aux réflexions et travaux du CRASH.</p> </div> <div class="same-author-link"><a href="/index.php/fr/claudine-vidal" class="button">Du même auteur</a> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> </details> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-body field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p id="catastrophes-naturelles---«-do-something-!-»"><em>Dans cet entretien réalisé par Claudine Vidal en 2012 et publié dans le livre </em><a href="https://www.msf-crash.org/fr/publications/guerre-et-humanitaire/agir-tout-prix-negociations-humanitaires-lexperience-de-msf" target="_blank">Agir à Tout Prix</a><em>, Rony Brauman s’exprime sur l’aide humanitaire d’urgence mise en place à la suite de catastrophes naturelles. Contrainte de rapidité, accès aux victimes, coopération avec des institutions locales, représentations trompeuses des effets des catastrophes, évaluations du nombre de victimes souvent controversées :&nbsp;différents sujets en lien avec ces interventions sont abordés et illustrés d’exemples précis.</em></p> <p><em>MSF a-t-elle considéré, dès ses débuts, que les catastrophes naturelles faisaient partie de ses missions ?</em></p> <p>Les catastrophes naturelles sont la première catégorie de situations d’intervention, aux côtés des conflits armés, mentionnée par les rédacteurs de la charte et des statuts de MSF. Ce sont elles, en effet – le tremblement de terre au Pérou (30 000 morts), en mai 1970, le cyclone de Bhola, en novembre de la même année, au Pakistan oriental (250 000 à 500 000 morts) –, qui comptent parmi les événements à l’origine de l’association. Elles sont au centre de la scène sur laquelle MSF entend intervenir. Rappelons-nous que deux associations, créées en 1970, ont fusionné pour donner naissance à MSF : le GIMCU (Groupe d’intervention médico-chirurgicale d’urgence), créé par d’anciens volontaires de la Croix-Rouge au Biafra, et le SMF (Secours médical français), créé par le journal médical Tonus afin de répondre à la catastrophe du Pakistan oriental. La médecine d’urgence commençait à se structurer en tant que dispositif spécifique de soins et les « accidents collectifs », comme on les nommait curieusement dans la charte, représentaient un terrain de choix pour son exercice.</p> <p>Cependant, la première expérience du GIMCU en situation de catastrophe, celle du Pérou en 1970, fut un échec : arrivés sur les lieux une semaine après le séisme, les médecins français n’y avaient trouvé aucun blessé en dépit de l’ampleur du désastre. Tout juste avaient-ils pu constater que les États de la région, États-Unis compris, avaient déjà déployé des secours. La leçon tirée de cette première tentative d’intervention s’imposa durablement, généralisée à l’ensemble des tremblements de terre : pour assurer sa mission de sauvetage dans de telles situations, l’aide médicale devait être mise en œuvre dans les quarante-huit premières heures. Ce délai passé, les victimes emmurées, les blessés souffrant de traumatismes multiples accompagnés ou non de syndromes d’écrasement étaient condamnés. L’effort réalisé au cours de l’existence de MSF a donc d’abord consisté à tenter de raccourcir les délais de déploiement en tenant prêt le matériel d’urgence sous forme de « kits », et en essayant de faire partir des équipes opérationnelles dans les vingt-quatre heures suivant l’alerte. Sans effet, puisque ce n’est qu’en 2005, lors du tremblement de terre du Cachemire, au Pakistan, que nous avons pour la première fois opéré des blessés, sans être pour autant présents et opérationnels immédiatement.</p> <p>Les séismes et autres catastrophes ont été plus fréquents au cours de ces dernières années. Le CRED (Center for Research on Epidemiology of Disasters) rapporte que le nombre moyen annuel de tremblements de terre causant plus de dix morts est passé de vingt et un entre les années 1960-1990 à trente au cours des années 2000, des pics ayant été enregistrés en 1990, 2003 et 2004. Mais seule une faible proportion d’entre eux donne lieu à des interventions internationales. Nous ne sommes en fait présents que sur des séismes de grande ampleur, lorsque l’ordre de grandeur de mortalité estimé initialement se compte en milliers et que les autorités nationales en appellent à l’aide étrangère. Rappel utile pour comprendre que, en dépit de la place élevée qu’occupe ce type d’événement dans la hiérarchie de l’aide humanitaire d’urgence, MSF n’en ait eu, jusqu’aux années 2000, qu’une expérience très réduite. Par ailleurs, plus de 80 % des séismes se produisent sur le pourtour du Pacifique, ce qui rend illusoire l’objectif de s’y déployer à partir de l’Europe dans le délai de quarante-huit heures dicté par les représentations médicales urgentistes. La distance et le temps de déploiement n’expliquent cependant pas tout, comme nous avons pu le constater dès 1990 : lors du tremblement de terre de Zandjan (37 000 morts), en Iran, les équipes médico-chirurgicales de MSF étaient sur place vingt-six heures seulement après le séisme. Leur activité médicale s’est pourtant réduite à de la consultation ordinaire, sans rapport avec la traumatologie attendue, et elles ont plié bagage dix jours après leur arrivée.</p> <p>Il nous a fallu du temps pour nous apercevoir que les séismes faisaient en réalité peu de blessés, et qu’en outre la plupart de ceux-ci étaient immédiatement traités dans les structures locales situées en marge de la zone atteinte. Sauf à être sur place au moment de la catastrophe, les équipes médicales étrangères y étaient finalement superflues. Le tremblement de terre était en fait bien loin de ce lieu d’exercice par excellence de la médecine d’urgence que nous imaginions, en dépit des chiffres imposants évoquant des milliers, voire des dizaines de milliers de blessés. Cependant, étant donné l’importance symbolique des catastrophes naturelles dans l’aide d’urgence, il était difficilement pensable de ne pas en être pour une organisation revendiquant l’urgence comme culture et comme savoir-faire. C’est pourquoi MSF, dès le début des années 1990, a réorienté son action vers la logistique, son autre point fort avec la médecine, en mettant l’accent sur la fourniture d’eau potable et, le cas échéant, en organisant des consultations médicales dans des lieux de regroupement de sinistrés. Les images d’équipes chirurgicales nombreuses et débordées, opérant sans discontinuer, telles que nous les avons à l’esprit depuis le séisme de Port-au-Prince, s’ajustent si étroitement aux représentations conventionnelles de la médecine de catastrophe que nous tendons à oublier qu’elles sont en réalité une nouveauté, apparue au Cachemire en 2005.</p> <p><em>Que se passe-t-il au Cachemire pakistanais en octobre 2005 ? Les activités de secours conduites en réponse à ce désastre diffèrent-elles de celles des expériences passées ?</em></p> <p>Lorsque la nouvelle de ce tremblement de terre nous est parvenue, les responsables opérationnels de MSF-France ont d’abord été plus que réservés à l’idée d’intervenir, pour les raisons que j’ai dites. Cependant, des équipes de MSF-Belgique et de MSF-Hollande, déjà présentes au Pakistan, témoignaient de l’énormité du désastre et, surtout, du nombre important de blessés. Tous les centres de soins de la province étaient submergés. Le bilan officiel faisait état de plusieurs dizaines de milliers de blessés graves et sérieux, c’est-à-dire demandant des interventions orthopédiques et des soins médicaux intensifs. Quelle que soit la valeur de ces chiffres, j’y reviendrai, nous constations que, pour la première fois en situation de catastrophe, les structures locales étaient débordées par les afflux de polytraumatisés, auxquels elles n’arrivaient pas à faire face.</p> <p>Il me semble que l’explication de ce « changement de régime » médical est à chercher dans l’urbanisation accélérée, autrement dit dans la densification d’un habitat précaire qui s’est développé dans cette région à haut risque sismique. Il ne s’agissait pas en l’occurrence de bidonvilles, mais de maisons de parpaings et de pierres mal scellés et donc fragiles. On peut supposer que leur effondrement partiel entraîne des écrasements de membres mais n’ensevelit pas les victimes comme c’est le cas dans un environnement d’immeubles à plusieurs étages, tandis que les cloisons de bois, de bâche et de tôle des habitations de bidonvilles ont au moins le mérite d’être inoffensives lorsqu’elles s’écroulent. Cette observation nous rappelle qu’une catastrophe n’a de « naturel » que sa cause, l’événement sismique ou climatique qui en est à l’origine, mais que ses conséquences relèvent de décisions humaines, telles la localisation et la qualité des constructions dans des zones à risques, ou encore l’existence d’installations industrielles insuffisamment protégées. Pour revenir à la situation du Cachemire, la densification urbaine n’est pas seulement l’effet de l’exode rural, que connaissent tous les pays ; elle est aussi celui d’une stratégie volontariste de peuplement en rapport avec les menées séparatistes et le conflit territorial en cours avec l’Inde depuis la partition de 1947. Autrement dit, le facteur politique ne perd pas ses droits dans les catastrophes naturelles, pas plus du côté de leur survenue que dans le traitement de leurs conséquences. Reste que, pour la première fois dans l’histoire de l’aide d’urgence après un tremblement de terre, des équipes médicales et chirurgicales étrangères ont joué un rôle réel et important.</p> <p><em>En 2005, la presse affirmait que l’accès aux victimes était souvent impossible. Quelles furent les solutions pratiques pour surmonter cette difficulté ?</em></p> <p>L’accès à la région était en effet difficile dans un premier temps, du fait de la géographie du lieu, mais aussi de sa politique. Le Cachemire est un plateau déclive du côté oriental, et donc facile à atteindre par l’Inde, mais barré par des escarpements difficiles à franchir du côté pakistanais. Les routes y étaient d’autant plus difficiles à parcourir qu’elles étaient obstruées par des effondrements et que le mauvais temps du début d’hiver compliquait encore le passage. Nous avons utilisé des hélicoptères, bienvenus pour le transport de personnel mais de faible capacité, donc peu appropriés pour une catastrophe de grande ampleur comme celle-ci. Ces difficultés pratiques furent les principales, si l’on met de côté le blocage initial de l’armée pakistanaise, d’abord soucieuse du sauvetage de ses propres troupes et du maintien de son contrôle sur cette province stratégique du fait du conflit avec l’Inde.</p> <p>Les obstacles physiques à l’accès auraient donc pu être contournés par un acheminement via l’Inde, et les Indiens ont d’ailleurs proposé leur aide au Pakistan. Mais une telle offre était irrecevable aux yeux des militaires pakistanais, qui l’ont refusée sans ambages, tout en acceptant néanmoins une ouverture limitée de la frontière. N’en concluons pas pour autant que l’armée ne se serait occupée que de ses membres et de la sécurité territoriale, laissant la population sans aide. Bien au contraire, en quelques jours, elle commençait à monter en puissance, acheminant de l’aide, traitant et évacuant les blessés par hélicoptère et prenant en charge la coordination des secours. Les restrictions de circulation ont également été levées, les permis spéciaux n’étant plus exigés pour se déplacer dans les zones tribales.</p> <p>De très nombreuses ONG locales ont été rapidement à pied d’œuvre, aidant les sinistrés à s’organiser dans des centres de regroupement et fournissant des abris. Parmi elles, certaines disposaient de moyens et de personnel de haut niveau. Je pense notamment, mais pas seulement, à Al Rachid Trust, une organisation islamiste proche des talibans pakistanais, qui a mis en place un hôpital de soixante lits comprenant une unité de chirurgie orthopédique, en plus des activités de dispensaire et des secours qu’elle menait par ailleurs. La collaboration avec l’armée, comme avec le ministère de la Santé et Al Rachid, a été dans l’ensemble excellente, à la surprise des responsables de MSF, qui s’attendaient à plus de difficultés. Les organisations islamistes locales, disposant de réseaux d’aide sociale établis de longue date, ont réagi immédiatement et fourni une aide importante.</p> <p>Je veux rappeler ici que l’essentiel de l’aide d’urgence, y compris la recherche des survivants dans les décombres, la fourniture d’abris et de vivres, est toujours assurée par le voisinage et les organisations locales en situation de catastrophe, où qu’elle survienne. Contrairement à une idée reçue tenace, ce n’est pas la sidération mais l’activisme solidaire que l’on observe, du moins au cours des premières semaines. S’il n’y a donc pas lieu de s’étonner du niveau élevé de l’assistance mobilisée localement, il faut souligner que les ONG islamistes se sont montrées particulièrement coopératives, dès lors qu’elles ont pu s’assurer que nous n’avions pas d’activités prosélytes et que les patients étaient correctement soignés. Même l’armée américaine était saluée par des membres d’organisations islamistes pour l’aide logistique précieuse qu’elle apportait.</p> <p>Le tableau est donc celui d’une coopération étroite avec le ministère de la Santé, l’armée – dont nous avons même parfois utilisé les hélicoptères – et les ONG religieuses. Pour MSF, ces relations constructives avec les autorités sanitaires et des ONG pakistanaises, partenaires naturels, ne posaient pas de questions de principe. Il n’en allait pas de même toutefois pour ce qui concerne l’armée, acteur primordial comme on l’a vu, mais si compromettant aux yeux de responsables de l’association que certains proposaient de réduire les équipes afin de diminuer les contacts avec les militaires. Le souci de réaffirmer la distinction entre militaires et humanitaires, motivé par des considérations de sécurité pour les équipes, a finalement laissé le pas à l’impératif d’agir dans un contexte marqué par une urgence persistante autant que par des relations de travail fructueuses avec l’ensemble des acteurs concernés, et cela en dépit des conflits antérieurs qui pouvaient les opposer.</p> <p>D’une manière générale, en situation de catastrophe naturelle, l’armée nationale est la mieux placée et la mieux équipée pour la réponse urgente et, sauf exception (ce fut le cas au Sri Lanka dans la zone contrôlée par la guérilla des LTTE [Tigres de libération de l’Eelam tamoul] après le tsunami de 2004), elle est bien accueillie par les populations sinistrées. Il n’y a donc pas de raison de s’en démarquer activement, comme nous le faisons à juste titre dans les situations de conflits. Il en va de même, le cas échéant, pour les secours médicaux et les moyens logistiques militaires venant de l’étranger.</p> <p>Compte tenu des difficultés matérielles en rapport avec la géographie des lieux, le déploiement de l’aide a donc été dynamique, se hissant en trois semaines à la hauteur des besoins. Sur le plan médical, les équipes de MSF relèvent cependant que, si la réponse du pays a été rapide et ample, les standards suivis laissaient à désirer : les amputations furent nombreuses, probablement en excès, et les interventions orthopédiques conservatrices – visant à sauver les membres blessés – de qualité souvent médiocre. L’essentiel du travail chirurgical des équipes de MSF, qui n’ont pas été confrontées à l’afflux initial, je le rappelle, a donc consisté en reprises opératoires secondaires. Je précise que ces réserves sur la qualité du travail médical procèdent d’impressions cliniques et non du résultat d’études épidémiologiques, à situer dans le contexte d’une chirurgie de sauvetage pratiquée face à un très grand nombre de blessés. Mais le débordement des structures médicales n’explique peut-être pas tout et je crois qu’il faut s’interroger sur le fondement des techniques opératoires pratiquées, à savoir la chirurgie de guerre. Les plaies pénétrantes provoquées par des projectiles (balles, éclats) entraînent en effet des complications, notamment infectieuses, qui incitent, dans l’environnement incertain des conflits armés, à une chirurgie radicale. Les plaies par écrasement, qui sont le lot commun de la chirurgie civile, autorisent des techniques plus conservatrices. Or c’est ce que l’on avait déjà vu en Indonésie après le tsunami de 2004, et que l’on verra de nouveau à Haïti à la suite du tremblement de terre de 2010, le paradigme de la guerre, guerre éclair en l’occurrence, semble s’imposer spontanément comme grille de lecture. Les intervenants médicaux ne sont pas moins sous l’influence de cette représentation que les observateurs, comme le montre cette remarque d’une équipe d’urgentistes américains à Haïti : « Les chirurgiens surchargés [...] amputaient des membres et débridaient des tissus infectés [...]. Pendant les deux jours suivants, nous avons pratiqué de manière continue une médecine de champ de bataille<span class="annotation">Paul S. AUERBACH et al., «Civil-military collaboration in the initial medical response to the earthquake in Haiti », The New England Journal of Medicine, février 2010.</span>. » On est fondé à se demander si une telle représentation a une incidence sur les techniques employées. Des études sont en cours, réalisées à partir des données médicales recueillies à Haïti<span class="annotation">Notamment sous la conduite du Pr Anthony Redmond, HCRI, université de Manchester.</span>, seule catastrophe naturelle avec celle du Cachemire ayant provoqué des blessés en très grand nombre. Le caractère très récent de l’expérience chirurgicale de masse dans de telles circonstances explique le manque de connaissances systématisées sur ce sujet.</p> <p>Nous manquons d’ailleurs de données quantitatives fiables pour tirer un bilan permettant d’évaluer cette opération de secours au Pakistan sur un plan général. Les chiffres communiqués au lendemain de la catastrophe – 54 000 morts et 77 000 blessés, plusieurs centaines de milliers de sans-abri – sont d’abord à considérer comme une image de l’ampleur de la catastrophe mais doivent être pris avec précaution, en particulier sur le plan médical. En l’absence de données d’état civil et démographiques, le nombre de morts est en effet une estimation grossière.</p> <p>La coopération civilo-militaire – comprendre le leadership militaire sur les opérations de secours – a été saluée comme une réussite par les Nations unies et les ONG ; la division en groupes de responsabilité sectoriels, les clusters (logistique, santé, sanitation, etc.), à laquelle l’armée s’est adaptée plus facilement que le monde humanitaire, comme cela fut noté avec quelque ironie par le représentant des Nations unies<span class="annotation">Lieutenant-general Ahmed NADEEM et Andrew MC LEOD, « Non-interfe- ring coordination. The key to Pakistan’s successful relief effort », Liaison Online, vol. 4, issue 1, 2008.</span>, a été effective.</p> <p>La trêve de fait qu’entraîne la survenue d’une catastrophe ne signifie cependant pas la fin des hostilités, et la dimension politique, voire contre-insurrectionnelle, de l’aide ne doit pas être perdue de vue. Le déploiement, hautement sensible, de forces américaines et de l’OTAN lors de ce séisme était explicitement dicté par de telles considérations. Il n’a rencontré aucune opposition visible, la population s’intéressant aux services rendus et non aux auteurs de ceux-ci. Quant aux groupes islamistes, ils sont restés généralement silencieux sur ce point, mais certains ont exprimé publiquement leur satisfaction. Une enquête conduite par le US Institute for Peace conduit à penser que l’objectif de sympathie recherché (« la conquête des cœurs et des esprits ») demeure théorique, tant pour les groupes activistes que pour les États-Unis et l’OTAN, la gratitude du moment n’étant pas une adhésion politique. Cette croyance étant néanmoins agissante, elle joue dans le sens d’une ouverture de l’espace d’action, nul ne voulant apparaître comme celui qui prive la population de biens précieux en période de crise aiguë.</p> <p><em>Quelle est votre définition de la catastrophe naturelle ?</em></p> <p>La catastrophe est ce qui rompt le cours ordinaire des choses. Du point de vue purement pratique d’un acteur de secours médical, il s’agit avant tout d’un séisme, et secondairement d’un événement climatique aigu – tempête, cyclone, inondation –, survenant à proximité d’une zone densément peuplée. Ce n’est que de cela, il faut le noter, dont nous avons parlé jusqu’à présent, en nous concentrant sur les tremblements de terre puisqu’ils sont devenus récemment la principale cause d’intervention médicale urgente. Sous un angle plus large, reprenant les définitions communément admises, je la caractérise comme un événement brusque et néfaste d’origine naturelle qui déborde les capacités de réponse du groupe humain affecté, autrement dit « le produit de la rencontre entre un aléa et une vulnérabilité&nbsp;».<span class="annotation">Grégory QUÉNET, « Catastrophe naturelle », in Yves DUPONT (dir.), Diction- naire des risques, Armand Colin, Paris, 2007.</span></p> <p>L’aspect problématique de ces définitions réside dans la qualification de « naturelle ». Comme je l’ai déjà dit, si l’événement causal est naturel, ses conséquences sont étroitement liées aux formes d’organisation sociale du lieu où elles surviennent. L’on se souvient par exemple qu’en Éthiopie (1985) et au Niger (2005), la sécheresse et l’invasion de criquets qui a suivi ont été décrites par les autorités comme une catastrophe naturelle, cause première d’une situation de malnutrition aiguë ou de famine. L’enjeu était de taille, car cette assignation conditionnait la réponse. MSF a été expulsée de ces deux pays au terme d’une controverse politique portant sur ces questions<span class="annotation">Plus précisément, au Niger, les activités de MSF-France ont été sus- pendues en 2008 sur ordre du chef de l’État, deux ans après les contro- verses publiques, mais en rapport direct avec celles-ci.</span>. Souvenons-nous des titres ironiquement évocateurs des deux livres publiés par l’association à ce sujet :&nbsp;<em>Éthiopie. Du bon usage de la famine, et Niger. Une catastrophe si naturelle</em><span class="annotation">Respectivement, François JEAN, éditions MSF, Paris 1986, et Xavier CROMBÉ et Jean-Hervé JÉZÉQUEL (dir.), éditions Karthala, Paris, 2007.</span>.</p> <p>L’épidémie de choléra qui a flambé à Haïti durant l’hiver 2010-2011 a été à l’origine d’une intense polémique du même ordre : les tenants d’une hypothèse « naturelle » attribuaient son origine aux planctons et s’opposaient à ceux affirmant au contraire qu’il s’agissait d’une infestation d’origine humaine (due à la vidange de fosses septiques contenant des germes cholériques dans une rivière). Tous s’accordaient sur le fait que la maladie n’avait pu causer tant de pertes (4 800 morts au total) qu’en raison des conditions d’hygiène déplorables du pays, mais les circonstances d’apparition ont été l’objet de vigoureuses confrontations, y compris au sein même de MSF. Que l’origine humaine ait été attribuée à un contingent de casques bleus des Nations unies (MINUSTAH), eux-mêmes enjeux d’affrontements politiques dans le contexte de la campagne électorale alors en cours, ne faisait qu’accentuer la dimension politique de cet événement. En l’occurrence, une enquête ultérieure des Nations unies a confirmé la seconde hypothèse<span class="annotation">« Final report of the independent panel of experts on the cholera out- break in Haiti », mai 2011.</span>. Là encore, loin d’être un pur enjeu de connaissance, la compréhension du phénomène épidémique avait des conséquences pratiques sur l’organisation de la réponse médico-sanitaire immédiate.</p> <p><em>Les controverses tiennent donc autant à la définition des catastrophes naturelles qu’à l’évaluation de leurs conséquences ?</em></p> <p>La requalification d’une situation de crise majeure en catastrophe naturelle peut être l’occasion de controverses, comme nous venons de le voir, du fait des responsabilités politiques qu’une telle qualification engage. Mais, indépendamment de tout désaccord sur celle-ci, les conséquences des catastrophes peuvent également être objet de polémiques, la question des épidémies qu’elles seraient susceptibles d’entraîner, et donc des moyens de l’urgence à mobiliser, étant la principale mais non la seule. Le tsunami de 2004, du fait de la mobilisation médiatique sans précédent qui l’a suivi, a été le moment où cette question a surgi dans l’espace public.</p> <p>Quelques jours après la survenue de ce désastre d’ampleur exceptionnelle, l’OMS déclarait, par la voix de son directeur des opérations : « Il pourrait y avoir autant de morts causées par les maladies que par le désastre lui-même. »<span class="annotation">« WHO warns up to five million people without access to basic services in Southeast Asia », 30 décembre 2004,&nbsp;<a href="http://www.who.int/" target="_blank">http://www.who.int</a>.</span>Le thème de la seconde vague de mortalité par épidémie, menaçant de doubler le chiffre des victimes de la catastrophe, était lancé. Il fut repris par cette même organisation à l’occasion de conférences de presse, et abondamment relayé par la presse, orientant ainsi les secours vers le sauvetage d’urgence des quelque cent cinquante mille vies humaines prétendument en danger de mort imminente. Le succès de ces annonces, qui ne reposent sur aucune base scientifique ou empirique, tient à leur adéquation à une croyance très répandue selon laquelle les cadavres en décomposition sont la source de contaminations infectieuses. En tout état de cause, comme plusieurs travaux de recherche l’ont montré, on n’a jamais observé d’épidémie meurtrière à la suite d’une catastrophe naturelle, quelle qu’en soit l’ampleur<span class="annotation">C. DE VILLE DE GOYET, « Stop propagating disaster myths », The Lancet, 2000, 356 :762-4 ; Nathalie FLORET et al., « Negligible risk for epidemics after geophysical disasters », Emerging Infectious Diseases, vol. 12, no 4, avril 2006,&nbsp;<a href="http://www.cdc.gov/eid" target="_blank">http://www.cdc.gov/eid</a>.</span>. On peut dire, de façon lapidaire, que les épidémies provoquent des cadavres, mais que les cadavres ne provoquent pas d’épidémies. Des foyers épidémiques limités d’infections digestives et respiratoires peuvent apparaître, justifiant des actions préventives et curatives, mais leurs conséquences restent sans commune mesure avec les annonces alarmistes que je viens d’évoquer.</p> <p>Plus généralement, et pour des raisons analogues à celles que j’ai dites auparavant au sujet des tremblements de terre, il n’y avait pas d’urgence vitale à la suite du tsunami. L’épreuve épouvantable subie par un grand nombre de survivants qui ont beaucoup, voire tout, perdu, était en elle-même un appel à la solidarité et je ne mets certainement pas en cause la nécessité d’y répondre. Mais le modèle du sauvetage d’une population en péril était totalement inapproprié. On a vu jusqu’à douze chirurgiens autour d’un blessé en Indonésie, au moment où l’on parlait de centaines de milliers de blessés ! En pratique, il importait avant tout, pour être utile à cette population sinistrée, de fournir des moyens financiers et matériels pour déblayer et reconstruire, ce qui est tout autre chose que de s’engager dans une opération de médecine d’urgence. La pression médiatique était telle, cependant, qu’il était difficile pour MSF de choisir de s’abstenir. La question a été posée sans tarder par nos équipes de terrain, dont les membres les plus expérimentés ont appréhendé la situation en quelques jours. Une telle décision n’aurait cependant pas été comprise dans le climat particulièrement émotionnel qui régnait alors et les responsables de l’association ont décidé de réorienter l’action vers une aide non médicale.</p> <p><em>Les représentations de la catastrophe après la catastrophe auraient donc de l’influence ?</em></p> <p>Du fait de l’ampleur de la mobilisation, l’événement tsunami a joué un rôle de condensateur des discours, des croyances et des représentations dominantes, comme on vient de le voir. On parlait de blessés, de réfugiés, d’épidémies, ainsi que d’orphelins, à la suite d’une déclaration de l’Unicef. On a vu ce qu’il en était des blessés et des épidémies ; il en va à peu près de même pour les réfugiés et les orphelins, dont je dirai un mot après avoir souligné que ces quatre thèmes, récurrents au cours des premières semaines, formaient ensemble un discours, celui des conséquences habituellement observées des conflits armés. Autrement dit, en prenant quelque distance, on constate qu’au cadre de compréhension d’une catastrophe naturelle s’était subrepticement substitué celui de la guerre.</p> <p>Les images photographiques et télévisées sans cesse diffusées, illustrant les conséquences de la catastrophe, cadraient sur quelques centaines de personnes regroupées sous des abris de fortune, « montrant » l’existence de camps de réfugiés, alors même que les gens ne se rassemblaient pas, mais au contraire se dispersaient. La plupart entendaient rester aussi près que possible de chez eux, résidant chez des voisins ou dans la famille, faisant la navette entre leur habitation d’avant et leur résidence provisoire. De même pour ce qui concerne les destructions : au Sri Lanka par exemple, à l’exception de la région nord, la plus durement frappée, elles n’étaient présentes que le long d’une étroite bande de terre de 50 à 300 mètres de profondeur, en fonction du relief sur lequel était venue buter la vague. Les survivants étaient donc à quelques minutes de marche, au plus, de la partie intacte du pays, ce que l’on ne pouvait pas comprendre au vu des images. Une telle représentation métonymique, à laquelle les humanitaires n’échappent pas plus que les journalistes, est particulièrement trompeuse. J’ajoute que les quelque mille médecins et infirmiers sri lankais présents dès les premières heures pour aider leurs collègues et leurs concitoyens n’étaient pas plus visibles, confondus qu’ils étaient avec la population sinistrée. Une confusion d’autant plus forte qu’elle s’accorde avec le préjugé, déjà évoqué, selon lequel les victimes d’une catastrophe sont en état de sidération, attendant passivement les secours.</p> <p>Quant aux orphelins, décrits alors par la directrice de l’Unicef comme errant dans les ruines et en proie à des gangs de prostitution pédophile, il s’agissait d’une rumeur trop hâtivement relayée, mais rapidement dissipée par d’autres humanitaires et l’Unicef elle-même. Il ne s’agit pas ici de nier que des enfants aient perdu leurs parents, naturellement, mais de contester qu’ils aient été abandonnés. C’est le moment d’indiquer que le mouvement de solidarité post-tsunami, souvent décrit au Nord comme exemplaire et pris pour référence, a laissé dans les pays concernés le souvenir d’une foule agitée, arrogante et dérisoire. En dépit de sa position démarquée par rapport au discours dominant, MSF n’échappe pas à ce rude jugement collectif.</p> <p>J’en reviens un instant au cadre de la guerre plaqué sur celui des désastres naturels. En dépit d’une représentation par l’image très proche, ces situations s’opposent frontalement. L’espace et le temps des catastrophes se caractérisent par la concentration en un lieu et un moment très limités, tandis que les conflits armés se déploient dans un temps et un espace très étirés. Les guerres durent, se déplacent de manière erratique, blessant et tuant, provoquant déplacements et regroupements de populations d’une région à une autre, entraînant une pression lourde et continue, un appauvrissement généralisé et massif, des destructions diffuses, y compris des structures de santé. Autant de facteurs de vulnérabilité débouchant sur un fort potentiel épidémique et produisant les autres effets décrits, mais que ne saurait susciter un événement qui demeure ponctuel même s’il peut être d’une brutalité effroyable.</p> <p><em>Il y a sans doute une association entre les mythes concernant l’après-catastrophe et les situations politiques ?</em></p> <p>L’aide internationale d’urgence est en effet chargée d’une symbolique particulière, non tributaire de son utilité réelle, comme on vient de le voir. Elle s’inscrit nécessairement dans une dynamique préexistante de relations internationales dont elle est un prolongement. Ainsi, le gouvernement français a proposé aux autorités iraniennes, lors du séisme qui a frappé ce pays en juin 1990, de dépêcher des équipes spécialisées, alors que les deux pays avaient interrompu leurs relations diplomatiques. L’aide d’urgence venait en fait rendre publique en l’exposant au grand jour la reprise, tenue jusqu’alors secrète, de discussions entre Paris et Téhéran. Je pense également à la Chine, envoyant un avion chargé de secours à Haïti après le séisme du 11 janvier 2010, en dépit de l’absence de relations diplomatiques, Haïti ayant reconnu Taïwan. Il s’agissait d’une première, Pékin n’ayant jamais été présent dans l’arène de l’aide en dehors de son périmètre d’influence régionale, en Asie. L’affirmation du statut de puissance globale, désormais revendiqué par la Chine, impliquait son engagement dans le concert de l’aide d’urgence. De même que le tremblement de terre du Pakistan met en évidence l’existence d’une « politique de la catastrophe », on peut aussi parler de « diplomatie de la catastrophe », au sens où le temps particulier de l’urgence permet aux États de manifester à faible coût des choix stratégiques.</p> <p>À cet égard, le cas du cyclone Nargis, qui a frappé la Birmanie en 2008, est particulièrement intéressant. Le 2 mai 2008, le delta de l’Irrawaddy était balayé par des vents atteignant 240 kilomètres/heure, puis par une vague de quatre à six mètres de haut remontant le fleuve, provoquant d’énormes pertes humaines et destructions dans cette région peuplée et fertile. La junte birmane, tout à son obsession du maintien de l’ordre et indifférente comme à l’accoutumée au sort de sa population, n’a pas réagi, se contentant d’en appeler aux Nations unies pour recevoir l’assistance internationale et affichant son refus d’une présence étrangère sur son sol. Dès les premiers jours cependant, des membres d’ONG déjà présentes dans le pays, dont MSF, ont pu se rendre sur place, constater l’étendue des dégâts et mettre en route des secours avec les ressources locales dont ils disposaient. Dans le même temps, des avions en provenance des pays voisins, Inde, Thaïlande, Bangladesh, Malaisie, ainsi que de pays occidentaux agissant pour le compte d’agences de l’ONU, atterrissaient à Rangoon, la capitale. Concentrés sur la rhétorique souverainiste et isolationniste de la junte, la presse et des États occidentaux parlaient cependant de freinage, voire de blocage total, de l’aide extérieure. Le 11 mai, l’ONG britannique Oxfam publiait un communiqué dont les premières lignes donnent le ton : « L’organisation internationale Oxfam a déclaré aujourd’hui que, dans les semaines et les mois à venir, les vies de près d’un million et demi de personnes sont en danger dans la zone du cyclone en raison du risque de maladies et d’une catastrophe de santé publique, si de l’eau propre et des moyens d’assainissement ne sont pas fournis en urgence. »</p> <p>Vu du terrain, cet alarmisme était loin d’être justifié. Certes, l’armée a été vue détournant de l’aide pour son propre compte ou pour s’approprier le bénéfice de sa distribution. Mais comme c’est toujours le cas, la population s’organisait à différents niveaux : les organisations locales – Croix-Rouge, municipalités, temples bouddhistes, commerçants prospères – distribuaient eau, vivres et équipements divers, et l’aide extérieure commençait à parvenir via des ONG. Quant aux blessés et aux menaces épidémiques, je vous renvoie à ce que j’en disais plus haut à propos du tsunami, ils étaient inexistants.</p> <p>Fait marquant, la plupart des reportages télévisés, qu’il s’agisse de vidéos tournées par des Birmans, ou de reportages de la télévision officielle, avaient en commun de montrer presque partout des scènes de distribution. On voyait sans cesse de courtes séquences dans lesquelles un commerçant, arrivant avec son camion, donnait de l’eau en bouteille, des sacs de riz, etc. Ailleurs, c’étaient des moines bouddhistes qui faisaient la même chose, ou encore des militaires, une ONG, la Croix-Rouge birmane. On assistait en somme aux scènes habituelles de distribution de vivres et l’on pouvait apercevoir, ici ou là, un ou deux cadavres. Suivant attentivement la couverture médiatique de cet événement, je me suis rendu compte que les commentaires des images contredisaient point par point ce que montraient celles-ci, insistant sur l’absence totale d’assistance et sur l’abondance de corps en décomposition décrits comme autant de bombes bactériologiques sur le point de répandre leurs effluves mortels. J’ai demandé à des journalistes, lors d’interviews sur ce sujet, ce qu’ils pensaient de la dissonance entre les images et leurs commentaires. Ils ne s’en étaient pas aperçus, considérant de façon manifestement soupçonneuse toute remise en question du discours alarmiste dominant.</p> <p>C’est dans ce contexte que des menaces d’intervention militaire visant à imposer l’aide par la force ont commencé à apparaître dans la presse. Gareth Evans, l’un des auteurs du concept onusien de « responsabilité de protéger », a ouvert la marche dès le 12 mai<span class="annotation">Gareth EVANS, « Facing up to our responsibilities », The Guardian, 12 mai 2008.</span>, suivi deux jours plus tard par l’un des stratèges néoconservateurs les plus en vue, Robert Kaplan, qui dessinait les contours d’une intervention armée dans un article intitulé « Aid at the point of a gun»<span class="annotation">New York Times, 14 mai 2008.</span>. Et, le 19 mai, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, publiait une tribune rappelant que « le Conseil de sécurité peut décider d’intervenir pour forcer le passage de l’assistance humanitaire, comme il l’a fait dans un passé récent&nbsp;»<span class="annotation">Bernard KOUCHNER, « Birmanie : morale de l’extrême urgence », Le Monde, 19 mai 2008.</span>. Trois navires militaires, britannique, français et américain, furent dépêchés vers les côtes birmanes afin de signifier la détermination de leurs commanditaires à empêcher la mort supposée de centaines de milliers d’innocents. Il faut noter que, cette fois-ci et contrairement au cas du tsunami, l’OMS avait indiqué sur son site que les cadavres ne constituaient pas un danger et qu’aucune menace épidémique mortelle ne pesait sur les survivants du cyclone. Cela n’a toutefois pas suffi à empêcher le ministère britannique des Affaires étrangères de mettre en garde contre ce « péril », ni à dissuader les tenants de l’interventionnisme armé, gouvernements comme associations, de l’invoquer afin d’inciter le Conseil de sécurité à activer le mécanisme de la « responsabilité de protéger »<span class="annotation">John D. KRAEMER, Dhrubajyoti BHATTACHARYA et Lawrence O. GOSTIN, « Blocking humanitarian assistance : a crime against humanity ? », The Lancet, vol. 372, 4 octobre 2008.</span>. Jusqu’à la guerre engagée par les mêmes (France, Royaume-Uni et États-Unis) en Libye en mars 2011, ce fut le seul débat au cours duquel le Conseil de sécurité envisagea sa mise en œuvre.</p> <p><em>Le séisme d’Haïti a-t-il apporté de nouveaux enseignements pour les secouristes ?</em></p> <p>Avec celui du Pakistan en 2005, le tremblement de terre d’Haïti du 11 janvier 2010 représente l’autre urgence médico-chirurgicale de masse consécutive à une catastrophe naturelle. MSF était déjà présente à Port-au-Prince depuis plusieurs années et donc en position très favorable pour répondre rapidement au désastre. L’installation de trois blocs chirurgicaux dans un container le surlendemain du séisme a permis d’effectuer les premières interventions sérieuses, les soins ayant été prodigués dans la rue durant les quarante-huit premières heures. L’envoi de l’hôpital gonflable déjà utilisé au Pakistan a permis d’opérer les blessés graves dans des conditions optimales à partir du treizième jour, temps nécessaire pour l’acheminement et l’installation de cet imposant dispositif. Je remarque en passant que la fameuse fenêtre de quarante-huit heures au-delà de laquelle les blessés étaient condamnés est à classer parmi les idées reçues, comme le précédent du Pakistan l’avait indiqué. MSF a pris place parmi une multitude d’acteurs locaux et internationaux, gouvernementaux et privés, qui se sont déployés à Port-au-Prince et dans la région au cours des quinze jours ayant suivi le tremblement de terre.</p> <p>La pagaille dans laquelle s’est déployé le « corps expéditionnaire humanitaire » a été abondamment soulignée sur le moment, le manque de coordination et d’information sur les besoins et la marche des secours faisant l’objet de remarques acerbes dans la presse. Ces critiques ne sont pas convaincantes pour autant. En premier lieu parce que le désordre est précisément la marque d’une catastrophe, et plus encore lorsque celle-ci frappe la capitale, et donc les centres de pouvoir. Ensuite parce que la faiblesse des institutions publiques de ce pays est notoire et l’armée absente (dissoute sous pression américaine en 1995, lors de l’intervention « Restore Democracy »). Enfin, c’est le plus important, parce que la réponse aux besoins urgents, concentrés dans un périmètre limité, a été malgré tout assurée correctement, à l’exception notable des abris, inadaptés et insuffisants.</p> <p>Deux questions d’ordre médical me paraissent ressortir parmi d’autres : l’une, spécifique, porte sur l’emploi de techniques dérivées de la chirurgie de guerre, plus volontiers radicales mais non pertinentes ; le nombre élevé de chirurgiens militaires dans un tel contexte, tout autant que le rapprochement omniprésent avec une représentation de guerre comme je l’ai noté plus haut, incite à se poser la question. L’autre, plus générale, concerne les critères de priorité et d’abandon de soins, médicaux autant que chirurgicaux, adoptés explicitement ou non par des équipes médicales aux cultures professionnelles variées<span class="annotation">Frédérique LEICHTER-FLACK, « Sauver ou laisser mourir »,&nbsp;<a href="http://www.laviedesidees.fr/" target="_blank">http://www.laviedesidees.fr</a>.</span>; le régime d’exception et la logique de rationnement induits par la catastrophe, dont la pratique du triage est l’expression la plus familière, conduisent-ils à un relâchement des pratiques<span class="annotation"><a href="http://www.theworld.org/2010/02/doctors-face-ethical-decisions-in-haiti" target="_blank">http://www.theworld.org/2010/02/doctors-face-ethical-decisions-in-haiti</a>.</span>? Nous ne disposons que de données fragmentaires et fragiles et je me garderai de répondre à ces questions, me contentant de souligner la nécessité de les étudier de manière méthodique.</p> <p><em>Pourquoi l’évaluation du nombre des victimes provoquées par les catastrophes fait-elle régulièrement l’objet de débats ?</em></p> <p>La question de l’évaluation du nombre de victimes est un autre enjeu de taille puisque ce chiffre constitue le marqueur émotionnel primordial, celui qui « donne à ressentir la catastrophe »<span class="annotation">Sandrine REVET, Anthropologie d’une catastrophe. Les coulées de boue au Vénézuela, Presses Sorbonne nouvelle, Paris, 2007, p. 267.</span>et situe l’événement sur une échelle de gravité. Contrairement à ce que l’on observe dans nombre de situations de conflits, les bilans quantitatifs de catastrophes naturelles (généralement des estimations) annoncés par les autorités gouvernementales et les Nations unies quelques jours après leur survenue, sont acceptés par la presse et les acteurs de l’aide comme des faits objectifs, malgré leur très bas niveau de fiabilité. À Haïti, trois jours après le séisme, le gouvernement annonçait que 50 000 cadavres avaient été ramassés, chiffre qui allait augmenter de jour en jour et atteindre 250 000, voire 300 000, un mois plus tard<span class="annotation">« Le bilan du séisme du 12 janvier pourrait atteindre 300 000 morts selon le président haïtien », Le Monde, 22 février 2010.</span>, situant ce désastre parmi les plus graves jamais survenus.</p> <p>Ces évaluations sont faites à partir d’une estimation de la densité de population et des effondrements dans un quartier donné, ce qui laisse place à d’importantes marges d’incertitude. Le respect dû aux victimes n’interdit pas de mettre en doute des bilans établis dans une ambiance bouleversée et sans bases crédibles. Des responsables d’agences de l’ONU, rencontrés six mois après le séisme, s’accordaient en privé sur un nombre de morts entre 50 000 et 70 000, se fondant principalement sur le volume des fosses communes creusées par la Minustah, seul organisme chargé de cette tâche<span class="annotation">Rencontres de l’auteur avec ces personnes à Port-au-Prince, en juin 2010.</span>. De façon convergente, la chef de mission de Handicap International-Belgique estimait également, au terme d’une enquête auprès de différents acteurs exerçant dans ce domaine, que le nombre de handicapés était plus proche de 1 000 que de 5 000, chiffre néanmoins officialisé par l’usage dans les milieux de l’aide.</p> <p>Il est à l’évidence délicat de reconsidérer à la baisse des estimations de pertes de vies humaines, tant elles sont indexées sur l’émotion collective. Les diminuer expose au soupçon de sécheresse de cœur, voire d’hostilité ou d’arrière-pensées inavouables, que ce soit en situation de catastrophe naturelle ou plus encore dans d’autres contextes et avec des enjeux plus directement politiques, tels les conflits armés, les mouvements de populations, la quantification d’exactions<span class="annotation">Peter ANDREAS et Kelly M. GREEN (dir.), Sex, Drugs and Body Count. The Politics of Numbers in Global Crime and Conflict, Cornell University Press, New York, 2010.</span>. Le bilan du tremblement de terre d’Arménie du 7 décembre 1988, établi à 100 000 morts quelques semaines après la catastrophe, a été ramené à 23 390 selon les chiffres publiés par les autorités quelque temps plus tard. S’en remettre à ce dernier chiffre en tant que bilan officiel entraîne néanmoins des réactions d’incompréhension, voire d’hostilité, le chiffre ayant acquis valeur de symbole de la souffrance arménienne et sa révision passant alors pour une remise en question de celle-ci. En pratique, il est probable que les distorsions et amplifications mentionnées se retrouvent dans nombre de situations analogues.</p> <p>L’estimation du nombre des victimes – et des morts parmi elles – n’est certainement pas superflue, non seulement parce que c’est la première question que chacun se pose, mais surtout parce que, si vague et changeante qu’elle soit durant la période de mise en place des secours, elle fonctionne par effet de seuil. L’observation montre que l’on raisonne en termes de catastrophe majeure justifiant un déploiement sur le plan international lorsque le bilan estimé atteint ou dépasse d’emblée 10 000 morts. Son importance pratique du point de vue de l’organisation des secours est toutefois limitée. S’il m’a semblé nécessaire d’aborder cette question, c’est pour en montrer les incertitudes majeures et donc souligner la fragilité des déductions que l’on peut en tirer quant au niveau des moyens à mobiliser, mis à part le seuil évoqué plus haut. Concrètement, les informations spécifiques nécessaires pour guider les opérations de secours seraient, d’une part, l’état et le nombre des victimes survivantes, du point de vue de l’aide médicale requise comme pour d’autres formes d’aide – abris, vivres, eau, télécommunications, déblaiement, transports –, et d’autre part, le suivi du déploiement des secours eux-mêmes, locaux comme internationaux. Victimes sans bourreaux, les victimes de ces catastrophes ne sont pas sans enjeux comme nous le rappellent les exemples évoqués plus haut. Financements, médiatisation, mobilisation de la sympathie pour une population meurtrie, tout concourt à une surenchère que nul n’a planifiée, mais qu’encourage le caractère apparemment indiscutable de la cause défendue, à savoir hisser les secours au niveau maximal.</p> </div> <div class="citation-container"> <div class="field--name-field-citation"> <p> <span>Pour citer ce contenu :</span> <br> Rony Brauman, Claudine Vidal, Catastrophes naturelles : « Do something ! », 17 février 2012, URL : <a href="https://msf-crash.org/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-do-something">https://msf-crash.org/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-do-something</a> </p> </div> </div> <div class="height-computed field field--name-field-related-content field--type-entity-reference field--label-above"> <div class="field__label">Publications associées</div> <div class="field__items"> <div class="field__item"> <article 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field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Larry Towell</div> </article> </div> <a href="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-mythes-et-realites" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=3847&amp;2=reading_list" token="gSVd5JlGi0SNrdlk3gmMWPDY9iMIm3achrUvKoin8L0"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article</div></div><span property="schema:name" class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-mythes-et-realites" hreflang="fr">Catastrophes naturelles : Mythes et réalités</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2006-11-21T12:00:00Z" class="datetime">21/11/2006</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/rony-brauman" hreflang="fr">Rony Brauman</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Rony Brauman revient sur les mythes et mécanismes qui ont régi le déploiement de l'aide internationale à la suite du tsunami survenu en Asie du sud-est en décembre 2004.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/catastrophes-naturelles-mythes-et-realites" rel="tag" title="Catastrophes naturelles : Mythes et réalités" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur Catastrophes naturelles : Mythes et réalités</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3519" role="article" about="/index.php/fr/rencontres-debats/les-catastrophes-naturelles-vues-de-linterieur" class="node node--type-debate node--view-mode-teaser"> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2017-05/catastrophes-naturelles-vues-de-linterieur.png?h=0f8ca767&amp;itok=_J5jf0w-" width="450" height="300" alt="Débat avec Sandrine Revet" title="Les catastrophes naturelles vues de l’intérieur" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> </article> </div> <a href="/index.php/fr/rencontres-debats/les-catastrophes-naturelles-vues-de-linterieur" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=3519&amp;2=reading_list" token="yH9_uxx2QHP0CqAiWw5uk4pCoCKftVXXFL0XZqgJEe8"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Débat</div></div><span class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/index.php/fr/rencontres-debats/les-catastrophes-naturelles-vues-de-linterieur" hreflang="fr">Les catastrophes naturelles vues de l’intérieur</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-debate-start-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2010-11-03T18:00:00Z" class="datetime">03/11/2010 - 19h00</time> </div> <div class="field field--name-field-debate-end-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2010-11-03T20:00:00Z" class="datetime">21h00</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/sandrine-revet" hreflang="fr">Sandrine Revet</a></div> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/index.php/fr/rencontres-debats/les-catastrophes-naturelles-vues-de-linterieur" rel="tag" title="Les catastrophes naturelles vues de l’intérieur" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur Les catastrophes naturelles vues de l’intérieur</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3673" role="article" about="/index.php/fr/blog/guerre-et-humanitaire/agir-tout-prix-negociations-humanitaires-lexperience-de-medecins-sans" class="node node--type-blog-post node--view-mode-teaser"> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2017-05/MSF111885-protest-in-south-africa.JPG?h=5ffe20e5&amp;itok=8YYG-Q5K" width="450" height="300" alt="manifestation contre les aides européennes" title="Agir à tout prix ? Négociations humanitaires " typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Borrie Lagrange</div> </article> </div> <a href="/index.php/fr/blog/guerre-et-humanitaire/agir-tout-prix-negociations-humanitaires-lexperience-de-medecins-sans" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=3673&amp;2=reading_list" token="DYe9ske1TwMezBCDs0tGsV9wFNFbAwOT2w071yDP3vk"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article de blog</div></div><span class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/index.php/fr/blog/guerre-et-humanitaire/agir-tout-prix-negociations-humanitaires-lexperience-de-medecins-sans" hreflang="fr">Agir à tout prix ? Négociations humanitaires : l’expérience de Médecins Sans Frontières</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2011-10-17T12:00:00Z" class="datetime">17/10/2011</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/claire-magone" hreflang="fr">Claire Magone</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/michael-neuman" hreflang="fr">Michaël Neuman</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/fabrice-weissman" hreflang="fr">Fabrice Weissman</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>A l'occasion de son 40ème anniversaire, MSF dévoile dans l'ouvrage « Agir à tout prix ? » son expérience des négociations humanitaires.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/index.php/fr/blog/guerre-et-humanitaire/agir-tout-prix-negociations-humanitaires-lexperience-de-medecins-sans" rel="tag" title="Agir à tout prix ? Négociations humanitaires : l’expérience de Médecins Sans Frontières" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur Agir à tout prix ? Négociations humanitaires : l’expérience de Médecins Sans Frontières</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> <div class="contribution-container"> <div class="field--name-field-contribution"> <p> <span>Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article,</span> vous pouvez nous retrouver sur Twitter ou directement sur notre site. </p> <a href="/index.php/fr/contribuer?to=8021" class="button">Contribuer</a> </div> </div> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=8021&amp;2=reading_list" token="OfW5hXYNv5p32FSgb6UuGhhMNJfOLso_OGFb8kPjbSI"></drupal-render-placeholder><span class="field field--name-title field--type-string field--label-above">Catastrophes naturelles : « Do something ! »</span> Wed, 26 Feb 2020 09:12:07 +0000 elba.msf 8021 at https://msf-crash.org Médecins Sans Frontières doit-elle rejoindre la lutte contre le réchauffement climatique ? https://msf-crash.org/index.php/fr/blog/catastrophes-naturelles/medecins-sans-frontieres-doit-elle-rejoindre-la-lutte-contre-le <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-inline clearfix"> <div class="field__label">Date de publication</div> <div class="field__item"><time datetime="2020-04-09T12:00:00Z" class="datetime">09/04/2020</time> </div> </div> <span class="field field--name-uid field--type-entity-reference field--label-hidden"><span lang="" about="/index.php/fr/user/125" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">elba.msf</span></span> <span class="field field--name-created field--type-created field--label-hidden">jeu, 04/09/2020 - 12:57</span> <div class="field field--name-field-tags field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/changement-climatique" hreflang="fr">changement climatique</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/sante-globale" hreflang="fr">santé globale</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/catastrophes-naturelles" hreflang="fr">Catastrophes naturelles</a></div> </div> <details class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper"> <summary role="button" aria-expanded="false" aria-pressed="false">Fabrice Weissman</summary><div class="details-wrapper"> <div class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3235" role="article" about="/index.php/fr/fabrice-weissman" class="node node--type-person node--view-mode-embed"> <div class="node__content"> <div class="group-person-profil"> <div class="group-person-image-profil"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/profile_image/public/2017-04/DSCF4204.jpg?itok=sX0PzbdD" width="180" height="230" alt="Fabrice Weissman" typeof="foaf:Image" class="image-style-profile-image" /> </div> </div> <div class="group-person-content"> <div class="group-person-firstname-lastname"> <div class="field field--name-field-firstname field--type-string field--label-hidden field__item">Fabrice</div> <div class="field field--name-field-lastname field--type-string field--label-hidden field__item">Weissman</div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field__item"><p>Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Fabrice Weissman a rejoint Médecins sans Frontières en 1995. Logisticien puis chef de mission, il a travaillé plusieurs années en Afrique subsaharienne (Soudan, Erythrée, Ethiopie, Liberia, Sierra Leone, Guinée, etc), au Kosovo, au Sri Lanka et plus récemment en Syrie. Il est l'auteur de plusieurs articles et ouvrages collectifs sur l'action humanitaire dont "A l'ombre des guerres justes. L'ordre international cannibale et l'action humanitaire" (Paris, Flammarion, 2003), "Agir à tout prix? Négociations humanitaires, l'expérience de Médecins sans Frontières" (Paris, La Découverte, 2011) et "Secourir sans périr. La sécurité humanitaire à l'ère de la gestion des risques" (Paris, Editions du CNRS, 2016).</p> </div> <div class="same-author-link"><a href="/index.php/fr/fabrice-weissman" class="button">Du même auteur</a> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> </details> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-body field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Article initialement paru sous la forme de tribune dans la revue <a href="http://alternatives-humanitaires.org/fr/2020/03/18/medecins-sans-frontieres-doit-elle-rejoindre-la-lutte-contre-le-rechauffement-climatique/" target="_blank">Alternatives Humanitaires</a> le 18 mars.&nbsp;</p> <p><em>Suite à un article sur le changement climatique co-écrit par des membres des sections suisse et canadienne de MSF, Fabrice Weissman a développé une analyse critique des arguments de ses collègues. Une analyse qui pourrait bien être utile au mouvement tout entier, et au milieu humanitaire dans son ensemble.</em></p> <p>Comme l’illustre la livraison de juillet&nbsp;2019 de la revue&nbsp;<em>Alternatives Humanitaires</em><span class="annotation">Dossier/Focus «&nbsp;Changement climatique&nbsp;: comprendre, anticiper, s’adapter&nbsp;»,&nbsp;<em>Alternatives Humanitaires</em>, n°&nbsp;11, juillet 2019,&nbsp;<a href="http://alternatives-humanitaires.org/fr/numero-11-juillet-2019" target="_blank">http://alternatives-humanitaires.org/fr/numero-11-juillet-2019</a></span>, un nombre croissant d’organisations humanitaires s’engagent dans la lutte contre le réchauffement climatique. Au sein de Médecins Sans Frontières (MSF), nombreux sont les volontaires et les dirigeants qui souhaitent que l’association participe également à ce combat. Certains ont déjà franchi le pas. En amont du sommet des Nations unies sur le climat du 23&nbsp;septembre 2019, la directrice générale de MSF-USA a signé un appel aux «&nbsp;gouvernements et aux industries polluantes à agir immédiatement pour couper les émissions de gaz à effet de serre et limiter le réchauffement global&nbsp;», car «&nbsp;nous sommes témoins directs de la manière dont les facteurs environnementaux aggravent les crises humanitaires&nbsp;».<span class="annotation">«&nbsp;En effet, nous constatons de nos propres yeux la manière dont les facteurs environnementaux aggravent les crises humanitaires. […] Nous sommes face à une crise climatique avec des répercussions dévastatrices sur la santé et sur les besoins humanitaires à l’échelle mondiale. […] Même si nous devons tous assumer notre part, les gouvernements et les industries polluantes doivent aussi agir pour réduire radicalement leurs émissions de gaz à effet de serre et limiter le réchauffement climatique. Ils ont aussi le devoir de venir en aide aux personnes les plus affectées par les changements climatiques. Il est clair que les prévisions désastreuses dépassent largement les capacités du secteur humanitaire déjà fortement sollicité&nbsp;»&nbsp;: Avril Benoît, «&nbsp;Urgence climatique : les humanitaires appellent à l’action&nbsp;»,&nbsp;<em>MSF</em>, 23 septembre 2019,&nbsp;<a href="https://www.medecinssansfrontieres.ca/article/urgence-climatique-les-humanitaires-appellent-%88-l'action" target="_blank">https://www.medecinssansfrontieres.ca/article/urgence-climatique-les-humanitaires-appellent-à-l’action</a></span>MSF est par ailleurs associée aux travaux du groupe de recherche Lancet Countdown&nbsp;: Tracking Progress on Health and Climate Change.<span class="annotation">Voir le site&nbsp;<a href="http://www.lancetcountdown.org/" target="_blank">www.lancetcountdown.org</a></span> En novembre&nbsp;2018, elle a publié l’enquête&nbsp;<em>Climate Change and Health</em><em>&nbsp;</em><em>: an urgent new frontier for humanitarianism&nbsp;</em>demandant à ce que «&nbsp;les émissions de gaz à effet de serre soient urgemment ramenées à des niveaux compatibles&nbsp;avec l’accord de Paris sur le climat&nbsp;»<span class="annotation">«&nbsp;en vue de mettre en évidence les conséquences sanitaires dramatiques qui se manifestent déjà, ainsi que les niveaux dangereux des besoins humanitaires probables les émissions de gaz à effet de serre soient de toute urgence ramenées à des niveaux compatibles avec l’accord de Paris sur le climat&nbsp;»<br /> Climate Change and Health: an urgent new frontier for humanitarianism, November 2018,&nbsp;<a href="https://storage.googleapis.com/lancet-coundown/2019/10/2018-lancet-countdown-policy-brief-msf_0.pdf" target="_blank">https://storage.googleapis.com/lancet-coundown/2019/10/2018-lancet-countdown-policy-brief-msf_0.pdf</a></span>en raison «&nbsp;de l’impact sur la santé du changement climatique&nbsp;».</p> <p>Les arguments en faveur de ces prises de position ont été développés par plusieurs membres de MSF dans l’un des articles publiés l’été dernier par&nbsp;<em>Alternatives Humanitaires</em>.<span class="annotation">Bruno Jochum&nbsp;<em>et al.</em>, «&nbsp;La question des choix à l’heure de l’urgence climatique&nbsp;»,&nbsp;<em>Alternatives Humanitaires</em>, n°&nbsp;11, juillet 2019, p.&nbsp;44-63,&nbsp;<a href="http://alternatives-humanitaires.org/fr/2019/07/18/la-question-des-choix-a-lheure-de-lurgence-climatique" target="_blank">http://alternatives-humanitaires.org/fr/2019/07/18/la-question-des-choix-a-lheure-de-lurgence-climatique</a></span> Dans leur conclusion, les auteurs mettent en avant le péril auquel se trouverait exposé MSF et le «&nbsp;sans-frontiérisme&nbsp;» du fait de la montée des préoccupations environnementales dans le débat public. Si MSF veut conserver sa «&nbsp;légitimité&nbsp;» et sa «&nbsp;base sociale&nbsp;» notamment auprès «&nbsp;des jeunes générations&nbsp;», si elle veut rester concurrentielle sur le marché des idées et de la solidarité, elle doit «&nbsp;intégrer de manière plus centrale la crise écologique au cœur de sa mission sociale et de son positionnement public&nbsp;». Ce recentrage serait d’autant plus légitime que la cause humanitaire et la cause écologique se recoupent&nbsp;: la dégradation de l’environnement serait à l’origine d’une dégradation dramatique de la sécurité et de la santé des plus démunis – «&nbsp;un déclencheur et un multiplicateur de besoins humanitaires&nbsp;». À ce titre, les auteurs engagent MSF à prendre trois orientations&nbsp;: limiter sa propre empreinte écologique&nbsp;; anticiper et se préparer aux conséquences sanitaires du réchauffement climatique&nbsp;; et s’attaquer aux causes de la catastrophe attribuée à la non-application des dispositions de l’accord de Paris sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette position, commune à de nombreuses ONG humanitaires, est en grande partie discutable.</p> <p><strong>À quel titre les organisations humanitaires doivent-elles s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique</strong><strong>&nbsp;</strong><strong>?</strong></p> <p>En premier lieu, on peut douter que la montée des préoccupations environnementales constitue une menace existentielle pour les organisations humanitaires. Quand bien même ce serait le cas, il ne s’agirait pas d’une raison suffisante pour revoir leur mission sociale et l’adapter aux attentes supposées des «&nbsp;jeunes générations&nbsp;»&nbsp;: les ONG françaises devraient-elles abandonner leurs programmes d’aide aux migrants au motif qu’ils sont en décalage avec les aspirations dominantes des sociétés européennes&nbsp;? La question de l’engagement dans la lutte pour l’environnement n’est pas un enjeu de survie institutionnelle, mais de choix politique au même titre que l’engagement des ONG humanitaires dans d’autres «&nbsp;grandes causes&nbsp;»&nbsp;: la lutte pour les droits de l’Homme, la paix, la démocratie, la justice internationale, le droit humanitaire, etc.</p> <p>Les auteurs du papier justifient l’engagement de MSF dans la cause environnementale au nom des «&nbsp;impacts humanitaires du changement climatique&nbsp;»&nbsp;: risques de conflits, d’exclusion sociale, de tensions sur la gestion de l’eau, de migrations, d’urbanisation rapide, de développement de maladies infectieuses, d’événements climatiques extrêmes (sécheresses, inondations, ouragans…), d’insécurité alimentaire et de malnutrition, de déplacements massifs de populations et de migrations, etc. Ces phénomènes sont présentés comme autant de conséquences directes du changement climatique, aussi prévisibles que l’augmentation des températures moyennes à la surface du globe, et justifiant à ce titre la mise en place de plans de contingence.<strong>&nbsp;</strong></p> <p><strong>Peut-on mesurer et prédire l’impact du changement climatique sur la santé</strong><strong>&nbsp;</strong><strong>?</strong></p> <p>Si le réchauffement climatique et son origine humaine ne font aucun doute, les projections sur ses conséquences sont marquées par un haut degré d’incertitude. Cela tient en premier lieu à la difficulté à prédire comment le réchauffement global de l’atmosphère modifie et modifiera le climat aux échelles locales. Seules les tendances liées à l’augmentation des températures moyennes à l’échelle du globe reposent sur des modèles solides et concordants qui, selon les scénarios anticipent une augmentation comprise entre 1,5 et 6&nbsp;°C d’ici la fin du siècle.<span class="annotation">Il s’agit de scénarios conservateurs qui ne tiennent pas compte de possibles bifurcations radicales liées à des interactions imprévisibles susceptibles d’entraîner des catastrophes brutales et incontrôlables. Voir Claude Kergomard, «&nbsp;Changement climatique : certitudes, incertitudes et controverses&nbsp;»,&nbsp;<em>Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement&nbsp;</em>[En ligne], 12 | 2012, 1er janvier 2014,&nbsp;<a href="http://journals.openedition.org/tem/1424" target="_blank">http://journals.openedition.org/tem/1424</a></span>Ces modèles «&nbsp;ne simulent de façon précise que les changements et évolutions globales, à l’échelle des grands systèmes de la circulation atmosphérique&nbsp;», explique Claude Kergomard, directeur du département de Géographie de l’École normale supérieure.<span class="annotation"><em>Ibid.</em></span>Les modèles biophysiques sont trop incertains pour approcher les effets du réchauffement sur l’hydrologie et les événements extrêmes aux échelles locales ou régionales.<span class="annotation">«&nbsp;Pour décrire les impacts climatiques réels il faut donc prévoir des changements climatiques pour des régions et des saisons spécifiques. Il faut également prévoir non seulement la température, mais aussi d’autres caractéristiques du climat, en particulier les précipitations. Et il faut prévoir non seulement les changements dans les valeurs moyennes annuelles, mais aussi les changements dans leur cycle saisonnier, leur variabilité et leurs extrêmes. Ces exigences posent des défis importants pour la modélisation et projection climatique. À mesure que les projections évoluent de la moyenne mondiale vers des régions plus petites, elles bénéficient moins de l’annulation des erreurs à une moindre échelle, de sorte que les erreurs de prévision deviennent plus importantes&nbsp;»,&nbsp;<em>ibid</em>.</span>S’agissant des précipitations, «&nbsp;l’évolution des éléments du bilan hydrique (précipitations, écoulement, réserve en eau des sols) comporte une part d’incertitude très importante, en raison de la difficulté à représenter physiquement l’ensemble des processus qui leur sont associés, tels que le développement des nuages et les échanges précis entre l’atmosphère et les surfaces océaniques ou continentales&nbsp;». Ainsi, expliquent les professeurs Dessler et Parson, auteurs d’un ouvrage de synthèse sur la question<span class="annotation">Voir Andrew E. Dessler and Edward A. Parson, “Human-Induced Climate Change: Present Scientific Knowledge and Uncertainties”,&nbsp;<em>in The Science and Politics of Global Climate Change. A Guide to the Debate</em>, 3<sup>rd&nbsp;</sup>Edition, Cambridge University Press, 2019, p.65-112.</span>: «&nbsp;Il est particulièrement difficile de faire des projections sur les précipitations à l’échelle régionale en raison de leurs grandes variations sur de courtes distances. De petits changements dans le trajet des orages peuvent changer radicalement la distribution spatiale et saisonnière des précipitations.&nbsp;»</p> <p>De même, l’impact du réchauffement climatique sur la fréquence et l’ampleur des phénomènes extrêmes (vagues de chaleur ou vagues de froid, cyclones tropicaux et tempêtes, pluies intenses, sécheresses) est encore difficile à cerner. La modélisation de ces événements reste un défi, du fait notamment de leur rareté et de leur singularité qui font obstacle à l’établissement de statistiques significatives. Les chercheurs (y compris ceux du GIEC) se refusent à ce jour à établir un lien de causalité entre, par exemple, l’augmentation de la fréquence des cyclones dans l’Atlantique depuis 1970 et le réchauffement climatique depuis un siècle.<span class="annotation">Le cinquième rapport du GIEC a mis en évidence la complexité des facteurs qui peuvent influer sur le développement et le cycle de vie des cyclones tropicaux, mais aucune conclusion définitive n’a pu être tirée. Voir&nbsp;<a href="http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/impacts-du-changement-climatique-sur-les-phenomenes-hydrometeorologiques/changement-climatique-et-cyclones">www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/impacts-du-changement-climatique-sur-les-phenomenes-hydrometeorologiques/changement-climatique-et-cyclones</a>.</span></p> <p>La deuxième source d’incertitude tient à la difficulté à évaluer comment les systèmes naturels et les sociétés humaines réagissent et réagiront aux modifications du climat. Contrairement aux prédictions de certaines modélisations et aux hypothèses du rapport Stern<span class="annotation">Wikipédia&nbsp;: «&nbsp;Le rapport Stern sur l’économie du changement climatique (en anglais Stern Review on the Economics of Climate Change) est un compte rendu sur l’effet du changement climatique et du réchauffement global sur la planète rédigé par l’économiste Nicholas Stern pour le gouvernement du Royaume-Uni. Publié le 30&nbsp;octobre 2006, ce rapport de plus de 700&nbsp;pages est le premier rapport financé par un gouvernement sur le réchauffement climatique mené par un économiste et non par un climatologue.&nbsp;»</span>, aucune corrélation probante entre le changement climatique et l’évolution géographique des zones impaludées n’a pu être établie.<span class="annotation">Peter W. Gething&nbsp;<em>et al.</em>, “Climate Change and the Global Malaria Recession”,&nbsp;<em>Nature</em>, 465, May 2010, p.342-345,&nbsp;<a href="https://www.nature.com/articles/nature09098?fbclid=IwAR3Dyc0pmruI8k9UtDEybNkWLOWAKxBRxPfjik1SFtKBQVdF9tgoIUzTt50%23Abs3" target="_blank">https://www.nature.com/articles/nature09098?fbclid=IwAR3Dyc0pmruI8k9UtDEybNkWLOWAKxBRxPfjik1SFtKBQVdF9tgoIUzTt50#Abs3</a></span> Des études suggèrent que l’augmentation des températures diurnes et nocturnes en Afrique et en Asie y réduira substantiellement le potentiel de transmission du&nbsp;<em>Plasmodium falciparum par Anopheles gambiae et Anopheles stephens.</em><span class="annotation">C. C. Murdock, E. D. Sternberg and M. B. Thomas, “Malaria transmission potential could be reduced with current and future climate change”,&nbsp;<em>Scientific Reports</em>, 6, Article number: 27771, 21 June 2016,&nbsp;<a href="https://www.nature.com/articles/srep27771" target="_blank">https://www.nature.com/articles/srep27771</a></span>De fait, les experts du GIEC estiment que «&nbsp;les changements climatiques auront des conséquences mixtes, comme la croissance ou la décroissance de l’extension et du potentiel de transmission du paludisme en Afrique&nbsp;».<span class="annotation">«&nbsp;Contribution du Groupe de travail II au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat&nbsp;»,&nbsp;<a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/03/ar4-wg2-spm-fr.pdf" target="_blank">https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/03/ar4-wg2-spm-fr.pdf</a>, p. 8.</span>Le rapport poursuit&nbsp;: «&nbsp;L’équilibre entre les effets positifs et négatifs sur la santé variera d’une région à l’autre et se modifiera à mesure que les températures continueront de monter.&nbsp;». Dans leur 5<sup>e&nbsp;</sup>rapport, ils jugent que les effets négatifs du changement climatique sur la transmission du paludisme seront annihilés par les progrès de la lutte contre la maladie.</p> <p>Il est tout aussi difficile, estiment les experts du GIEC, de faire des projections sur l’impact humain des catastrophes naturelles. S’ils jugent par exemple que les inondations seront plus fréquentes et dévastatrices, du fait notamment de l’urbanisation de plaines inondables, ils s’attendent à ce que leur létalité diminue&nbsp;:</p> <p>«&nbsp;Par exemple, environ 500&nbsp;000 personnes ont trouvé la mort lorsque le cyclone Bhola (catégorie 3) s’abattit sur le Pakistan oriental (aujourd’hui Bangladesh) en 1970 […]. En 1991, un cyclone d’une intensité similaire a causé environ 140&nbsp;000 morts. En novembre&nbsp;2007, le Cyclone Sidr (catégorie 4) a causé environ 3&nbsp;400 morts. La population avait augmenté de plus de 30&nbsp;millions de personnes dans l’intervalle […]. Le Bangladesh a atteint cette réduction remarquable de la mortalité grâce à la collaboration efficace entre les organisations gouvernementales et non-gouvernementales et les communautés locales.&nbsp;»<span class="annotation">Smith, K.R., A. Woodward, D. Campbell-Lendrum, D.D. Chadee, Y. Honda, Q. Liu, J.M. Olwoch, B. Revich, and R. Sauerborn, “Human health: impacts, adaptation, and co-benefits”,&nbsp;<em>Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Part A: Global and Sectoral Aspects. Contribution of Working Group II to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change</em>[Field, C.B., V.R. Barros, D.J. Dokken, K.J. Mach, M.D. Mastrandrea, T.E. Bilir, M. Chatterjee, K.L. Ebi, Y.O. Estrada, R.C. Genova, B. Girma, E.S. Kissel, A.N. Levy, S. MacCracken, P.R. Mastrandrea, and L.L. White (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, 2014, p.733.</span></p> <p>Fréquemment citée à l’appui des prévisions les plus pessimistes, la région du lac Tchad est une bonne illustration des difficultés à prédire les conséquences du changement climatique sur les conditions météorologiques locales, les écosystèmes et les sociétés humaines. Le lac Tchad a vu sa surface régresser de près de 90&nbsp;% entre les années&nbsp;1960 et&nbsp;1980. Si cet assèchement a profondément transformé la vie économique et politique des sociétés lacustres, «&nbsp;la diminution des eaux et le passage à une configuration en petits lacs ont libéré des terres fertiles, ce qui a permis le développement d’une activité agricole pour des populations qui ont appris à exploiter cette surface&nbsp;», souligne par exemple le géographe Christian Seignobos.<span class="annotation">Romain Gras, «&nbsp;Assèchement du lac Tchad&nbsp;: le retour du projet Transaqua fait polémique&nbsp;»,&nbsp;<em>Jeune Afrique</em>, 1<sup>er</sup>&nbsp;mars 2018,&nbsp;<a href="https://www.jeuneafrique.com/537309/societe/assechement-du-lac-tchad-le-retour-du-projet-transaqua-fait-polemique" target="_blank">https://www.jeuneafrique.com/537309/societe/assechement-du-lac-tchad-le-retour-du-projet-transaqua-fait-polemique</a>.</span> Depuis les années 1990, le phénomène s’est inversé&nbsp;: la superficie du lac augmente.<span class="annotation">Romain Mielcarek, «&nbsp;Pas de preuve de menace du réchauffement climatique pour le lac Tchad&nbsp;»,&nbsp;<em>RFI</em>, 4 avril 2014,&nbsp;<a href="http://www.rfi.fr/afrique/20140404-lac-tchad-menace-rechauffement-climatique-geraud-magrin-ird" target="_blank">www.rfi.fr/afrique/20140404-lac-tchad-menace-rechauffement-climatique-geraud-magrin-ird</a></span>Les modèles météorologiques pour cette région sont fortement discordants et ne permettent pas de prédire si le changement climatique s’accompagnera d’une diminution ou d’une augmentation de la pluviométrie et de la surface du lac.<span class="annotation">Selon Géraud Magrin, chercheur au Cirad, «&nbsp;les modèles qui analysent la manière dont le changement climatique aura des effets sur la pluviométrie en Afrique de l’Ouest et centrale ne sont pas concordants. Il y a des parties du monde où ce type de modèle est fortement concordant, dans cette partie de l’Afrique, ce n’est pas le cas. Donc scientifiquement, aujourd’hui, on ne peut pas dire si le réchauffement climatique se traduira par davantage de pluviométrie sur le bassin amont du lac Tchad et donc davantage d’eau dans le lac Tchad ; ou par une baisse de l’eau dans le lac. Nous ne sommes pas capables de le dire. Il n’y a aucune certitude&nbsp;»,&nbsp;<em>ibid</em>.</span> Quant à l’influence des pluies sur les conflits du bassin du lac Tchad et plus généralement sur la vie politique, sociale et économique des populations locales, elle est&nbsp;<em>a fortiori&nbsp;</em>impossible à prédire. De nombreux chercheurs rappellent qu’il n’existe aucune corrélation directe entre raréfaction des ressources et violences politiques et qu’en tout état de cause les politiques agricoles et sécuritaires des gouvernements sahéliens (et notamment le sacrifice des populations nomades dans les projets de développement des dernières décennies) ont eu un impact beaucoup plus déterminant sur la violence au Sahel que le changement climatique.<span class="annotation">Voir par exemple Tor A. Benjaminsen, «&nbsp;Changements climatiques et conflits au Sahel&nbsp;»,&nbsp;<em>in&nbsp;</em>Denis Gautier e<em>t al., Environnement, discours et pouvoir</em>, Quæ, 2012, p.&nbsp;181-200.</span> L’impact de ce dernier sur les mouvements de population est tout aussi spéculatif soulignent d’autres chercheurs qui critiquent la notion de «&nbsp;réfugié climatique&nbsp;».<span class="annotation">À ce sujet, voir notamment la chronique de l’historien Jean-Baptiste Fressoz&nbsp;: «&nbsp;Pour les spécialistes, la notion de “réfugié climatique” est tout simplement une mauvaise notion&nbsp;»,&nbsp;<em>Le Monde</em>, 2&nbsp;octobre 2019,&nbsp;<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/02/jean-baptiste-fressoz-pour-les-specialistes-la-notion-de-refugie-climatique-est-tout-simplement-une-mauvaise-notion_6013853_3232.html" target="_blank">https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/02/jean-baptiste-fressoz-pour-les-specialistes-la-notion-de-refugie-climatique-est-tout-simplement-une-mauvaise-notion_6013853_3232.html</a></span>En résumé, expliquent les politistes Yann Bérard et Daniel Compagnon<span class="annotation">Yann Bérard et Daniel Compagnon, «&nbsp;Politiques du changement climatique : des controverses scientifiques à l’action publique&nbsp;»,&nbsp;<em>Critique internationale</em>, n°&nbsp;62, janvier-mars 2014.</span>: «&nbsp;Malgré la certitude acquise sur la réalité du réchauffement et son origine principalement anthropique, la science du climat demeure néanmoins incertaine dans ses projections, parce que dépendante non seulement de l’imperfection de ses outils de mesure et de modélisation, mais aussi des nombreuses hypothèses sur la façon dont les systèmes tant naturels que sociaux seraient susceptibles de faire face à ce défi.&nbsp;»</p> <p>Entendons-nous bien. Si les conséquences&nbsp;<em>locales&nbsp;</em>du réchauffement de l’atmosphère sur le climat, les écosystèmes et les sociétés humaines sont difficiles à prédire, il ne fait aucun doute que ce réchauffement est porteur de graves menaces sur les sociétés humaines. L’augmentation du niveau moyen des mers (de 26 à 98&nbsp;cm le long des côtes d’ici 2&nbsp;100), l’acidification des océans, la modification de la répartition des ressources en eau et la transformation rapide des écosystèmes ont et auront des effets néfastes (directs et indirects) sur la distribution des maladies et sur la santé. Mais aussi graves soient-ils, ces effets sont à ce jour non mesurables et imprévisibles.</p> <p>Cette limite est parfaitement assumée et expliquée dans les rapports du GIEC. Ces derniers soulignent qu’il existe très peu d’études épidémiologiques documentant l’impact du changement climatique sur la santé en raison de la lenteur du phénomène (le changement climatique se mesure en décennies) et de l’impossibilité d’isoler l’impact des variables climatiques parmi la pluralité de facteurs influant sur la santé&nbsp;:</p> <p>«&nbsp;Des études rigoureuses nécessitent non seulement des séries de données sur le climat et l’incidence de maladies portant sur une longue période, mais aussi des informations sur les autres facteurs de causalité avérés ou potentiels, associées à une analyse statistique permettant d’attribuer les changements des états de santé aux divers facteurs qui contribuent à cette situation. Lorsque des risques sont identifiés, les organismes de santé ont le mandat d’intervenir immédiatement, faussant les analyses menées à long terme&nbsp;».<span class="annotation"><em>AR5 Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability, IPCC’s Fifth Assessment Report (WGII AR5)</em>, 2014, p.720.</span></p> <p>Les nombreuses incertitudes sur la façon dont le changement climatique affectera la santé des hommes invite à se concentrer sur les problèmes sanitaires actuels, soulignent les experts du GIEC. À la question «&nbsp;quelle est la stratégie d’adaptation la plus importante pour réduire les impacts sur la santé du changement climatique&nbsp;?&nbsp;», ils répondent&nbsp;:</p> <p>«&nbsp;L’état de santé actuel d’une population est peut-être l’indicateur prédictif le plus important des impacts futurs du changement climatique sur la santé et des coûts de l’adaptation… Dans un avenir immédiat, accélérer les interventions de santé publique et médicales pour réduire la charge actuelle de la maladie, en particulier les maladies dans les pays pauvres liées aux conditions climatiques, est la mesure la plus importante qui peut être prise pour réduire les impacts du changement climatique sur la santé.&nbsp;»<span class="annotation"><em>Ibid.</em>, p.742.</span></p> <p><br /> <strong>Quelle réponse sociale et politique au dérèglement du climat les organisations humanitaires doivent-elles encourager</strong><strong>&nbsp;</strong><strong>?</strong></p> <p>À rebours de la rigueur méthodologique du GIEC, nos collègues proposent d’engager MSF dans une démarche militante visant à «&nbsp;témoigner des conséquences humanitaires des urgences climatiques&nbsp;» en «&nbsp;[validant] l’existence d’un lien causal entre le changement climatique et les désastres observés&nbsp;».<span class="annotation">B. Jochum&nbsp;<em>et al.</em>, «&nbsp;La question des choix…&nbsp;», art.&nbsp;cit.</span> Ce recours instrumental à l’épidémiologie permettrait de rallier des soutiens politiques et sociaux en présentant la lutte pour le climat comme un enjeu de santé publique. Ainsi, expliquent-ils dans leur contribution au&nbsp;<em>Lancet Countdown</em>&nbsp;:</p> <p>«&nbsp;Il est prouvé que présenter le changement climatique comme un problème de santé est un moyen efficace de motiver l’action, et que les professionnels de santé font partie des sources d’information bénéficiant du plus grand capital de confiance au monde. Les humanitaires ont donc le potentiel d’amplifier la réponse sociale au changement climatique en montrant de manière incontestable que celui-ci est un problème de santé humaine.&nbsp;»</p> <p>Quelle réponse sociale s’agirait-il d’encourager&nbsp;? Les auteurs estiment qu’il y a consensus sur la manière de lutter contre le réchauffement climatique&nbsp;: «&nbsp;appliquer l’accord de Paris sur le climat et stabiliser la température à un niveau bien en dessous de 2&nbsp;°C [ce qui implique d’atteindre la neutralité carbone à l’échelle planétaire avant 2&nbsp;050&nbsp;». Une telle ambition exige, selon eux, «&nbsp;une transformation radicale des pratiques et surtout le respect d’un calendrier d’action sur deux à trois décennies […] par tout État, toute collectivité, toute entreprise, toute organisation ou tout individu&nbsp;».</p> <p>Nos collègues affirment par ailleurs que ces mesures seront probablement inutiles puisque «&nbsp;d’ici une vingtaine d’années – un réchauffement de 1,5 à 2&nbsp;°C est inévitable, quelles que soient les mesures prises&nbsp;». Leur proposition est donc d’utiliser le capital de confiance de MSF pour encourager la mise en œuvre totale de mesures radicales destinées à atteindre un objectif inatteignable. Ce dernier est d’ailleurs contesté par une partie des experts et des militants qui préconisent de se fixer des ambitions plus réalistes (et de substituer à l’indicateur abstrait de la température moyenne de l’atmosphère une série de mesures plus concrètes sur l’état de santé de la planète).<span class="annotation">David G. Victor and Charles F. Kennel, “Climate policy: Ditch the 2 °C warming goal”,&nbsp;<em>Nature</em>, 514, 2 October 2014, p.30-31,&nbsp;<a href="https://www.nature.com/news/climate-policy-ditch-the-2-c-warming-goal-1.16018%23xd_co_f=MmZmZWIxMDIyYTA3N2FiMWI5MDE1NzcxMTk0MzM2MDg=~" target="_blank">https://www.nature.com/news/climate-policy-ditch-the-2-c-warming-goal-1.16018#xd_co_f=MmZmZWIxMDIyYTA3N2FiMWI5MDE1NzcxMTk0MzM2MDg=~</a></span></p> <p>De fait, atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 suppose que les pays riches (à l’origine de 60&nbsp;% des émissions annuelles) réduisent leurs émissions de 75&nbsp;% en moins de quarante ans. En l’absence d’innovation technico-scientifique révolutionnaire (la maîtrise de la fusion nucléaire par exemple&nbsp;?), atteindre cet objectif nécessite un changement radical des comportements individuels et collectifs en matière de consommation énergétique dans le domaine du transport, de l’habitat, des secteurs tertiaires et agroalimentaires – et en matière de contrôle des naissances.</p> <p>Selon une étude publiée en 2017 par des scientifiques canadien et suédois, la mesure individuelle de loin la plus importante pour lutter contre le réchauffement climatique serait d’encourager la population des pays industrialisés à avoir un enfant de moins.<span class="annotation">Seth Wynes and Kimberly A. Nicholas, “The climate mitigation gap: education and government recommendations miss the most effective individual actions”, Environmental Research Letters, 12, 2017,&nbsp;<a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aa7541/pdf" target="_blank">https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aa7541/pdf</a> </span>Cette recommandation est prise au sérieux par des réseaux militants en France et aux États-Unis, notamment ceux dont les membres pratiquent une&nbsp;<em>Green Inclination No Kids Policy&nbsp;</em>par conviction écologique.<span class="annotation">Marylou Magal, «&nbsp;Faire moins d’enfants, le geste écolo ultime&nbsp;»,&nbsp;<em>Le Point</em>, 18&nbsp;septembre 2018,&nbsp;<a href="https://www.lepoint.fr/societe/faire-moins-d-enfants-le-geste-ecolo-ultime-18-09-2018-2252243_23.php" target="_blank">https://www.lepoint.fr/societe/faire-moins-d-enfants-le-geste-ecolo-ultime-18-09-2018-2252243_23.php</a> </span>(Cette politique devrait-elle figurer dans la charge de comportement éthique des volontaires humanitaires&nbsp;?)</p> <p>Plus généralement, dans une tribune publiée dans&nbsp;<em>Le Monde&nbsp;</em>en octobre&nbsp;2018, un collectif de scientifiques, d’intellectuels et de démographes<span class="annotation">«&nbsp;Climat&nbsp;: “Freiner la croissance de la population est une nécessité absolue”&nbsp;»,&nbsp;<em>Le Monde</em>, 9 octobre 2018,&nbsp;<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/09/freiner-la-croissance-de-la-population-est-une-necessite-absolue_5366580_3232.html" target="_blank">https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/09/freiner-la-croissance-de-la-population-est-une-necessite-absolue_5366580_3232.html</a>&nbsp;</span>déplore que la croissance démographique soit la grande absente du débat sur le dérèglement climatique alors qu’une «&nbsp;réduction importante de l’accroissement de la population mondiale&nbsp;» serait tout aussi nécessaire que la transition énergétique pour lutter contre le réchauffement (une position également partagée par UNFPA).<span class="annotation">UNFPA, État de la population mondiale 2009,&nbsp;<a href="https://www.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/frenchswop09.pdf" target="_blank">https://www.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/frenchswop09.pdf</a> </span>Même si elle se ralentit, la croissance de la population humaine reste vertigineuse&nbsp;: 2,6&nbsp;milliards d’êtres humains en 1950, 7,6&nbsp;milliards aujourd’hui, 9,8 en 2&nbsp;050 et 11,2 à la fin du siècle selon les projections de l’ONU. Bien que les pays connaissant la plus forte croissance démographique sont ceux dont l’impact carbone par habitant est à ce jour le moins élevé, «&nbsp;les effets combinés de l’augmentation de la population et de la consommation par habitant dans les pays en voie de développement&nbsp;» doivent impérativement être pris en compte, soutiennent ces scientifiques. Ils poursuivent&nbsp;:</p> <p>«&nbsp;Pour éviter la catastrophe il faudra donc, et avant tout dans les pays développés, réduire fortement nos émissions de gaz à effet de serre&nbsp;: c’est la transition énergétique. Mais on ne pourra pas faire l’impasse sur une réduction importante de l’accroissement de la population mondiale&nbsp;: c’est la transition démographique, non achevée dans bien des régions du monde.&nbsp;»<span class="annotation">Sur la question de la démographie, voir notre dossier «&nbsp;Démographie&nbsp;: des chiffres et des maux&nbsp;»,&nbsp;<em>Alternatives Humanitaires</em>, n°&nbsp;12, novembre 2019,&nbsp;<a href="http://alternatives-humanitaires.org/fr/numero-12-novembre-2019/" target="_blank">http://alternatives-humanitaires.org/fr/numero-12-novembre-2019</a>&nbsp;[NDLR].</span></p> <p>Cette mesure de lutte contre le réchauffement climatique entre en contradiction avec notre mission sociale et nos activités, notamment en direction de la petite enfance, qui contribuent à l’expansion démographique sans préoccupation pour ses effets supposés sur l’environnement. De fait, comme le souligne Rony Brauman dans un entretien de 2014 avec Bruno Rebelle, ancien dirigeant de Greenpeace, il existe une tension entre l’action humanitaire qui s’inscrit dans le présent, et l’engagement écologique préoccupé par l’avenir&nbsp;:</p> <p>«&nbsp;Par nature, l’action environnementale, disons écologiste, s’inscrit dans un temps long, celui de l’anticipation&nbsp;: les constats d’aujourd’hui sont, d’une certaine manière, construits en fonction du retentissement qu’ils auront dans le futur. L’humanitaire, lui, s’intéresse “à l’ici et au maintenant”, à la préservation de la vie, en s’émancipant de la nécessité pourtant bien réelle d’apprécier les conséquences ultérieures. […] Cela crée une tension entre l’action humanitaire et “la vie durable” en général, sans même parler de préoccupations environnementales. Si la plupart des ONG humanitaires, comme Médecins Sans Frontières, ont fait le choix du sauvetage immédiat des hommes, c’est au nom d’une sorte de séparation des tâches&nbsp;: elle a ses mérites – il faut être conscient de nos limites –, mais aussi ses contradictions puisqu’elle conduit à être indifférent aux dégâts auxquels nous contribuons et qui sont gravissimes pour les gens qui en subissent les conséquences.&nbsp;»<span class="annotation">Rony Brauman&nbsp;<em>et al</em><strong><em>.</em></strong>, «&nbsp;Le Politique, chaînon manquant entre humanitaires et environnementalistes&nbsp;?&nbsp;»,&nbsp;<em>Humanitaire</em>, 38,&nbsp;2014, p.&nbsp;32-43,&nbsp;<a href="https://journals.openedition.org/humanitaire/2957" target="_blank">https://journals.openedition.org/humanitaire/2957</a></span></p> <p><strong>Que signifie</strong><strong>&nbsp;</strong><strong>: «</strong><strong>&nbsp;</strong><strong>Avant tout ne pas nuire (au climat)</strong><strong>&nbsp;</strong><strong>»</strong><strong>&nbsp;</strong><strong>?</strong></p> <p>La dernière orientation préconisée par nos collègues est précisément de «&nbsp;limiter notre empreinte environnementale&nbsp;». Deux pistes sont envisagées&nbsp;: la réduction de nos émissions de CO2, en provenance en particulier du transport de personnes, de l’approvisionnement des missions et de la consommation énergétique des bâtiments&nbsp;; et «&nbsp;réduire notre empreinte sur les autres “limites planétaires”, liées à la dégradation des sols, de l’eau et des écosystèmes et induites par la production de déchets plastiques, chimiques et organiques dans le cadre de programmes humanitaires&nbsp;». Pour autant, si nos collègues nous invitent à faire preuve de «&nbsp;sobriété volontaire&nbsp;», ils ajoutent que ces ajustements écoresponsables devront être «&nbsp;progressifs&nbsp;» et ne «&nbsp;jamais [se faire] au détriment de l’efficacité nécessaire pour remplir la mission sociale&nbsp;».</p> <p>À la différence des deux autres orientations marquées par une forme de démesure (prédire et anticiper les événements climatiques extrêmes et autres conséquences du réchauffement climatique&nbsp;; lutter contre ses causes), force est de constater que la prudence caractérise l’engagement de MSF à réduire sa propre empreinte environnementale. On soulignera par exemple la quasi-absence de réflexion sur notre croissance, implicitement considérée comme un bien en soi. Principal poste de production de carbone avec le transport, le recrutement de nouveaux donateurs par&nbsp;<em>mailing&nbsp;</em>n’est pas évoqué. Les seules pistes envisagées pour réduire l’empreinte environnementale de MSF puisent au cœur de l’idéologie néolibérale et technoscientifique pourtant décrite comme la cause première du désastre&nbsp;: «&nbsp;optimisation&nbsp;», «&nbsp;recherche de synergies entre activités existantes&nbsp;», «&nbsp;efficience&nbsp;», «&nbsp;innovation et simplification technique&nbsp;». Bref, nous sommes bien loin de la révolution exigée du reste du monde pour parvenir à la neutralité carbone – qui serait une révolution de «&nbsp;l’autolimitation&nbsp;» nécessitant de rompre avec «&nbsp;l’imaginaire capitaliste d’une expansion illimitée&nbsp;» pour reprendre les termes de Castoriadis.<span class="annotation">«&nbsp;Grand texte&nbsp;: Cornelius Castoriadis “L’écologie est essentiellement politique”&nbsp;»,&nbsp;<em>L’Inactuelle</em>, 30&nbsp;avril 2019,<a href="https://linactuelle.fr/index.php/2019/04/30/cornelius-castoriadis-ecologie-politique" target="_blank">https://linactuelle.fr/index.php/2019/04/30/cornelius-castoriadis-ecologie-politique</a> </span>Tant que «&nbsp;l’efficacité nécessaire pour remplir notre mission sociale&nbsp;» sera synonyme de «&nbsp;toujours plus, toujours plus gros&nbsp;» pour être «&nbsp;à la hauteur des besoins&nbsp;» (par définition infinis), notre engagement à la «&nbsp;sobriété volontaire&nbsp;» se limitera à du&nbsp;<em>green washing</em>.</p> <p>La critique des positions défendues par nos collègues n’enlève rien au bien-fondé de leur démarche&nbsp;: inviter MSF et les ONG humanitaires à réfléchir sur leur positionnement à l’égard d’un sujet de société devenu incontournable, la dégradation de l’environnement. Reste que je suis en profond désaccord avec les deux orientations principales qu’ils préconisent&nbsp;: étendre la mission sociale de MSF à la lutte contre le réchauffement climatique en raison de son impact sur la santé et la sécurité des plus démunis&nbsp;; et s’efforcer d’anticiper les crises à venir grâce à la science. Au risque de me répéter, si la science est capable de prédire l’évolution globale des températures à l’échelle du globe et ses macro-effets (fonte des glaces de mer et des glaciers, augmentation du niveau des mers, acidification des océans, etc.), elle n’est pas capable de prédire comment les écosystèmes et les hommes s’adapteront à ces changements ni quels impacts ils auront sur la santé humaine. Gardons-nous de scénarios à 10-20-50 ans, pour rester réactifs aux crises telles qu’elles se présenteront et quel que soit leur lien avec le réchauffement de la planète&nbsp;! Et interrogeons-nous, lorsque c’est justifié, sur les déterminants environnementaux de la santé, sans privilégier&nbsp;<em>a priori</em>la question du climat (comme MSF l’a fait par exemple au Nigeria avec les intoxications aux métaux lourds liés à l’orpaillage, ou la recherche de facteurs de risques environnementaux susceptibles d’expliquer la fréquence anormalement élevée de prééclampsies dans d’autres régions du pays).</p> <p>Il me semble en revanche que MSF doit indéniablement s’interroger sur son rôle de «&nbsp;pollueur&nbsp;» sans se limiter à la question du réchauffement climatique<span class="annotation">Les logisticiens d’OCP proposent déjà plusieurs pistes en lien avec la gestion des déchets et nos politiques d’approvisionnement.&nbsp;</span>et sans faire l’impasse sur la question clé de sa propre croissance. Le minimum serait de faire un audit des pratiques de l’association afin de les situer au regard des normes environnementales en vigueur, ne serait-ce que les normes internationales incitatives comme celles de la famille ISO 14&nbsp;000.<span class="annotation">Voir la famille de normes ISO&nbsp;14000&nbsp;:&nbsp;<a href="https://www.iso.org/fr/iso-14001-environmental-management.html" target="_blank">https://www.iso.org/fr/iso-14001-environmental-management.html</a>&nbsp;et la définition de la norme ISO&nbsp;14001&nbsp;:&nbsp;<a href="https://youmatter.world/fr/definition/norme-iso-14001-definition" target="_blank">https://youmatter.world/fr/definition/norme-iso-14001-definition</a> </span>Face aux enjeux du changement climatique, MSF et les ONG humanitaires font plus partie du problème que de la solution.</p> </div> <div class="height-computed field field--name-field-related-content field--type-entity-reference field--label-above"> <div class="field__label">Publications associées</div> <div class="field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3969" role="article" about="/fr/publications/acteurs-et-pratiques-humanitaires/la-prise-en-compte-de-lenvironnement-dans-laction" typeof="schema:Article" class="node node--type-article node--view-mode-teaser"> <span property="schema:name" content="La prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire médicale" class="rdf-meta hidden"></span> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2017-05/MSF166549-joanne-liu-at-UNSC-meeting.jpg?h=2b331e0b&amp;itok=ThPhgchF" width="450" height="300" alt="Réunion du conseil de sécurité aux Nations Unies" title="diplomatie humanitaire" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Paulo Filgueiras</div> </article> </div> <a href="/fr/publications/acteurs-et-pratiques-humanitaires/la-prise-en-compte-de-lenvironnement-dans-laction" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=3969&amp;2=reading_list" token="BU5xg7FyDwepUo3GA9tQbG19HZXS4helfYzMfF1YE18"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article</div></div><span property="schema:name" class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/fr/publications/acteurs-et-pratiques-humanitaires/la-prise-en-compte-de-lenvironnement-dans-laction" hreflang="fr">La prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire médicale</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2011-05-12T12:00:00Z" class="datetime">12/05/2011</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/fr/julien-tertrais" hreflang="fr">Julien Tertrais</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Depuis plusieurs années, quelques médias publient périodiquement des classements d’Associations caritatives. Jusqu’à présent cette démarche prend appui sur des indicateurs de gestion financière. L’impact environnemental des interventions humanitaires n’est pas pris en compte. Pourtant cette indifférence n’est pas générale: de plus en plus se développent des réflexions et débats sur la responsabilité environnementale des organisations humanitaires.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/fr/publications/acteurs-et-pratiques-humanitaires/la-prise-en-compte-de-lenvironnement-dans-laction" rel="tag" title="La prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire médicale" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur La prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire médicale</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="6172" role="article" about="/fr/blog/catastrophes-naturelles/les-coulisses-du-monde-des-catastrophes-naturelles-debat-avec-sandrine" class="node node--type-blog-post node--view-mode-teaser"> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2018-12/MSF218143%28High%29.JPG?h=bc09f3d1&amp;itok=9r2nzlVE" width="450" height="300" alt="Floods in Palorinya" title="Floods in Palorinya" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Laura Kant/MSF</div> </article> </div> <a href="/fr/blog/catastrophes-naturelles/les-coulisses-du-monde-des-catastrophes-naturelles-debat-avec-sandrine" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=6172&amp;2=reading_list" token="1lOTOvB7k1Xcod6tnIa9XpEEgIiULHsex8SH-FFh0Ww"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article de blog</div></div><span class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/fr/blog/catastrophes-naturelles/les-coulisses-du-monde-des-catastrophes-naturelles-debat-avec-sandrine" hreflang="fr">Les coulisses du monde des catastrophes « naturelles » : débat avec Sandrine Revet et Rony Brauman</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2018-12-19T12:00:00Z" class="datetime">19/12/2018</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/fr/elba-rahmouni" hreflang="fr">Elba Rahmouni</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>A l’occasion de la sortie du livre Les coulisses du monde des catastrophes « naturelles » aux Editions MFSH, le CERI (Centre de recherches internationales Sciences Po – CNRS) organisait mercredi 14 novembre 2018 un débat avec son auteure, Sandrine Revet, anthropologue au CERI et cofondatrice de l’Association pour la recherche sur les catastrophes et les risques en anthropologie (ARCRA), et Rony Brauman. Un livre recommandé par le CRASH à tous ceux qui s’intéressent aux catastrophes naturelles et aux relations internationales.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/fr/blog/catastrophes-naturelles/les-coulisses-du-monde-des-catastrophes-naturelles-debat-avec-sandrine" rel="tag" title="Les coulisses du monde des catastrophes « naturelles » : débat avec Sandrine Revet et Rony Brauman" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur Les coulisses du monde des catastrophes « naturelles » : débat avec Sandrine Revet et Rony Brauman</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3937" role="article" about="/index.php/fr/publications/camps-refugies-deplaces/refugies-go-home" typeof="schema:Article" class="node node--type-article node--view-mode-teaser"> <span property="schema:name" content="Réfugiés, go home !" class="rdf-meta hidden"></span> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2017-05/MSF30252-women-collect-their-belongings.jpg?h=503b202a&amp;itok=tsToA2r9" width="450" height="300" alt="Deux femmes transportent un matelas et des affaires sur une route" title="Réfugiés, go home" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Dominic Nahr</div> </article> </div> <a href="/index.php/fr/publications/camps-refugies-deplaces/refugies-go-home" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=3937&amp;2=reading_list" token="8BXAoBBvnYGPP9D3N4ohBYZxBBw4-nTLJpHZ4Oi_5d4"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article</div></div><span property="schema:name" class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/index.php/fr/publications/camps-refugies-deplaces/refugies-go-home" hreflang="fr">Réfugiés, go home !</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="1990-04-01T12:00:00Z" class="datetime">01/04/1990</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/rony-brauman" hreflang="fr">Rony Brauman</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Rony Brauman souligne les transformation de la conditions des réfugiés en Europe à la fin de la guerre froide.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/index.php/fr/publications/camps-refugies-deplaces/refugies-go-home" rel="tag" title="Réfugiés, go home !" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur Réfugiés, go home !</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> <section class="field field--name-comment field--type-comment field--label-above comment-wrapper"> <h2 class="title comment-form__title">Ajouter un commentaire</h2> <drupal-render-placeholder callback="comment.lazy_builders:renderForm" arguments="0=node&amp;1=8398&amp;2=comment&amp;3=comment" token="Md3R5r7fSXsPeTJetyLXyxd5egHpaEkpxQdCxlPyZEY"></drupal-render-placeholder> </section> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=8398&amp;2=reading_list" token="_PpxhD_N1Tv4dMdJK5_eupdlvuGcvvRGtE4t0tAoZrA"></drupal-render-placeholder><div class="citation-container"> <div class="field--name-field-citation"> <p> <span>Pour citer ce contenu :</span> <br> Fabrice Weissman, Médecins Sans Frontières doit-elle rejoindre la lutte contre le réchauffement climatique ?, 9 avril 2020, URL : <a href="https://msf-crash.org/index.php/fr/blog/catastrophes-naturelles/medecins-sans-frontieres-doit-elle-rejoindre-la-lutte-contre-le">https://msf-crash.org/index.php/fr/blog/catastrophes-naturelles/medecins-sans-frontieres-doit-elle-rejoindre-la-lutte-contre-le</a> </p> </div> </div> <div class="contribution-container"> <div class="field--name-field-contribution"> <p> <span>Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article,</span> vous pouvez nous retrouver sur Twitter ou directement sur notre site. </p> <a href="/index.php/fr/contribuer?to=8398" class="button">Contribuer</a> </div> </div> <span class="field field--name-title field--type-string field--label-above">Médecins Sans Frontières doit-elle rejoindre la lutte contre le réchauffement climatique ?</span> Thu, 09 Apr 2020 10:57:02 +0000 elba.msf 8398 at https://msf-crash.org Le triage https://msf-crash.org/index.php/fr/blog/medecine-et-sante-publique/le-triage <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-inline clearfix"> <div class="field__label">Date de publication</div> <div class="field__item"><time datetime="2020-04-06T12:00:00Z" class="datetime">06/04/2020</time> </div> </div> <span class="field field--name-uid field--type-entity-reference field--label-hidden"><span lang="" about="/index.php/fr/user/125" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">elba.msf</span></span> <span class="field field--name-created field--type-created field--label-hidden">lun, 04/06/2020 - 10:36</span> <div class="field field--name-field-tags field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/politique-de-triage" hreflang="fr">politique de triage</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/coronavirus" hreflang="fr">Coronavirus</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/catastrophes-naturelles" hreflang="fr">Catastrophes naturelles</a></div> </div> <details class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper"> <summary role="button" aria-expanded="false" aria-pressed="false">Jean-Hervé Bradol &amp; Elba Rahmouni</summary><div class="details-wrapper"> <div class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3222" role="article" about="/index.php/fr/jean-herve-bradol" class="node node--type-person node--view-mode-embed"> <div class="node__content"> <div class="group-person-profil"> <div class="group-person-image-profil"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/profile_image/public/2017-04/DSCF4265.jpg?itok=AmXSIDIp" width="180" height="230" alt="Jean-Hervé Bradol" typeof="foaf:Image" class="image-style-profile-image" /> </div> </div> <div class="group-person-content"> <div class="group-person-firstname-lastname"> <div class="field field--name-field-firstname field--type-string field--label-hidden field__item">Jean-Hervé</div> <div class="field field--name-field-lastname field--type-string field--label-hidden field__item">Bradol</div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field__item"><p>Médecin, diplômé de Médecine tropicale, de Médecine d'urgence et d'épidémiologie médicale. Il est parti pour la première fois en mission avec Médecins sans Frontières en 1989, entreprenant des missions longues en Ouganda, Somalie et Thaïlande. En 1994, il est entré au siège parisien comme responsable de programmes. Entre 1996 et 2000, il a été directeur de la communication, puis directeur des opérations. De mai 2000 à juin 2008, il a été président de la section française de Médecins sans Frontières. De 2000 à 2008, il a été membre du conseil d'administration de MSF USA et de MSF International. Il est l'auteur de plusieurs publications, dont "Innovations médicales en situations humanitaires" (L'Harmattan, 2009) et "Génocide et crimes de masse. L'expérience rwandaise de MSF 1982-1997" (CNRS Editions, 2016).</p> </div> <div class="same-author-link"><a href="/index.php/fr/jean-herve-bradol" class="button">Du même auteur</a> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="5258" role="article" about="/index.php/fr/elba-rahmouni" class="node node--type-person node--view-mode-embed"> <div class="node__content"> <div class="group-person-profil"> <div class="group-person-image-profil"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/profile_image/public/2020-06/IMG_0562%20OK.jpg?itok=EI3BSai1" width="180" height="230" alt="Elba Rahmouni" typeof="foaf:Image" class="image-style-profile-image" /> </div> </div> <div class="group-person-content"> <div class="group-person-firstname-lastname"> <div class="field field--name-field-firstname field--type-string field--label-hidden field__item">Elba</div> <div class="field field--name-field-lastname field--type-string field--label-hidden field__item">Rahmouni</div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field__item"><p><span><span>Chargée de diffusion&nbsp;au CRASH depuis avril 2018, Elba est diplômée d’un master recherche en histoire de la philosophie classique et d’un master professionnel en conseil éditorial et gestion des connaissances numériques. Lors de ses études, elle a travaillé sur des questions de philosophie morale et s’est intéressée notamment à la nécessité pratique et à l’interdiction morale, juridique et politique du mensonge chez Kant. &nbsp;</span></span></p> </div> <div class="same-author-link"><a href="/index.php/fr/elba-rahmouni" class="button">Du même auteur</a> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> </details> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-body field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p><em>Dans des circonstances exceptionnelles où la demande de soins déborde l’offre, comment décider par qui commencer&nbsp;? Le triage est imposé par une demande exceptionnelle qui conduit à l'emploi d'une procédure particulière afin d’établir les priorités. Entretien de Jean-Hervé Bradol réalisé par Elba Rahmouni à partir de l’article <a href="https://www.msf-crash.org/fr/publications/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" target="_blank">«&nbsp;En situation de catastrophe&nbsp;: s’orienter, trier et agir&nbsp;»</a> paru dans l’ouvrage <a href="https://www.puf.com/content/La_m%C3%A9decine_du_tri_Histoire_%C3%A9thique_anthropologie" target="_blank">La médecine du tri. Histoire, éthique, anthropologie</a> sous la direction de Céline Lefève, Guillaume Lachenal et Vinh-Kim Nguyen. &nbsp;</em></p> <p><b><i>1° En quoi consiste la procédure de tri</i></b><b><i>age&nbsp;?&nbsp;</i></b></p> <p>La procédure de triage telle que formulée par l'Organisation mondiale de la santé&nbsp;est la suivante : «&nbsp;Les dits patients doivent être répartis en fonction de la gravité de leurs blessures, et les traitements à leur appliquer doivent être décidés selon les ressources disponibles et les chances de survie. Le principe de sélection sur lequel reposent les décisions à prendre en la matière est celui de l’allocation des ressources pour le plus grand bénéfice sanitaire du plus grand nombre.&nbsp;» En théorie, le triage fait la démonstration mathématique de sa supériorité sur la forme habituelle d’organisation par l’obtention d’une meilleure adaptation quantitative de l’offre à la demande de soins que traduit un nombre de morts moins élevés.</p> <p>Pour le personnel soignant la procédure de triage est une injonction de passer d’une éthique à une autre. La première, celle de l'ordinaire, est présentée comme centrée sur l'intérêt individuel du blessé ou du malade. Lors d'une situation extraordinaire, en raison d'une demande dépassant l'offre d'une manière beaucoup plus forte que d’habitude, le risque perçu est celui de gaspiller les maigres ressources disponibles et un temps précieux en accordant trop d’attention aux cas ayant un trop bon ou, à l’inverse, un trop mauvais pronostic. L’approche éthique alors recommandée est dite utilitariste. L’objectif devient «&nbsp;le plus grand bien pour le plus grand nombre&nbsp;» quitte à sacrifier quelques individus à l’intérêt général.&nbsp;</p> <p>La tension entre les intérêts individuels et l’intérêt collectif est déjà présente en dehors de contextes d’exception dans la routine de l’administration des soins. Mais les événements considérés socialement comme des catastrophes donnent une inhabituelle visibilité à des discriminations dans l’accès au soin d’ordinaire mieux acceptées car noyées dans la banalité du quotidien.</p> <p><b><i>2° D’où vient cette procédure et quelle est son évolution&nbsp;?</i></b></p> <p>La généralisation de l’usage du triage comme la clarification de ses objectifs datent de la première guerre mondiale&nbsp;: trier les blessés pour renvoyer au plus vite dans leur régiment ceux dont l’état de santé le permet et trier pour mieux ordonner les soins dans l'espoir d’éviter le plus grand nombre possible de décès et de déficits fonctionnels sévères parmi ceux qui demeurent à la charge du service de santé. Depuis la première guerre mondiale, les usages du triage se sont diversifiés et étendus.&nbsp;</p> <p>Le triage est aujourd’hui le plus souvent employé en dehors de son contexte de naissance&nbsp;: les guerres dites de position comme la première guerre mondiale. Il a trouvé une place dans la réponse aux cataclysmes naturels, aux épidémies et aux famines&nbsp;et dans la gestion de situations de rareté des ressources plus banales, comme lors de la sélection des patients en salle d'attente d’un service d’urgence ou la sélection des patients pour l’admission en service de soins intensifs.</p> <p><b><i>3° A qui s’applique la procédure de triage ?</i></b></p> <p>Dans l’intention d’être efficace à l’échelle collective et d’être équitable avec les individus, le triage est censé s’appliquer à tous selon les mêmes critères médicaux et sanitaires uniquement. Cependant, l’idée de considérer comme <i>a priori</i> égaux les individus lors de la procédure de triage et de ne les distinguer les uns des autres que selon un tout petit nombre de critères médicaux définis possède des limites médicales. Par exemple, les conséquences d’un traumatisme thoracique sont différentes selon qu’il survient chez un patient auparavant sain ou chez un patient atteint d’insuffisance respiratoire chronique.</p> <p>Au-delà des limites médicales, d’autres critères rentrent en ligne de compte. La règle d’une équitable répartition des soins entre individus souffre d’exceptions légitimes. Par exemple, il faut reconnaître que ne pas privilégier l’accès aux soins de certains dirigeants de la société amplifierait la catastrophe et les troubles sociaux qui l’accompagnent.</p> <p>Plus préoccupant, quand les circonstances s’y prêtent, les secours peuvent être aussi détournés au profit d’intérêts partisans, par exemple ceux d’éventuels belligérants ou ceux d’une clientèle politique. Des intérêts économiques particuliers peuvent également prévaloir, ceux de profiteurs de guerre dans un contexte de conflit armé ou plus généralement ceux d’escrocs, à l’extérieur comme à l’intérieur des organismes d’aide, pour qui une catastrophe constitue surtout l’opportunité de faire de bonnes affaires.&nbsp;</p> <p>Des phénomènes beaucoup plus communs sont également à l’œuvre. Par exemple, en France, malgré l’existence de critères médicaux précis, la demande d’admission en unité de soins intensifs a moins de chances d’être satisfaite si elle est formulée au téléphone et non à l’occasion d’un contact physique direct, de même si elle survient durant certaines plages horaires journalières. La sélection des patients relève en réalité souvent des motifs ordinaires de discrimination en usage dans la société qui sont puisés dans un registre à la fois classique et renouvelable à l’infini&nbsp;: la langue, le style de vie…&nbsp;</p> <p><b><i>4° Comment s’applique-t-elle&nbsp;?</i></b>&nbsp;</p> <p>Dans l'idéal de la médecine de catastrophe, après celui d’un traitement équitable des individus, le deuxième postulat avancé&nbsp;est celui de l’existence d’un petit nombre de causes à l’origine d’un nombre inhabituel de cas du même type qui différent par leur gravité. L’espoir que l’offre de soins puisse être rapidement ajustée à la demande repose sur le fait que le petit nombre de mécanismes rendra possible une simplification des prises en charge favorisant un déploiement rapide et massif des secours. Le retour d'un équilibre entre demande et offre de soins s'obtient au prix de la réduction de la diversité des tableaux cliniques à un petit nombre de catégories en fonction de la gravité, deux à cinq le plus souvent selon les différents systèmes de triage.&nbsp;</p> <p>Pourtant, dans la réalité l’idée du petit nombre de causes montre des limites. Par exemple, deux patients atteints d’une blessure par balle dans la même partie du corps, peuvent présenter des paramètres identiques au moment précis du tri, selon les quelques critères retenus pour décider en une minute de l’orientation du patient, alors qu’en réalité leurs pronostics sont très différents. Ils sont fonction des différents organes touchés par le projectile lors de son trajet à l’intérieur du corps. Un réel examen clinique permettrait de les distinguer mais le temps manque pour l’effectuer selon les modalités habituelles.</p> <p>Les protocoles de réponse aux catastrophes derrière leur apparente rationalité reposent en bonne partie sur des raisonnements déduits de connaissances physiologiques et sur des savoir-faire cliniques acquis par la pratique. Quand, en dépit de la précarité des circonstances, des études scientifiques sont réalisées, leurs résultats exposent les limites pratiques des procédures de triage. Si les ressources disponibles sont encore relativement importantes, le professionnel en charge du tri aura tendance à vouloir éviter de léser l’individu devant lui à un moment donné. La tentation est alors d’accorder trop souvent la priorité à des cas dont la prise en charge pourrait être différée selon une application rigoureuse des critères. Si, à l’inverse, les ressources sont très réduites, la volonté de protéger les intérêts de la collectivité prend l’ascendant. Le risque devient alors d’écarter des patients qui auraient pu être sauvés s’ils avaient été jugés prioritaires.&nbsp;</p> <p>Le rationnement des soins au profit de certains et au détriment d'autres est souvent présenté dans la littérature comme étant à la source de dilemmes éthiques importants. L’exemple le plus souvent exposé concerne le choix, lors des afflux massif de blessés ou de malades, de ne pas tenter de modifier le pronostic vital de ceux jugés trop gravement atteints. Leur prise en charge est réduite à un traitement palliatif afin que la fin de leur vie soit la moins douloureuse possible. En réalité, le pronostic vital des agonisants déjà mauvais en temps normal devient effroyable lors d’une catastrophe en raison de la précarité des conditions de vie et de soin. Lors de la prise en charge médicale de ce type de patients, l’angoisse du soignant relève plus de la difficulté à accepter sa propre impuissance face à l’ampleur de la catastrophe que du cruel exercice d’un pouvoir de vie et de mort lors du triage.</p> <p><b><i>5° Comment faire accepter cette procédure&nbsp;?&nbsp;</i></b></p> <p>L’explication donnée par les soignants pour justifier les choix du triage est formulée en des termes qui soulignent que tout le monde sera traité non de la même façon mais d'une façon qui conduise à diminuer au mieux le nombre de décès à l’échelle de la population. Penser recevable une telle justification par un individu en détresse repose sur l’hypothèse qu'il prendra son mal en patience pour le bien du plus grand nombre. L'expérience montre que l'invocation de l'intérêt collectif ne peut toujours suffire à calmer des personnes en situation précaire et leurs proches. Un usage, au mieux dissuasif, de la force est souvent inévitable, par exemple afin d’empêcher que la pharmacie ou l'entrepôt de nourriture ne soient pillés par une foule en colère privée des biens essentiels à sa survie.&nbsp;</p> <p>En ce sens, la réussite d’une urgence est surtout celle d’une mobilisation sociale et politique exceptionnelle capable de produire un consensus en matière de répartition de l’aide et des soins de façon à prévenir des troubles sociaux et politiques trop importants. Ainsi le triage se révèle pour ce qu’il est avant tout&nbsp;: l’étape essentielle d’une opération de rationnement et de maintien de l’ordre. Compris comme l'affirmation d'une nouvelle norme sociale de répartition de ressources devenues plus rares, le triage trouve alors son sens et son utilité.</p> <p>Chaque opération porte la marque d'une ou d’un petit nombre de personnalités qui ont régulé la distribution des secours et des soins. Ce rôle est rempli au mieux quand elles gardent à l’esprit que le triage n’est pas seulement une technique mais également le passage, pour le meilleur et pour le pire, d’une norme de justice distributive à une autre. La nouvelle norme n’est pas là pour être suivie aveuglément mais pour servir de balise à la création d'une politique des secours à chaque fois originale afin de répondre au mieux à une situation d’exception et aux besoins toujours singuliers de ses victimes.</p> </div> <div class="height-computed field field--name-field-related-content field--type-entity-reference field--label-above"> <div class="field__label">Publications associées</div> <div class="field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="8367" role="article" about="/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" typeof="schema:Article" class="node node--type-article node--view-mode-teaser"> <span property="schema:name" content="En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir" class="rdf-meta hidden"></span> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2020-04/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202020-04-06%20a%CC%80%2010.56.08.png?h=1435dbd5&amp;itok=sQWAT2UK" width="450" height="300" alt="La Médecine du tri" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Puf</div> </article> </div> <a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=8367&amp;2=reading_list" token="BMkb27TVU9teHJT1vGpnPbjpZB3SXbw4DoRU_clM-tw"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article</div></div><span property="schema:name" class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" hreflang="fr">En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2020-04-03T12:00:00Z" class="datetime">03/04/2020</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/fr/jean-herve-bradol" hreflang="fr">Jean-Hervé Bradol</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Le 12 janvier 2010, un séisme de forte magnitude entraîna l’effondrement de nombreux édifices dans l’agglomération de Port au Prince, Haïti. Les chutes de blocs de béton provoquèrent des dizaines de milliers de morts et de blessés. Les répliques sismiques, les prévisions de certains sismologues et les rumeurs publiques alimentaient la crainte de la répétition du cataclysme. La maison, l’école, l’église, l’hôpital, les locaux professionnels, tous ces lieux qui abritaient les habitants de la capitale et leurs principales activités étaient devenus des pièges mortels et une menace permanente. </p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir" rel="tag" title="En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3645" role="article" about="/index.php/fr/blog/acteurs-et-pratiques-humanitaires/de-la-necessite-du-triage-en-haiti" class="node node--type-blog-post node--view-mode-teaser"> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2017-05/MSF43272-Sick-woman-haiti.jpg?h=f87d35db&amp;itok=DzwwATOy" width="450" height="300" alt="Une femme portant un masque se fait ausculter" title="De la nécessité du triage en Haïti" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Bruno Stevens</div> </article> </div> <a href="/index.php/fr/blog/acteurs-et-pratiques-humanitaires/de-la-necessite-du-triage-en-haiti" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=3645&amp;2=reading_list" token="LHsHxjtopaw196zglK4QGieHqngVRKeGgpUElHuNYPw"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article de blog</div></div><span class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/index.php/fr/blog/acteurs-et-pratiques-humanitaires/de-la-necessite-du-triage-en-haiti" hreflang="fr">De la nécessité du triage en Haïti</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2010-01-28T12:00:00Z" class="datetime">28/01/2010</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/fabrice-weissman" hreflang="fr">Fabrice Weissman</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Le gouvernement suisse a-t-il sauvé des vies en refusant d'envoyer son corps de secouristes en Haïti ? Oui répond Nicolas Borsinger de la Fondation Pro-Victimis dans une tribune publiée par Le Temps.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/index.php/fr/blog/acteurs-et-pratiques-humanitaires/de-la-necessite-du-triage-en-haiti" rel="tag" title="De la nécessité du triage en Haïti" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur De la nécessité du triage en Haïti</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3649" role="article" about="/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-haiti-laide-humanitaire-doit-dabord-sadosser-aux" class="node node--type-tribune node--view-mode-teaser"> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2017-05/MSF176951-Hurricane%20Matthew.JPG?itok=4o7dwvoj" width="450" height="300" alt="Haïti dévastée par l&#039;ouragan Matthew " title="En Haïti, l’aide humanitaire doit d’abord s’adosser aux solidarités locales" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Andrew McConnell/Panos Pictures</div> </article> </div> <a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-haiti-laide-humanitaire-doit-dabord-sadosser-aux" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=3649&amp;2=reading_list" token="Nwo31vxx7jtvtvbAVYzahW0lIObobiDKDk0oDZvB7mA"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Tribune</div></div><span class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-haiti-laide-humanitaire-doit-dabord-sadosser-aux" hreflang="fr">En Haïti, l’aide humanitaire doit d’abord s’adosser aux solidarités locales</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2010-01-20T12:00:00Z" class="datetime">20/01/2010</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/fr/rony-brauman" hreflang="fr">Rony Brauman</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Aucun pays ne serait en mesure de faire face à un désastre tel que le séisme qui a dévasté Port-au-Prince et sa région. Nous n'avons pas à ce jour l'ensemble des informations ni le recul pour en évaluer l'impact mais nous savons déjà qu'il se classe parmi les grandes catastrophes de ces cent dernières années.</p> </div> <div class="node__links"> <ul class="links inline"><li class="node-readmore"><a href="/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-haiti-laide-humanitaire-doit-dabord-sadosser-aux" rel="tag" title="En Haïti, l’aide humanitaire doit d’abord s’adosser aux solidarités locales" hreflang="fr">Lire la suite <span class="visually-hidden">sur En Haïti, l’aide humanitaire doit d’abord s’adosser aux solidarités locales</span></a></li></ul> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> <section class="field field--name-comment field--type-comment field--label-above comment-wrapper"> <h2 class="title comment-form__title">Ajouter un commentaire</h2> <drupal-render-placeholder callback="comment.lazy_builders:renderForm" arguments="0=node&amp;1=8393&amp;2=comment&amp;3=comment" token="HjWok2-EIj-TFDgI74LjUWwAtvGWcAxvcfZEPUVUnZ4"></drupal-render-placeholder> </section> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=8393&amp;2=reading_list" token="3NLAvvSmA14a6cwc3x-Y_7IwSHZ1-_lSZU1013jfDJY"></drupal-render-placeholder><div class="citation-container"> <div class="field--name-field-citation"> <p> <span>Pour citer ce contenu :</span> <br> Jean-Hervé Bradol, Elba Rahmouni, Le triage, 6 avril 2020, URL : <a href="https://msf-crash.org/index.php/fr/blog/medecine-et-sante-publique/le-triage">https://msf-crash.org/index.php/fr/blog/medecine-et-sante-publique/le-triage</a> </p> </div> </div> <div class="contribution-container"> <div class="field--name-field-contribution"> <p> <span>Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article,</span> vous pouvez nous retrouver sur Twitter ou directement sur notre site. </p> <a href="/index.php/fr/contribuer?to=8393" class="button">Contribuer</a> </div> </div> <span class="field field--name-title field--type-string field--label-above">Le triage</span> Mon, 06 Apr 2020 08:36:54 +0000 elba.msf 8393 at https://msf-crash.org En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir https://msf-crash.org/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-inline clearfix"> <div class="field__label">Date de publication</div> <div class="field__item"><time datetime="2020-04-03T12:00:00Z" class="datetime">03/04/2020</time> </div> </div> <span rel="schema:author" class="field field--name-uid field--type-entity-reference field--label-hidden"><span lang="" about="/index.php/fr/user/125" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">elba.msf</span></span> <span property="schema:dateCreated" content="2020-04-03T14:25:22+00:00" class="field field--name-created field--type-created field--label-hidden">ven, 04/03/2020 - 16:25</span> <div class="field field--name-field-tags field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/catastrophes-naturelles" property="schema:about" hreflang="fr">Catastrophes naturelles</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/politique-de-triage" property="schema:about" hreflang="fr">politique de triage</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/tags/sante-communautaire" property="schema:about" hreflang="fr">santé communautaire</a></div> </div> <details class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper"> <summary role="button" aria-expanded="false" aria-pressed="false">Jean-Hervé Bradol</summary><div class="details-wrapper"> <div class="field--type-entity-person js-form-wrapper form-wrapper field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="3222" role="article" about="/index.php/fr/jean-herve-bradol" class="node node--type-person node--view-mode-embed"> <div class="node__content"> <div class="group-person-profil"> <div class="group-person-image-profil"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/profile_image/public/2017-04/DSCF4265.jpg?itok=AmXSIDIp" width="180" height="230" alt="Jean-Hervé Bradol" typeof="foaf:Image" class="image-style-profile-image" /> </div> </div> <div class="group-person-content"> <div class="group-person-firstname-lastname"> <div class="field field--name-field-firstname field--type-string field--label-hidden field__item">Jean-Hervé</div> <div class="field field--name-field-lastname field--type-string field--label-hidden field__item">Bradol</div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field__item"><p>Médecin, diplômé de Médecine tropicale, de Médecine d'urgence et d'épidémiologie médicale. Il est parti pour la première fois en mission avec Médecins sans Frontières en 1989, entreprenant des missions longues en Ouganda, Somalie et Thaïlande. En 1994, il est entré au siège parisien comme responsable de programmes. Entre 1996 et 2000, il a été directeur de la communication, puis directeur des opérations. De mai 2000 à juin 2008, il a été président de la section française de Médecins sans Frontières. De 2000 à 2008, il a été membre du conseil d'administration de MSF USA et de MSF International. Il est l'auteur de plusieurs publications, dont "Innovations médicales en situations humanitaires" (L'Harmattan, 2009) et "Génocide et crimes de masse. L'expérience rwandaise de MSF 1982-1997" (CNRS Editions, 2016).</p> </div> <div class="same-author-link"><a href="/index.php/fr/jean-herve-bradol" class="button">Du même auteur</a> </div> </div> </div> </article> </div> </div> </div> </details> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-body field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p><i>Article initialement paru dans l’ouvrage </i><a href="https://www.puf.com/content/La_m%C3%A9decine_du_tri_Histoire_%C3%A9thique_anthropologie" target="_blank">La médecine du tri. Histoire, éthique, anthropologie</a><i> sous la direction de Céline Lefève, Guillaume Lachenal et Vinh-Kim Nguyen.  </i></p> <p><em>Le 12 janvier 2010, un séisme de forte magnitude entraîna l’effondrement de nombreux édifices dans l’agglomération de Port au Prince, Haïti. Les chutes de blocs de béton provoquèrent des dizaines de milliers de morts et de blessés. Les répliques sismiques, les prévisions de certains sismologues et les rumeurs publiques alimentaient la crainte de la répétition du cataclysme. La maison, l’école, l’église, l’hôpital, les locaux professionnels, tous ces lieux qui abritaient les habitants de la capitale et leurs principales activités étaient devenus des pièges mortels et une menace permanente. </em></p> <p>Pour l’équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) travaillant dans la clinique de la Trinité, la première urgence fut d’abord de s’extraire des bâtiments avant d’être ensevelie et d’aider les patients hospitalisés à faire de même. Les deux étages supérieurs de la clinique s’étaient écrasés sur le rez-de-chaussée. Le nombre de personnes disparues sous les décombres était estimé à une dizaine. Un anesthésiste, un agent d’entretien et un chirurgien comptaient parmi les morts. Certains demeuraient coincés dans les décombres pendant plusieurs heures avant d’être dégagés. Il était parfois possible de communiquer avec eux et des tuyaux furent glissés  par des interstices pour les ravitailler en eau. D’autres encore en vie après quelques heures agonisaient sous les gravas. Dans le même temps, l’équipe produisit un premier bilan de sa situation et demanda du renfort au siège de l’association. Dans toute la ville, des dizaines de milliers de blessés tentaient de sortir des ruines avec l’aide de leurs proches et d’atteindre un hôpital encore fonctionnel. </p> <p>C’est ainsi que les 13 premiers jours, l’équipe de la Trinité prit en charge plusieurs centaines de blessés couchés à même le sol<span class="annotation">Observations recueillies par l'auteur, membre de l'équipe de renfort à cette mission. </span> dans la rue ou dans le jardin d’une villa servant auparavant de pharmacie, de local administratif et d’entrepôt. Les interventions chirurgicales étaient pratiquées dans un container métallique rapidement aménagé à cette fin. Dans ces circonstances exceptionnelles où la demande de soins explose et l’offre s’effondre, comment décider par qui commencer ? Pour répondre à cette question, les sociétés savantes et les autorités sanitaires recommandent l’usage d’une procédure empruntée à la médecine militaire : le triage. Dans l’esprit de cette procédure, un chirurgien et un médecin anesthésiste triaient les blessés de la Trinité sous la supervision du médecin directeur de la clinique. Sans utiliser l’un des protocoles standardisés, ils respectaient l'esprit de la procédure de triage telle que formulée par l'Organisation mondiale de la santé :<span class="annotation">Groupe de travail sur les situations d’urgence – Maladies transmissibles, Maladies transmissibles : surveillance et action, Bureau régional OMS des Amériques, Bureau de l’OMS en Haïti,<i> Évaluation des risques pour la santé publique et interventions. Séisme : Haïti</i>, janvier 2010, p. 14<br /> Pan American Health Organization. Pan American Sanitary Bureau, Regional Office of the World Health Organization, <i>Establishing a mass casualty management system</i>, Washington, D.C., 2001</span>« Les dits patients doivent être répartis en fonction de la gravité de leurs blessures, et les traitements à leur appliquer doivent être décidés selon les ressources disponibles et les chances de survie. Le principe de sélection sur lequel reposent les décisions à prendre en la matière est celui de l’allocation des ressources pour le plus grand bénéfice sanitaire du plus grand nombre. » Selon cette recommandation de l'OMS, l'équipe médicale chargée du triage définissaient la gravité et donc l’ordre de passage de chaque cas au bloc opératoire à partir de critères habituels (lésions constatées, fréquence respiratoire, temps de recoloration cutanée, fréquence cardiaque, tension artérielle, coloration des conjonctives, état de conscience, température). Une fiche était remplie et donnée au patient ou à un accompagnant. Le blessé était enregistré et hospitalisé sous l’un des abris de fortune réalisés à partir de bâches en plastique. Une équipe de techniciens veillait à ce qu’un générateur fournisse l’électricité et à ce qu’un un camion citerne amène l’eau. Un restaurateur apportait les repas. Le nombre d’interventions chirurgicales augmentait de jour en jour. Aux nouveaux cas continuant d'arriver s’ajoutaient les blessés déjà opérés ayant besoin de passer une nouvelle fois au bloc, ne serait-ce que pour refaire leur pansement dans des conditions de propreté et avec un traitement antalgique suffisant. Pour satisfaire ces multiples demandes, le bloc opératoire devait sans cesse améliorer ses performances. L’ordre de passage des blessés au bloc était établi chaque matin et revu tout au long de la journée selon les arrivées de nouveaux cas. Les 13 premiers jours, 1275 blessés <span class="annotation">Florian Cabanes,<i> Pratique de l’anesthésie réanimation en situation précaire: Analyse d’une mission humanitaire avec MSF à Haïti lors du séisme du 12 Janvier 2010</i>, thèse de médecine / spécialité anesthésie réanimation, Université Paris VI, 15 octobre 2010.</span> ont été accueillis, triés et soignés. Environ 400 interventions chirurgicales ont été effectuées. Pour l’ensemble du pays <span class="annotation">MSF, <i>Haiti earthquake response / Inter-sectional review / Executive report / Synthesis of six specific reviews from 12</i><i><sup>th</sup></i><i> or January to 12 th of April 2010</i>, 2010, Geneva.</span> , du 12 janvier au 30 avril 2010, les équipes MSF, au total 3 400 personnes sur 26 sites, ont effectué 165 543 consultations externes et 5 707  interventions chirurgicales.</p> <p>L’exemple ci-dessus montre bien que le triage est imposé par une demande exceptionnelle qui conduit à l'emploi d'une procédure particulière afin d’établir les priorités. La généralisation de l’usage du terme triage comme la clarification des ses objectifs datent de la première guerre mondiale <span class="annotation">Kennetg V. Iserson and John C. Moskop, <i>Triage in Medicine, Part I : Concept, History, and Types</i>, Annals of Emergency Medicine, Volume 49, no. 3: March 2007.</span>: trier les blessés pour renvoyer au plus vite dans leur régiment ceux dont l’état de santé le permet et trier pour mieux ordonner les soins dans l'espoir d’éviter le plus grand nombre possible de décès et de déficits fonctionnels sévères <span class="annotation">Dans l’objectif de simplifier la présentation, la suite du texte sera centrée sur la réponse à des mortalités inhabituelles. Le même raisonnement s’appliquerait aussi à des déficits fonctionnels n'engageant pas le pronostic vital, par exemple la perte de l’usage d’un œil, d’une main, de la parole ou encore la persistance d’une douleur invalidante…</span>parmi ceux qui demeurent à la charge du service de santé. Depuis la première guerre mondiale, les usages du triage se sont diversifiés et étendus. Le triage est aujourd’hui le plus souvent employé en dehors de son contexte de naissance : les guerres dites de position comme la première guerre mondiale. Il a trouvé une place dans la réponse aux cataclysmes naturels, aux épidémies et aux famines et dans la gestion de situations de rareté des ressources plus banales, comme lors de la sélection des patients en salle d'attente d’un service d’urgence ou la sélection des patients pour l’admission en service de soins intensifs.</p> <p>Ce que ne dit pas l’exemple haïtien présenté plus haut, c’est qu’avant de trier des individus, les responsables des secours sélectionnent des lieux et des situations, donc des populations, qui sont privilégiés par rapport à d’autres dans l’allocation des secours. Dans ces circonstances, les différentes façons de mettre en scène dans l'espace publique le malheur des uns et des autres déterminent autant que les critères médicaux et sanitaires, les populations qui seront servies en premier et celles qui devront attendre, voire se résigner à ne pas recevoir l’aide attendue. Chaque catastrophe se déroule dans un contexte (social, culturel, économique et politique) particulier et évolutif.</p> <p>Cela souligne l’importance pour les responsables de l’organisation des secours d’une qualification précise des lieux, des situations et des populations retenues comme prioritaires. Déclencher à tort les procédures d’urgence dont celle du triage des individus provoquerait une inutile désorganisation des soins aux conséquences médicales et sanitaires négatives. A l’inverse, ne pas déclencher à temps la procédure d’urgence exposerait les centres des soins à un embouteillage paralysant à un moment où le nombre exceptionnel de blessés ou de malades requiert une administration rigoureuse des soins. </p> <p>Ce texte aborde en premier lieu, les questions posées par la sélection des situations puis celles induites par les procédures de triage des individus.</p> <p><b>S’orienter</b></p> <p>Le défi consiste à déclencher une procédure d'urgence à temps, ni trop tôt, ni trop tard. A cette fin, la veille sanitaire cherche à détecter le plus tôt possible des variations importantes, plus ou moins soudaines et évocatrices d’un événement catastrophique. Ce dernier peut se décrire dans trois dimensions. La première est démographique : une population, un nombre de cas et un nombre de morts inhabituels sur un territoire et une période de temps donnés. La deuxième dimension est sociale et politique : l'existence ou non de tensions dans la société au sujet de la prévention et de la réaction à l’événement. La troisième dimension est institutionnelle : le degré de réponse en urgence des pouvoirs publics.</p> <p>Décrites dans ces trois dimensions, il existe une grande variété de catastrophes. Parfois, des événements peu meurtriers induisent des mobilisations sociales et politiques importantes qui entraînent une réponse institutionnelle en urgence démesurée. Par exemple, en France, pendant les années 2009 et 2010, les dépenses effectuées en réponse à l’épidémie de grippe H1N1 ont été importantes, autour de 600 millions d’euros <span class="annotation">Cour des comptes, <i>La politique vaccinale de la France, communication à la commission des affaires sociales du Sénat</i>, Paris, octobre 2012.</span>, alors que les données épidémiologiques n’indiquaient ni une incidence, ni une létalité, ni une mortalité plus élevées que les années précédentes. Très souvent, l’origine de la catastrophe fait l’objet de débats passionnés. L’inondation de la Nouvelle-Orléans (USA) et ses 1 800 victimes<span class="annotation">Richard D. Knabb, Jamie R. Rhome, and Daniel P. Brown, <i>Tropical Cyclone Report Hurricane Katrina 23-30 August 2005</i>, National Hurricane Center, 20 December 2005.</span>sont-elles imputables à une volonté divine, à l’ouragan Katrina ou à des digues mal conçues et mal entretenues ?</p> <p>La durée de certaines catastrophes peut également être déconcertante. Si le terme catastrophe est réservé à des événements de courte durée, certaines situations marquées par de fortes mortalités chroniques ne sont pas retenues comme devant faire l’objet d’une réponse rapide et massive. Par exemple, dans la région de Zinder au Niger, au début des années 2000, en raison des carences alimentaires et de la haute fréquence des infections, la mortalité des enfants de moins de cinq ans était double<span class="annotation">Institut National de la Statistique Ministère de l’Économie et des Finances,<i> Enquête Démographique et de Santé  et à Indicateurs Multiples</i>, Niamey, Niger, 2006.</span> de celle de la capitale, Niamey. Cela ne signait-il pas l’existence d’une catastrophe de longue durée dans cette région du pays ?</p> <p>Dans le but d’éviter les principaux pièges de l’évaluation initiale d’une situation, débuter l’analyse des catastrophes sous l'angle de l’ampleur des préjudices est un bon point de départ : les morts, les blessés ou les malades et les destructions de biens.<span class="annotation">Les destructions de biens ne seront pas analysées dans ce texte.</span>Cela implique de comprendre ce qu’est une mortalité normale. </p> <p>L’épidémiologie qualifie de normale la mortalité habituelle. En 2011, les taux bruts annuels de mortalité ont varié<span class="annotation"><a href="http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.DYN.CDRT.IN" target="_blank">http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.DYN.CDRT.IN</a></span> selon les pays entre 0,5 (Bahamas) et 1,6 % (Afghanistan). D’un point de vue mnémotechnique, retenir le chiffre de 1 % [0,5 – 1,6] de morts par an comme une estimation de la normale quelle que soit la société est utile pour apprécier rapidement la situation examinée. Ne meurt-on pas plus dans les pays à bas revenu ? Non, le nombre de morts n’est pas forcément plus élevé mais en revanche l’espérance de vie est beaucoup plus courte, notamment du fait d’un grand nombre de décès durant la petite enfance. Dans les pays à haut revenu, l'espérance de vie est beaucoup plus longue, la mortalité des enfants est faible et les personnes âgées constituent la plus grande partie des décès.</p> <img alt="Tableau" data-entity-type="file" data-entity-uuid="b218bd1b-d745-4fba-83c7-1fc4ca6fa4a4" src="/sites/default/files/inline-images/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202020-04-03%20a%CC%80%2016.34.42.png" class="align-center" /><p>Pour que l’événement soit significatif d’un point de vue quantitatif, il faut enregistrer une variation importante (multiplication par 2, voire beaucoup plus) de la mortalité en comparaison de la normale. Pour un suivi serré de la mortalité dans l’intention de la corriger le plus tôt possible, un indicateur journalier est utilisé : le nombre de morts pour une population de 10 000 personnes par jour (1 % par an = 10 pour 1000 par an = 0,27 pour 10 000 personnes par jour). Un doublement du taux brut de mortalité journalier, par exemple pendant une semaine devrait au minimum déclencher une investigation. Pour les Centers for Disease Control<i><span class="annotation">Interpreting and using mortality data in humanitarian emergencies. A primer for non-epidemiologists, <span style="font-size: 1.5rem;">Francesco Checchi and Les Roberts, Overseas Development Institute / Humanitarian Practice Network, network paper number 52, September 2005, London, p. 7.</span></span></i> (CDC, USA), en temps normal, il ne devrait pas dépasser 0,5 pour 10 000 par jour (1,8 % par an) et quand il atteint 1 pour 10 000 personnes et par jour (3,6 % par an), déclencher une procédure exceptionnelle (une urgence) pour diminuer au plus vite le nombre de morts devient impératif. Avoir les yeux rivés sur les chiffres ne garantit pas une réaction suffisamment rapide. La veille sanitaire doit être aussi qualitative et produire une alerte dès le premier cas clinique d’une pathologie à forte létalité induite par un mécanisme susceptible de produire un très grand nombre de cas, par exemple dès l’arrivée du premier blessé venant d’un quartier bombardé ou dès le diagnostic du premier cas de choléra.</p> <p>Comprendre le contexte avant de se décider à agir nécessite de connaître non seulement l'état de la mortalité à un instant donné mais surtout d'en saisir la dynamique dans le temps. En effet, secourir en situation de catastrophe est une course contre la montre démarrée en général avec retard. A quel moment de l’histoire, l’opération de secours se profile-t-elle ? Au début quand tout est encore possible ? Ou au contraire, après que le pic du nombre de morts a déjà été atteint. Une mortalité basse peut indiquer qu’il est déjà trop tard pour espérer qu’une intervention en urgence sauve de nombreuses vies. La normalisation du nombre de décès s’est produite dans ce cas tout simplement en raison de la disparition récente d’une grande partie des individus les plus fragiles. </p> <p>L’évolution de la mortalité<span class="annotation">Mzia Turashvili and David Crémoux,<i> Review of the OCA Emergency Intervention in Liben, Ethiopia. Evaluation report, </i> <i>September 19</i><i><sup>th</sup></i><i> to November 15</i><i><sup>th</sup></i>, Vienna evaluation unit, MSF internal report, 2012.</span> parmi les réfugiés somaliens du camp de Kobe, Liben, Éthiopie, en 2011, est un exemple de ce type de situation où la normalisation se produit surtout en raison d’une saignée démographique et beaucoup moins en raison de l’impact des secours. La population était affaiblie par le manque de nourriture et les infections. Une épidémie de rougeole était très meurtrière parmi les jeunes enfants dénutris. Pendant des mois, les secours furent limités par l’administration éthiopienne. Quand, en novembre 2011, les organismes d’aide internationaux dont MSF<span class="annotation"><a href="http://www.msf.org/article/ethiopia-surge-number-somali-refugees-demands-increased-capacity" target="_blank">http://www.msf.org/article/ethiopia-surge-number-somali-refugees-demands-increased-capacity</a></span> se décidèrent à protester publiquement, plus de 1 200 personnes sur une population de 25 000 réfugiés (4,8 % en 3 mois : juin, juillet et septembre) étaient déjà mortes. A la suite de ce plaidoyer, de nouvelles facilités furent accordées aux organismes d’aide par l’administration éthiopienne mais la mortalité était déjà redevenue à la normale depuis le début du mois d’octobre.</p> <img alt="Taux hebdomadaires de mortalité, camp de réfugiés de Kobe, Éthiopie, 2011 " data-entity-type="file" data-entity-uuid="8ee00378-4707-4d6e-affe-481deaae35c6" src="/sites/default/files/inline-images/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202020-04-03%20a%CC%80%2016.34.29.png" class="align-center" /><p>Les données de mortalité s’obtiennent par la visite des cimetières, la consultation des registres des pompes funèbres, de ceux de l'état civil et de ceux des institutions sanitaires ou par une enquête au sein d'un échantillon représentatif de la population. Pour construire un échantillon représentatif, il faut au préalable connaître la taille de la population et sa répartition sur le territoire étudié au moment de l’enquête. Les catastrophes s’accompagnent souvent de variations démographiques soudaines dues à des déplacements de population comme à des mortalités élevées. La signification d'une augmentation des nombres de cas et de morts n’est pas toujours évidente. Il faut distinguer entre, d'une part, une simple augmentation de la taille de la population accompagnée d'une variation proportionnelle des cas et des morts, par exemple à la suite d'un afflux de population et, d'autre part, une aggravation de la catastrophe expliquant les hausses des cas et des morts alors que la population est restée la même. L'estimation de la taille de la population de référence, dénominateur de tout calcul de proportion, est l’information la plus déterminante pour l’interprétation de toutes les autres données et aussi la plus difficile à obtenir et à suivre avec précision. </p> <p>Décider des réponses pertinentes face à une catastrophe demande une compréhension des évolutions de la mortalité mais plusieurs autres éléments sont également déterminants et doivent être définis avec précision : l’événement considéré, le choix de la  population de référence, le territoire et la période de temps pris en compte. En 2003, lors de la canicule en France, les décès en relation avec des températures extérieures élevées n’ont pas été retenus dans un premier temps par les autorités comme une catégorie d’événements devant faire l’objet d’un recueil spécifique d'informations. En cohérence, aucune réponse d’envergure n’a été déclenchée pendant l’accident climatique. La crise sociale et politique qui s’en est suivie a été à la mesure de la couverture médiatique de l’afflux massif de personnes âgées dans les services d’urgence et des 18 000<span class="annotation">Denis Hémon et Eric Jougla,<i> Impact sanitaire de la vague de chaleur d’août 2003 en France. Bilan et perspectives - Octobre 2003</i>. <i>Rapport remis au Ministre de la Santé et de la Protection Sociale</i>. INSERM et Institut National de Veille Sanitaire, Paris, 26 octobre 2004.</span>morts en excès durant la période caniculaire par rapport à la même période lors des années précédentes.</p> <p>Le choix de la population cible est déterminant. Une épidémie de rougeole dans une population d’enfants sans problèmes de santé particuliers est peu meurtrière. Au contraire, une épidémie de rougeole parmi des enfants hospitalisés pour dénutrition sévère peut entraîner une énorme mortalité. Dans ce cas, en raison d’une surmortalité rapportée non à la population générale mais à une sous-population d’enfants hospitalisés, l’impact devient majeur à une échelle limitée au centre de réhabilitation nutritionnelle en question. Le même nombre de morts rapporté à la population totale d’enfants du même âge habitant le territoire couvert par le centre de réhabilitation nutritionnelle intensive pourrait indiquer une faible variation du taux de mortalité. </p> <p>Le choix de la période de temps étudiée est aussi important. Certains phénomènes sont aigus et parfois saisonniers. Si l'analyse dilue la mortalité qu’ils occasionnent dans des périodes de temps beaucoup plus longues, la situation peut paraître normale. Au contraire, dans d’autres exemples, une mortalité élevée en permanence peut faire oublier qu’il s’agit bien d’une catastrophe. Au Botswana, entre 2001 et 2006, en raison de l’impact de l’épidémie à VIH, la mortalité<span class="annotation"><a href="http://www.indexmundi.com/g/g.aspx?v=26&amp;c=bc&amp;l=fr" target="_blank">http://www.indexmundi.com/g/g.aspx?v=26&amp;c=bc&amp;l=fr</a></span>évoluait entre 2,4 et 3,2 % par an. En 2009, elle était revenue autour de 1 %. L’amélioration a été due en bonne partie à une diffusion massive des traitements contre le VIH.</p> <p>Encore faut-il garder à l'esprit que les services de soins ne se contentent pas de répondre aux catastrophes mais que parfois ils les alimentent. Quand les activités médicales et sanitaires se dégradent trop, le mauvais fonctionnement du système de santé devient en lui-même un facteur du risque d'explosion de la mortalité. Dans certains cas, l’impact des dysfonctionnements ne limite pas uniquement à une mauvaise prise en charge des patients et le centre de soins lui-même peut se transformer en un lieu très iatrogène. Un exemple classique de ce type de phénomène est l’utilisation de la même seringue et de la même aiguille pour injecter un traitement à un grand nombre de patients.</p> <p><b>Trier</b></p> <p>Le triage ne s’applique pas seulement à l’afflux de patients dû à la catastrophe. Il s’impose également aux activités de routine pour ne préserver que celles ayant un effet direct sur la mortalité due aux pathologies courantes hors contexte catastrophique. Les autres activités doivent être suspendues afin que les ressources humaines et matérielles puissent être affectées à l'accomplissement des tâches prioritaires pour la survie du plus grand nombre. Par exemple, il faut conserver la possibilité de réaliser une césarienne même après l’arrivée d’une cinquantaine de blessés. Par contre, les chirurgies pour le traitement des cancers peuvent être différées. D’une manière générale, l’objectif est de concentrer les ressources afin d’empêcher l’augmentation du nombre de cas (par exemple évacuer une population exposée à un bombardement, vacciner contre une menace épidémique) et éviter le décès des personnes déjà touchées (opérer des blessés, administrer des traitements antibiotiques lors d'une épidémie). </p> <p>L’efficacité du triage repose sur trois postulats <span class="annotation">Dr Michel Nahon,<i> Les principes généraux de la Médecine de Catastrophe</i>, SAMU de Paris, cours pour la capacité d’aide médicale d’urgence, Université Paris V, Janvier 2011. <br /><a href="http://www.urgences-serveur.fr/img/pdf/princip_cata_s.pdf" target="_blank">http://www.urgences-serveur.fr/IMG/pdf/princip_cata_s.pdf</a></span>utiles et fragiles : l’équité dans le traitement des individus, l’unicité du mécanisme lésionnel en cause et l'adoption d'un comportement standardisé par les soignants. En théorie, le triage fait la démonstration mathématique de sa supériorité sur la forme habituelle d’organisation par l’obtention d’une meilleure adaptation quantitative de l’offre à la demande de soins que traduit un nombre de morts moins élevés. </p> <p>Dans l’intention d’être efficace à l’échelle collective et d’être équitable avec les individus, le triage est censé s’appliquer à tous selon les mêmes critères médicaux et sanitaires. Une présentation idéalisée de cette procédure souligne notamment que la place au sein de la hiérarchie sociale ne sera pas retenue comme un critère déterminant de l’accès aux soins. Le Baron Dominique Jean Larrey a attaché son nom à l’invention du triage pour avoir écrit<span class="annotation">Baron Dominique Jean Larrey, <i>Mémoires de chirurgie militaire et campagnes</i>, Tome IV, J. Smith, Paris, 1817, p. 487.</span>: « Blessés, doivent être pansés sans distinction des grades en raison de la gravité de leurs plaies et de l’importance des opérations qu’elles exigent ». Cette promesse de ne pas prendre en compte la place occupée par le patient dans la société n’est pas toujours aisée à tenir. </p> <p>Un exemple : en août 2012<span class="annotation">Observation de l’auteur lors d’une mission sur le terrain, août 2012.</span>, les services médicaux de la partie d’Alep, en Syrie, contrôlée par l’opposition prennent en charge chaque jour plusieurs centaines de blessés civils et militaires. Les hôpitaux et leurs personnels sont la cible de bombardements de la part de l’ennemi. C’est l’exemple type de la situation exigeant un tri rigoureux des blessés pour ne pas gaspiller les maigres ressources disponibles en les affectant à des cas désespérés. Le blessé est dans un coma profond, avec des difficultés respiratoires. Son hémorragie abdominale n’a pu être contrôlée par la première chirurgie effectuée dans un petit hôpital privé de la ville. Pourtant une  ambulance évacue un blessé en direction de la Turquie alors que ses chances de survie sont des plus faibles. Pour le professionnel, il s’agit d’un cas. Pour son père qui est à son chevet, il s’agit d’un fils. Pour ses frères d’armes, qui l’entourent, fusil en bandoulière, il est un héros. Pour tous, c’est à Allah de décider de son sort. Comment le médecin pouvait-il leur faire comprendre que pour lui toute tentative de réanimation était probablement vouée à l’échec et qu’il serait mieux avisé de réserver les ressources disponibles à des cas au pronostic plus favorable ?</p> <p>Si les critères médicaux et sanitaires du triage ne prévalent pas toujours, alors quels sont ceux qui entrent en ligne de compte ? La règle d’une équitable répartition des soins entre individus souffre d’exceptions légitimes. Par exemple, il faut reconnaître que ne pas privilégier l’accès aux soins de certains dirigeants de la société amplifierait la catastrophe et les troubles sociaux qui l’accompagnent.</p> <p>Plus préoccupant, quand les circonstances s’y prêtent les secours peuvent aussi être aussi détournés au profit d’intérêts partisans, par exemple ceux d’éventuels belligérants ou ceux d’une clientèle politique. Des intérêts économiques particuliers peuvent également prévaloir, ceux de profiteurs de guerre dans un contexte de conflit armé ou plus généralement ceux d’escrocs, à l’extérieur comme à l’intérieur des organismes d’aide, pour qui une catastrophe constitue surtout l’opportunité de faire de bonnes affaires. Mais l’étude<span class="annotation">Garrouste-Orgeas M, Montuclard L, Timsit JF, Reignier J, Desmettre T, Karoubi P, Moreau D, Montesino L, Duguet A, Boussat S, Ede C, Monseau Y, Paule T,Misset B, Carlet J, <i><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15818100" target="_blank">Predictors of intensive care unit refusal in French intensive care units: a multiple-center study</a>, </i>French ADMISSIONREA Study Group, Critical Care Medicine, 2005 April 33(4):750-5.</span>de la sélection des patients à l’admission en service de soins intensifs en temps normal est là pour nous rappeler que des phénomènes beaucoup plus communs sont toujours à l’œuvre. Par exemple, en France, malgré l’existence de critères médicaux précis la demande d’admission en unité de soins intensifs à moins de chances d’être satisfaite si elle est formulée au téléphone et non à l’occasion d’un contact physique direct, de même si elle survient durant certaines plages horaires journalières. </p> <p>En dehors des critères médicaux, des contraintes organisationnelles subies par les soignants et des entreprises de détournements des secours à d’autres fins (militaires, politiques ou économiques), la sélection des patients relève en réalité souvent des motifs ordinaires de discrimination en usage dans la société qui sont puisés dans un registre à la fois classique et renouvelable à l’infini : « … au nom d’un  principe symbolique connu et reconnu par le dominant comme par le dominé, une langue (ou une prononciation), un style de vie (ou une manière de penser, de parler ou d’agir) et, plus généralement, une propriété distinctive, emblème ou stigmate… »<span class="annotation">Pierre Bourdieu,<i> La domination masculine</i>, Seuil, Paris, 1998. p. 8.</span></p> <p>L’idée de considérer comme a priori égaux les individus lors de la procédure de triage et de ne les distinguer les uns des autres que selon un tout petit nombre de critères médicaux définis possède également des limites médicales. Par exemple, les conséquences d’un traumatisme thoracique sont différentes selon qu’il survient chez un patient auparavant sain ou chez un patient atteint d’insuffisance respiratoire chronique.</p> <p>Dans l'idéal de la médecine de catastrophe, après celui d’un traitement équitable des individus, le deuxième postulat avancé est celui de l’existence d’un mécanisme lésionnel unique<span class="annotation">Ou bien d’un tout petit nombre de causes. </span>à l’origine d’un nombre inhabituel de cas du même type qui différent par leur gravité. La mortalité en excès objective la dimension démographique de l’événement et renvoie à un ou à un petit nombre de mécanismes lésionnels donnant lieu à une épidémie (de traumatismes, d’infections, de carences…) en rapport avec le type de la catastrophe. Si ces mécanismes lésionnels particuliers n’existaient pas, la mortalité serait normale.</p> <p>Le retour à une mortalité normale survient si ces mécanismes lésionnels en nombre très limité disparaissent spontanément – ils peuvent aussi être contrôlés par une action préventive – ou si la prise en charge curative des cas permet de leur éviter une issue fatale. L’identification et le tri par ordre de gravité des cas directement en rapport avec l’événement catastrophique est donc au cœur de l’organisation de la réponse en urgence. L’espoir que l’offre de soins puisse être rapidement ajustée à la demande repose sur le fait que le petit nombre de mécanismes lésionnels rendra possible une simplification des prises en charge favorisant un déploiement rapide et massif des secours. L’erreur opérationnelle fréquente est de ne pas relever que la surmortalité est due à un petit nombre de causes et de ne pas concentrer l’effort sur leur prise en charge. Légitime en dehors d’une situation d’exception, une relative dispersion des ressources pour exécuter une multitude de tâches conduit en urgence à l’échec du contrôle de la mortalité tout en produisant l’impression rassurante d’une tentative de répondre à tous les besoins couverts en temps normal.</p> <p>L’idée de l’unicité du mécanisme lésionnel rend possible une préparation rapide et simple des personnels à leur tâche par la diffusion de protocoles de triage aussi succincts que possible : le cas très grave (code noir<span class="annotation">Exemple du protocole de triage START (<a href="http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=simple_triage_and_rapid_treatment&amp;action=edit&amp;redlink=1" target="_blank">Simple Triage And Rapid Treatment</a>) et de son système de codage par couleur des patients des plus graves aux plus bénins : noir, rouge, jaune et vert.</span>, un agonisant ou un mort, une urgence dépassée, non prioritaire), le cas grave (code rouge, une urgence absolue, à traiter en priorité), le cas modéré (code jaune, une urgence relative qui peut attendre quelques temps en fonction des disponibilités) et le cas bénin (code vert, non urgent, qui peut éventuellement être renvoyé dans son foyer).</p> <p>Le retour d'un équilibre entre demande et offre de soins s'obtient au prix de la réduction de la diversité des tableaux cliniques à un petit nombre de catégories en fonction de la gravité, deux à cinq le plus souvent selon les différents systèmes de triage. Pourtant, dans la réalité l’idée de l’unicité du mécanisme lésionnel montre des limites. Par exemple, deux patients atteints d’une blessure par balle dans la même partie du corps, peuvent présenter au moment précis du tri des paramètres identiques selon les quelques critères retenus pour décider en une minute de l’orientation du patient alors qu’en réalité leurs pronostics sont très différents. Ils sont fonction des différents organes touchés par le projectile lors de son trajet à l’intérieur du corps. Un réel examen clinique permettrait de les distinguer mais le temps manque pour l’effectuer selon les modalités habituelles.</p> <p>L’efficacité supposée des interventions (diagnostiques, préventives ou curatives) est la principale justification des procédures de triage. Elle devrait pouvoir être étayée par des études réalisées selon les standards actuels de la médecine fondée sur les niveaux de preuves (<i>evidence based medicine</i>). Or, les situations catastrophiques se prêtent mal à la réalisation d'expérimentations scientifiques. Les protocoles de réponse aux catastrophes derrière leur apparente rationalité reposent en bonne partie sur des raisonnements déduis de connaissances physiologiques et sur des savoir-faire cliniques acquis par la pratique. Quand, en dépit de la précarité des circonstances, des études scientifiques sont néanmoins réalisées, leurs résultats exposent les limites pratiques des procédures de triage.</p> <p>Voici les résultats de l’étude d’un triage effectué parmi les blessés d’une catastrophe ferroviaire (2003) selon le Simple Triage and Rapid Treatment (START) dont l’usage est très répandu aux USA depuis les années quatre-vingt.</p> <img alt="Tableau" data-entity-type="file" data-entity-uuid="74e34f97-c69d-4490-bc2d-cd9109fa2c6e" src="/sites/default/files/inline-images/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202020-04-03%20a%CC%80%2016.44.07.png" class="align-center" /><p>78 blessés ont vu leur ordre de priorité surestimé, 3 ont été sous-estimés. Pour 66 blessés, la catégorie de triage a été confirmée par les données hospitalières. Dans cet exemple, le triage sur le lieu de l’accident ferroviaire a bien permis que les patients étiquetés « rouge » arrivent une heure avant les « jaune » et les « vert » dans les hôpitaux. Mais parmi ces 22 patients étiquetés « rouge » lors du triage sur le terrain, les données hospitalières confirmeront que seuls 2 étaient bien des « rouge ».</p> <p>L’exemple ci-dessus illustre parfaitement que si les ressources disponibles sont encore relativement importantes, le professionnel en charge du tri aura tendance à vouloir éviter de léser l’individu devant lui à un moment donné. La tentation est alors d’accorder trop souvent la priorité à des cas dont la prise en charge pourrait être différée selon une application rigoureuse des critères. </p> <p>Si, à l’inverse, les ressources sont très réduites, la volonté de protéger les intérêts de la collectivité prend l’ascendant. Le risque devient alors d’écarter des patients qui auraient pu être sauvés s’ils avaient été jugés prioritaires. Par exemple<span class="annotation">Observation relevée lors d’une visite de l’auteur sur ce terrain.</span>, en novembre 2012, dans le centre de santé de Konseguela (cercle de Koutiala, Mali), les cas de malnutrition aiguë sont nombreux. Pour l’admission dans le programme de réhabilitation nutritionnelle intensive, le triage s’effectue en utilisant un indice anthropométrique. Il est calculé à partir du poids et de la taille de l’enfant, comparés à ceux d’une population d’enfants de référence dont la croissance a été estimée optimale. Lors de la visite, une discussion survient au sein de l’équipe soignante à propos d’un enfant atteint de marasme qui se voit refuser l’admission. Son rapport poids sur la taille est égal au seuil choisi pour distinguer les cas modérés des sévères dans la malnutrition aiguë. Pour accéder à la filière de soins nutritionnels intensifs réservée aux cas sévères, un indice anthropométrique non pas égal mais strictement inférieur à la valeur seuil retenue est exigé. Pourtant, un rapide coup d’œil à l’enfant, à ses deux frères et quelques questions simples posées à leur mère permettent de comprendre sans utiliser un indice anthropométrique qu’il a grand besoin d’une réhabilitation nutritionnelle intensive. Notons que l’enfant a été écarté des soins à l’aide d’un test diagnostic imparfait<span class="annotation">André Briend, <i>La malnutrition de l’enfant. Des bases physiopathologiques à la prise en charge sur le terrain</i>, cours dispensé dans le cadre de la Chaire Danone 1996, Institut Danone, 1998, p. 35.</span>, l’indice anthropométrique, dont l’usage est justifié en grande partie par des raisons économiques. Nourrir tous les enfants dénutris serait trop coûteux. Pertinent ou non, l’usage de l’indice anthropométrique donne l’impression d’un rationnement des aliments thérapeutiques reposant sur l’usage d’un critère scientifique, le calcul du rapport entre le poids et la taille. Cela peut-il suffire à faire oublier que la décision prise est de donner de la nourriture à un enfant et non à l’autre alors que tous deux n’ont plus que la peau sur les os ?</p> <p><b>Agir</b></p> <p>Le rationnement des soins au profit de certains et au détriment d'autres est souvent présenté dans la littérature comme étant à la source de dilemmes éthiques importants. L’exemple le plus souvent exposé concerne le choix, lors des afflux massif de blessés ou de malades, de ne pas tenter de modifier le pronostic vital de ceux jugés trop gravement atteints. Leur prise en charge est réduite à  un traitement palliatif afin que la fin de leur vie soit la moins douloureuse possible. En réalité, le pronostic vital des agonisants déjà mauvais en temps normal devient effroyable lors d’une catastrophe en raison de la précarité des conditions de vie et de soin. Lors de la prise en charge médicale de ce type de patients, l’angoisse du soignant relève plus de la difficulté à accepter sa propre impuissance face à l’ampleur de la catastrophe que du cruel exercice d’un pouvoir de vie et de mort lors du triage.</p> <p>Au-delà des dilemmes induits par la gestion des patients ayant le plus mauvais pronostic, le plus déconcertant pour le personnel soignant est l'injonction de passer d’une éthique à l’autre. La première, celle de l'ordinaire, est présentée comme centrée sur l'intérêt individuel du blessé ou du malade. Lors d'une situation extraordinaire, en raison d'une demande dépassant l'offre d'une manière beaucoup plus forte que d’habitude, le risque perçu est celui de gaspiller les maigres ressources disponibles et un temps précieux en accordant trop d’attention aux cas ayant un trop bon ou, à l’inverse, un trop mauvais pronostic. L’approche éthique alors recommandée est dite utilitariste. L’objectif devient « le plus grand bien pour le plus grand nombre » quitte à sacrifier quelques individus à l’intérêt général. La tension entre les intérêts individuels et l’intérêt collectif est déjà présente en dehors de contextes d’exception dans la routine de l’administration des soins. Mais les événements considérés socialement comme des catastrophes donnent une inhabituelle visibilité à des discriminations dans l’accès au soin d’ordinaire mieux acceptées car noyées dans la banalité du quotidien.</p> <p>Alors que les demandes sont nombreuses et pressantes, comment empêcher que la distribution parcimonieuse d’une aide réduite à quelques priorités ne provoque trop de tensions, voire des violences ? L’explication donnée par les soignants pour justifier les choix du triage est formulée en des termes qui soulignent que tout le monde sera traité non de la même façon mais d'une façon qui conduise à diminuer au mieux le nombre de décès à l’échelle de la population. Penser recevable une telle justification par un individu en détresse repose sur l’hypothèse qu'il prendra son mal en patience pour le bien du plus grand nombre. L'expérience montre que l'invocation de l'intérêt collectif ne peut toujours suffire à calmer des personnes en situation précaire et leurs proches. Un usage, au mieux dissuasif, de la force est souvent inévitable, par exemple afin d’empêcher que la pharmacie ou l'entrepôt de nourriture ne soient pillés par une foule en colère privée des biens essentiels à sa survie. En ce sens, la réussite d’une urgence est surtout celle d’une mobilisation sociale et politique exceptionnelle capable de produire un consensus en matière de répartition de l’aide et des soins de façon à prévenir des troubles sociaux et politiques trop importants.</p> <p>Ainsi le triage se révèle pour ce qu’il est avant tout : l’étape essentielle d’une opération de rationnement et de maintien de l’ordre. Compris comme l'affirmation d'une nouvelle norme sociale de répartition de ressources devenues plus rares, le triage trouve alors son sens et son utilité : « En toute rigueur une norme n’existe pas, elle joue son rôle qui est de dévaloriser l’existence pour en permettre la correction.»<span class="annotation">G. Canguilhem,<i> Le normal et le pathologique</i>, P.U.F., 2009, p. 41. </span></p> <p>Avant de trier des individus les secouristes orientent la distribution des secours en réponse à certaines situations et à destination de certaines populations. L’analyse des politiques d’aide devient précise quand elle ne se contente pas seulement d’exposer qui en sont les bénéficiaires mais quand elle informe aussi sur ceux qui sont écartés des soins et des secours. Qui sont-ils ? Pourquoi ne sont-ils pas prioritaires et quelles sont les conséquences de ce choix ? Des choix différents étaient-ils possibles ? Quand et comment l’évolution du contexte permettra de mieux les inclure dans les soins ? </p> <p>Chaque opération porte la marque d'une ou d’un petit nombre de personnalités qui ont régulé la distribution des secours et des soins. Ce rôle est rempli au mieux quand elles gardent à l’esprit que le triage n’est pas seulement une technique mais également le passage, pour le meilleur et pour le pire, d’une norme de justice distributive à une autre. La nouvelle norme n’est pas là pour être suivie aveuglément mais pour servir de balise à la création d'une politique des secours à chaque fois originale afin de répondre au mieux à une situation d’exception et aux besoins toujours singuliers de ses victimes.</p> </div> <div class="citation-container"> <div class="field--name-field-citation"> <p> <span>Pour citer ce contenu :</span> <br> Jean-Hervé Bradol, En situation de catastrophe : s’orienter, trier et agir, 3 avril 2020, URL : <a href="https://msf-crash.org/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir">https://msf-crash.org/index.php/fr/publications/catastrophes-naturelles/en-situation-de-catastrophe-sorienter-trier-et-agir</a> </p> </div> </div> <div class="height-computed field field--name-field-related-content field--type-entity-reference field--label-above"> <div class="field__label">Publications associées</div> <div class="field__items"> <div class="field__item"> <article data-history-node-id="8393" role="article" about="/index.php/fr/blog/medecine-et-sante-publique/le-triage" class="node node--type-blog-post node--view-mode-teaser"> <div class="node__content"> <div class="group-teaser-image"> <div class="field field--name-field-teaser-media field--type-entity-reference field--label-hidden field__item"><article class="media media--type-image media--view-mode-teaser"> <div class="field field--name-field-image field--type-image field--label-hidden field__item"> <img src="/sites/default/files/styles/teaser/public/2020-04/MSF311752%28High%29%202.jpg?h=7fca5932&amp;itok=dtYVPK94" width="450" height="300" alt="COVID-19 Project in Mons, Belgium" typeof="foaf:Image" class="image-style-teaser" /> </div> <div class="field field--name-field-copyright field--type-string field--label-hidden field__item">Pablo Garrigos/MSF</div> </article> </div> <a href="/index.php/fr/blog/medecine-et-sante-publique/le-triage" class="main-link"></a> </div> <div class="group-content"> <drupal-render-placeholder callback="flag.link_builder:build" arguments="0=node&amp;1=8393&amp;2=reading_list" token="3NLAvvSmA14a6cwc3x-Y_7IwSHZ1-_lSZU1013jfDJY"></drupal-render-placeholder><div class="bundle-container"><div class="field--name-field-bundle">Article de blog</div></div><span class="field field--name-title field--type-string field--label-hidden"><h3><a href="/index.php/fr/blog/medecine-et-sante-publique/le-triage" hreflang="fr">Le triage</a></h3> </span> <div class="field field--name-field-publish-date field--type-datetime field--label-hidden field__item"><time datetime="2020-04-06T12:00:00Z" class="datetime">06/04/2020</time> </div> <div class="field field--name-field-authors field--type-entity-reference field--label-hidden field__items"> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/jean-herve-bradol" hreflang="fr">Jean-Hervé Bradol</a></div> <div class="field__item"><a href="/index.php/fr/elba-rahmouni" hreflang="fr">Elba Rahmouni</a></div> </div> <div class="clearfix text-formatted field field--name-field-summary field--type-text-long field--label-hidden field__item"><p>Dans des circonstances exceptionnelles où la demande de soins déborde l’offre, comment décider par qui commencer ? 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