A mother who gave birth to her child at the obstetric and newborn care service in Dasht-e-Barchi before it was attacked in 2020.
Analyse

Afghanistan : MSF doit-elle accepter le risque d'assassinats ciblés ?

Fabrice Weissman
Fabrice
Weissman

Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Fabrice Weissman a rejoint Médecins sans Frontières en 1995. Logisticien puis chef de mission, il a travaillé plusieurs années en Afrique subsaharienne (Soudan, Erythrée, Ethiopie, Liberia, Sierra Leone, Guinée, etc), au Kosovo, au Sri Lanka et plus récemment en Syrie. Il est l'auteur de plusieurs articles et ouvrages collectifs sur l'action humanitaire dont "A l'ombre des guerres justes. L'ordre international cannibale et l'action humanitaire" (Paris, Flammarion, 2003), "Agir à tout prix? Négociations humanitaires, l'expérience de Médecins sans Frontières" (Paris, La Découverte, 2011) et "Secourir sans périr. La sécurité humanitaire à l'ère de la gestion des risques" (Paris, Editions du CNRS, 2016).

Une version plus courte de cet article est parue en anglais dans The New Humanitarian le 26 novembre 2020. 

Le massacre du 12 mai 2020 à la maternité soutenue par MSF à Dasht-e-Barchi (Afghanistan)  pose, une fois de plus, la question de nos limites au regard des risques encourus par nos équipes. Quel est le niveau de danger acceptable pour les organisations humanitaires ? Comment fixer des limites ? Pourquoi MSF déciderait-elle de quitter Kaboul mais de rester à Herat, par exemple, ou de quitter l'Afghanistan mais de rester au Niger, au Burkina Faso, au Mali ou en Somalie, où les équipes sont également confrontées à un danger extrême ?

Le massacre du 12 mai 2020 à la maternité soutenue par MSF à Dasht-e-Barchi (Afghanistan)Le 12 mai 2020, la maternité de MSF dans le district de Dasht-e-Barchi à Kaboul a été attaquée ; les assaillants ont tué seize mères dans leur lit, dont cinq étaient sur le point d'accoucher. Neuf autres personnes ont été tuées, dont une sage-femme employée par MSF et deux enfants. https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/18/a-kaboul-nous-refusons-qu-un-massacre-dans-une-maternite-soit-un-risque-ordinaire_6043330_3232.html pose, une fois de plus, la question de nos limites au regard des risques encourus par nos équipes. Quel est le niveau de danger acceptable pour les organisations humanitaires ? Comment fixer des limites ? Pourquoi MSF déciderait-elle de quitter Kaboul mais de rester à Herat, par exemple, ou de quitter l'Afghanistan mais de rester au Niger, au Burkina Faso, au Mali ou en Somalie, où les équipes sont également confrontées à un danger extrême ? MSF-France a une politique spécifique pour guider cette réflexion – à savoir la "Politique de prise de risque et de gestion de la sécurité pour le personnel de MSF OCP", approuvée en 2015 par son conseil d'administration et les sections partenairesLes sections partenaires de MSF sont MSF USA, MSF Japon et MSF Australie. . D'où vient cette politique ? Que dit-elle ? Quelles sont les principales questions et controverses concernant sa mise en œuvre ? Doit-elle être modifiée à la suite des massacres de ces dernières années ? Ce sont les questions que je voudrais aborder, brièvement, en m'appuyant sur les recherches effectuées pour le livre « Secourir sans périr: la sécurité humanitaire à l'ère de la gestion des risques », et plus particulièrement sur le chapitre intitulé « MSF et les débats sur la sécurité. Valorisation du danger, refus du sacrifice et logiques de professionnalisation », par Michaël Neuman, qui a étudié l'évolution des débats sur la sécurité au sein du conseil d'administration de MSF-France de 1971 à 2015. 

Les racines : nous valorisons l'exposition au danger mais nous rejetons le sacrifice et le martyre (1970-80)

L'exposition au danger fait partie de l'identité de MSF depuis sa création en 1971. Ce qui définit MSF, les Médecins Sans Frontières, c'est la volonté de faire face au danger afin d'aider les personnes en détresse. L'aspect intrinsèquement dangereux de la mission de MSF est clairement reconnu dans sa charte, qui consacre l'un de ses quatre paragraphes à la reconnaissance de ce danger :

[En tant que] volontaires, [les Médecins Sans Frontières] mesurent les risques et périls des missions qu'ils accomplissent et ne réclameront pour eux ou leurs ayants droit aucune compensation, autre que celle que l'organisation sera en mesure de leur fournir.

Cependant, dans les années 1970-1980, cette glorification du danger et de l'esprit chevaleresque a été nuancée par un autre principe : le rejet du sacrifice et du martyre. Les membres de MSF sont censés prendre des risques mais revenir en vie. Ils ne sont pas en mission suicide et ils ne sont donc pas censés mourir pour des idéaux humanitaires. En d’autres termes, il n'y a pas de place pour le martyre chez MSF. Les présidents de MSF, dont Bernard Kouchner, l'ont clairement affirmé dans les années 1970 et 1980, puis à nouveau dans les années 1990 et 2000.

Mais comment concilier la glorification du danger et le rejet du sacrifice ? Comment tracer la frontière entre une mission risquée et une mission "trop risquée" ? 

Jusqu'au début des années 1990, ce sont surtout les équipes de terrain qui tracent cette ligne. Les sièges étaient encore très petits et n'avaient aucun moyen de communiquer rapidement avec le terrain (en Afghanistan, par exemple, les lettres étaient transportées à dos d'âne au Pakistan, où elles étaient postées par courrier aérien ; elles mettaient au moins trois semaines pour arriver à destination). Par conséquent, la décision sur le niveau de risque acceptable revenait généralement à l'équipe de terrain et plus particulièrement au "coordinateur" - un poste créé dans les années 1980 dans le cadre des efforts de MSF pour devenir une organisation plus "professionnelle".

Dans les années 80, la forme la plus courante de gestion de la sécurité était « l’intégration » :  les équipes de MSF en Afghanistan, au Tigré, en Érythrée et en Angola déléguaient leur sécurité à des groupes armés, qui étaient responsables de leur protection et de leur approvisionnement logistique. Les incidents étaient déjà nombreux : bombardements aériens, kidnappings et fusillades (Tigré, Tchad, Afghanistan, Ouganda, Somalie, etc.).

Pourtant, malgré le rôle essentiel du terrain, le conseil d'administration a estimé qu'il avait la responsabilité collective de veiller à ce que les missions risquées ne soient pas "trop risquées" pour être sacrifiées. Et, à au moins deux reprises, le conseil a décidé de retirer des équipes (en Ouganda en 1981 et en Iran en 1982) malgré l'opposition des volontaires de terrain qui souhaitaient rester. 

Le tournant des années 90

Pour diverses raisons les années 1990 ont marqué un tournant en termes d'exposition au risque. Tout d'abord, MSF a connu les premiers meurtres de ses volontaires internationaux : au Soudan, en décembre 1989, lorsqu'un avion décollant d'Aweil a été abattu, tuant le pilote (d'Aviation Sans Frontières) et ses trois passagers (deux employés de MSF et un du PAM). Aujourd’hui, nous ne savons toujours pas qui a tiré (le gouvernement ou l'opposition armée, l'Armée populaire de libération du Soudan). Quatre mois plus tard, en Afghanistan, des insurgés ont tué un logisticien de sang-froid dans le cadre d'une dispute entre commandants rivaux. Dans les deux cas, MSF a cessé ses activités. 

Ces meurtres se sont produits dans un contexte marqué par la fin de la guerre froide, où les équipes humanitaires avaient davantage la possibilité de travailler des deux côtés de la ligne de front - ce qui nécessitait plus d'autonomie dans la gestion de la sécurité que les missions transfrontalières clandestines "intégrées". Cette période correspond à l'avènement des téléphones portables par satellite à prix abordable, qui ont permis au siège d'être plus impliqué dans la gestion quotidienne de la sécurité. La première évacuation ordonnée par téléphone depuis Paris a eu lieu en 1992, après une discussion avec une équipe de l'aéroport de Mogadiscio en Somalie qui, aux yeux des responsables parisiens, semblait trop paniquée et désorientée pour rester. Enfin, les années 1990 ont été une période de croissance rapide des ressources humaines de MSF, le nombre de personnel expatrié et national déployé dans les zones de guerre ayant doublé dans la seconde moitié des années 1990.

C'est dans ces conditions que les dirigeants de MSF ont ressenti le besoin de clarifier et de formaliser un cadre de gestion de la sécurité sur le terrain. Une ébauche a été proposée par Rony Brauman, alors président de MSF-France, dans son rapport présidentiel de 1990, qui pour la première fois comportait une section consacrée aux incidents et à la gestion de la sécurité. Les "Règles d'Or" ont été formalisées par la directrice des opérations, alors Brigitte Vasset, sous la forme d'un aide-mémoire (le "Mémo") qui a été inclus dans le guide de log-admin. Ces "Règles d’Or" ont été modifiées en 1992, puis ressuscitées en 2015 par Benoît Leduc, le premier point focal sécurité (SFP) de MSF-France, qui a estimé important, en tant que SFP, de pouvoir se référer à une politique de sécurité actualisée et approuvée par le conseil d'administration. 

Les « règles d'or »

Les règles d'or de 2015 sont une version retravaillée et plus détaillée du Mémo original. Quels sont ses principes fondamentaux ? 

1.    Il n'y a pas d'immunité humanitaire

La première déclaration du Mémo dit qu'"il n'y a pas d'immunité humanitaire". Le plus grand danger est de croire que les acteurs humanitaires sont protégés par leurs principes, leur logo et la qualité de leur travail. Les assassinats en Afghanistan et au Soudan au début des années 1990 ont démontré que le fait d'apporter une aide précieuse à la population et d'être respecté et apprécié par les autorités civiles locales et les patients n'empêchait pas quelqu'un d'abattre un avion de MSF ou d'assassiner un logisticien. Cette règle contredit le discours conventionnel sur l’acceptance, selon lequel faire du bon travail et fournir des soins de qualité de manière impartiale assure automatiquement la protection. 

2.    Notre protection repose principalement sur la compréhension du contexte et sur la capacité de construire un réseau de contacts et de relations

Nous devons comprendre qui nous menace et qui nous protège. Notre sécurité dépend de notre capacité à trouver un (ou des) protecteur(s) ayant un intérêt à assurer notre sécurité, afin de tirer profit de nos actions – les services médicaux et l'assistance matérielle que nous fournissons (soins médicaux aux combattants blessés, circonscription sociale, etc.), l'argent que nous dépensons (pour les salaires, les contrats de location, les dépenses locales, etc. ) notre accès aux médias et notre capacité à présenter les autorités politiques sous un angle plus ou moins positif.

Cela soulève une autre préoccupation : à quel moment les organisations d'aide deviennent-elles plus utiles aux forces militaires qu'à la population ? Nous devons nous assurer que les premiers bénéficiaires de nos interventions sont bien les personnes que nous voulons aider et non les groupes armés qui nous protègent ou nous menacent pour éviter d'être victimes ou complices de mécanismes qui produisent des violences. 

3.    Lorsque l'insécurité est élevée, limitons-nous à des activités de soins curatifs menées par de petites équipes

La troisième règle stipule que le moyen principal de diminuer le risque est de réduire le nombre de personnes exposées (d'où l'appel à des "équipes plus petites" dans les contextes de grande insécurité), et que ces équipes plus petites doivent être engagées dans des opérations de soins avec des résultats cliniques évidents (ne pas prendre de risque pour rien...). Comme pour les deux précédentes, il existe une certaine opposition à cette règle au sein du mouvement MSF. Par exemple, en accord avec le discours apolitique sur l’acceptance, nos collègues en Afghanistan pensent que le fait d'avoir de très grands projets est le moyen le plus sûr d'améliorer notre sécurité ; plus le risque est grand, plus nous devons être grands, afin d'être protégés par la qualité et la taille des services que nous offrons. Cette illusion a été cruellement dissipée par les massacres de KunduzEn 2015, une attaque contre l'hôpital de MSF à Kunduz, en Afghanistan, a tué 42 personnes (dont 14 membres du personnel de MSF) et en a blessé des dizaines d'autres. et de Dasht-e-Barchi. 

4.    Nous ne sommes pas des héros 

Le quatrième principe a réitéré qu'il n'y a pas de place pour le martyre. Contrairement à certaines agences des Nations Unies ou au CICR, qui sont mandatées par les États pour travailler dans des situations de conflit, les ONG comme MSF n'ont pas de mandat. Elles choisissent où travailler et le niveau de risque qu'elles veulent prendre. Et, en ce qui concerne MSF, ses membres ne sont pas censés mourir pour des idées humanitaires. Le sacrifice ne fait pas partie de la déclaration de mission sociale de MSF.

5.    Si nous sommes ciblés, nous partons

La cinquième règle, établie après le mitraillage d'un véhicule clairement identifié comme appartenant à MSF en 1991 au Sri Lanka, affirmait que "si nous, MSF, sommes directement visés, nous partons". En d'autres termes, les membres de MSF sont prêts à affronter le danger d'être touchés accidentellement dans les zones de guerre mais pas celui d'être délibérément ciblés. 

Comment savoir si cela est le cas ? La définition utilisée jusqu'à présent est assez simple : si un groupe armé ou un gouvernement déclare sa volonté de nous mettre en danger et que personne ne peut nous protéger. La situation la plus évidente est lorsque nous avons été délibérément touchés, quelle qu'en soit la raison : parce que nous sommes des "mauvais médecins" jugés responsables de la mort de combattants blessés, des "espions" ou des "apostats" accusés de soutenir les "groupes armés", un "employeur injuste" qui a licencié un membre du personnel vindicatif et puissant, un "sympathisant de groupes terroristes", une "cible de grande valeur" attirant l'attention des médias, une "prime" pour les kidnappeurs, ou même des "dommages collatéraux regrettables mais nécessaires". Une fois qu'un groupe ou un individu pointe une arme sur nous ou démontre d'une autre manière son intention de nous tuer - et que nous ne pouvons pas être protégés - nous franchissons la ligne d’une mission "trop risquée". Cette ligne est définie comme telle par la politique de sécurité actuelle de MSF France : "MSF refuse d'intervenir dans les zones à haut risque sécuritaire où il y a une absence d'autorités avec lesquelles négocier notre sécurité et/ou lorsqu'il est impossible de nous protéger contre des groupes démontrant une hostilité radicale à notre égard". 

Bien sûr, il existe d'autres types de "missions trop risquées" : celles où le risque d'être accidentellement tué par un bombardement aléatoire, une balle perdue, un tir ami, etc. est si élevé que nous décidons d'évacuer également une mission. Ce fut le cas dans le nord du Nigeria en janvier 2018, par exemple, après que l'armée a bombardé sa propre position à Rann, tuant trois sous-traitants de MSF.

6.    Lorsqu'on décide de se retirer, le siège peut contourner la décision du terrain. Le dernier mot revient aux cadres supérieurs et, si nécessaire, au conseil d'administration.

La règle n°6 réaffirme la responsabilité collective de MSF dans la gestion de la sécurité - plus précisément, l'autorité de l'équipe de coordination sur le terrain et l'autorité du siège sur l'équipe de coordination lorsqu'il s'agit de décider de se retirer.  C'est un sujet délicat car il implique que les cadres supérieurs ont le devoir et le pouvoir d'appeler à l'arrêt, c'est-à-dire de bloquer les équipes qui ont un esprit de sacrifice, mais pas de gérer leur exposition au danger au jour le jour.

Controverses

Ces Règles d'Or offrent un cadre de discussion et non un algorithme pour la prise de décision. Leur interprétation et leur mise en œuvre ont toujours déclenché le débat, à commencer par le constat que si l'on est ciblé, on s'en va. 

Au milieu des années 1990, la situation au Burundi a déclenché une discussion animée sur le niveau de risque acceptable. Dans un contexte de violence de masse contre les civils, plus de vingt employés étrangers (du CICR et de MdM, entre autres) ont été tués entre 1995 et 1997. Étant donné que des groupes radicaux ont démontré leur volonté et leur capacité de tuer des acteurs humanitaires internationaux, la question était de savoir si MSF devait rester ou se retirer. 

Une partie du conseil d'administration et du département des opérations était favorable au maintien de MSF. Ils avaient trois arguments : le fait que les auteurs des meurtres n'avaient pas encore ciblé MSF, l'ampleur des besoins et le désir des volontaires sur le terrain de rester, malgré les risques. 

Une autre partie de la direction de MSF n'était pas d'accord. Ils ont fait valoir que les acteurs de l'aide internationale effectuant le même travail que nous dans une région voisine avaient été ciblés et qu'il y avait de bonnes raisons de croire que nous pourrions être les prochains. Ils estimaient que les volontaires désireux de rester étaient animés par un "esprit de sacrifice" qui était incompatible avec notre rejet du martyre. 

Le conseil d'administration a finalement soumis la discussion à un vote favorable (11 pour, 4 contre), tant qu'il y avait des volontaires désireux de rester. Au cours du débat, personne n'a nié le fait que des groupes radicaux avaient démontré la volonté et la capacité de tuer des acteurs humanitaires - et que nous étions donc visés. La discussion a porté sur le fait d'accepter ou non de travailler sous la menace d'assassinats ciblés. La décision de rester était de facto considérée comme une dérogation exceptionnelle à la règle que nous nous étions fixée. En effet, le département des ressources humaines refusait de briefer les volontaires qui partaient pour le Burundi (le directeur des opérations devait le faire). Et le CA restait au courant de la situation, réexaminant sa décision de façon régulière - presque tous les mois - jusqu'à ce qu'un changement de régime au Burundi améliore dans une certaine mesure la situation en matière de sécurité. 

Les termes de ces débats différaient à certains égards de la manière dont la présence de MSF en Afghanistan est actuellement discutée. Les partisans d'une présence continue en Afghanistan affirment que malgré le meurtre délibéré de patients et de personnels de MSF, et l'attentat suicide commis par l'État islamique (IS) sur le complexe de Save the Children en 2018 et sa déclaration annonçant que les acteurs humanitaires sont une cible légitime - "nous ne sommes pas visés" et qu'aucun groupe n'a "manifesté une hostilité radicale à notre égard". Certains cadres supérieurs vont même jusqu'à proposer que nous "saisissions l'occasion" offerte par le massacre de femmes et d'enfants dans la maternité pour tenter de négocier une sorte de protocole d'accord avec l'IS qui nous exempterait de sa politique de meurtre de masse...

Ils affirment également que même si nous sommes ciblés, nous devons rester. Que nous devons considérer le risque d'assassinats ciblés par des groupes radicaux comme la "nouvelle norme" à laquelle nous devons nous adapter ; ce qui implique la révision de nos « Règles d'Or », l'abandon de la menace d'assassinats ciblés et de l'absence d'un protecteur fiable comme seuil de risque excessif.

Ainsi, le débat est progressivement passé de "avons-nous atteint un seuil de tolérance" (sommes-nous ciblés ?) à "devrions-nous franchir la ligne" (devrions-nous exceptionnellement rester malgré le risque d'assassinats ciblés ?) puis à "devrions-nous déplacer la ligne" (devrions-nous considérer la menace d'assassinats ciblés comme une nouvelle norme et la perte de nos collègues comme le prix à payer ?)

Ce changement signale la dérive de MSF vers une acceptation du sacrifice et du martyre, en accord avec ce qui se passe dans le secteur de l'aide au sens large. Comme nous l'avons montré ailleurs, l'une des principales conséquences de la représentation des acteurs humanitaires en héros et de l'adoption d'une "culture de gestion des risques" est de rendre acceptable le nombre croissant de morts, de blessés et de kidnappés. 
 

 

Pour citer ce contenu :
Fabrice Weissman, « Afghanistan : MSF doit-elle accepter le risque d'assassinats ciblés ? », 7 décembre 2020, URL : https://msf-crash.org/fr/blog/acteurs-et-pratiques-humanitaires/afghanistan-msf-doit-elle-accepter-le-risque-dassassinats

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