Un soldat de la MONUC au Kivu, en république démocratique du Congo
Point de vue

"Wargaming humanitaire"

Fabrice Weissman
Fabrice
Weissman

Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Fabrice Weissman a rejoint Médecins sans Frontières en 1995. Logisticien puis chef de mission, il a travaillé plusieurs années en Afrique subsaharienne (Soudan, Erythrée, Ethiopie, Liberia, Sierra Leone, Guinée, etc), au Kosovo, au Sri Lanka et plus récemment en Syrie. Il est l'auteur de plusieurs articles et ouvrages collectifs sur l'action humanitaire dont "A l'ombre des guerres justes. L'ordre international cannibale et l'action humanitaire" (Paris, Flammarion, 2003), "Agir à tout prix? Négociations humanitaires, l'expérience de Médecins sans Frontières" (Paris, La Découverte, 2011) et "Secourir sans périr. La sécurité humanitaire à l'ère de la gestion des risques" (Paris, Editions du CNRS, 2016).

Du Tchad au Darfour en passant par la République Démocratique du Congo, de nombreuses organisations humanitaires militent pour l'envoi de troupes internationales afin de «protéger les populations civiles». Mais que signifie d'un point de vue militaire «protéger une population»?

La question a été posée à un panel de planificateurs militaires américains réunis au sein du « Mass Atrocity Response Operation Project » de l'université d'Harvard. Afin d'évaluer les différentes options militaires auxquels les Etats-Unis pourraient recourir pour protéger des populations exposées à des « atrocités de masse dans un pays d'Afrique sub-saharienne enclavé », ils se sont livrés à un wargaming, une simulation.

Trois solutions ont été retenues à l'issue de l'exercice.

En premier lieu, l'invasion et l'occupation totale du pays, le renversement du régime criminel et l'installation d'un gouvernement provisoire (autrement dit une solution à l'irakienne, qui a leur préférence).
En second lieu, l'occupation partielle du territoire afin de créer des « zones sûres » administrées par les forces internationales où les civils menacés pourront se réfugier.

Enfin, l'évacuation des civils à travers la frontière d'un pays voisin hébergeant des camps de réfugiés sécurisés -dispositif, le moins à même de répondre aux «besoins de protection» selon les planificateurs et qui devrait pouvoir être renforcé rapidement pour mener les deux précédentes missions.

Ces scénarios de «guerre humanitaire» ont le mérite de décrire les implications concrètes de l'usage de la violence militaire pour protéger des populations: envahir et occuper tout ou partie d'un pays et imposer sa souveraineté.

En d'autres termes, protéger des populations ne relève pas du maintien de l'ordre à la manière de forces de police dans un Etat en paix, mais de la création par la violence d'un ordre politique nouveau. De quoi faire réfléchir les humanitaires qui réclament toujours plus de troupes au nom de la «responsabilité de protéger.»

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Pour citer ce contenu :
Fabrice Weissman, « "Wargaming humanitaire" », 19 mars 2010, URL : https://msf-crash.org/fr/blog/acteurs-et-pratiques-humanitaires/wargaming-humanitaire

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