Redistribution à Vakharai
Analyse

Economie de la survie des populations sri lankaises du district de Batticaloa après le Tsunami de 2004

Vladimir
Najman

Responsable de l'évaluation, Vienna Evaluation Unit, Médecins Sans Frontières

Vladimir Najman a une formation d’économiste et de sociologue. Auprès de plusieurs organisations internationales et au sein d’instituts universitaires de recherche, il a analysé les crises financières, les marchés du travail, la pauvreté, les politiques sociales et les politiques macroéconomiques. Avec plusieurs organisations non-gouvernementales, y compris MSF, il a rempli des missions de management et des missions de monitoring et évaluation sur le terrain au Sri-Lanka, en RDC, au Niger, au Nigeria ainsi qu'en Russie.

Trois mois après le tsunami, en mars 2005, je partais en mission avec MSF-France dans l’Est de l’île. La feuille de route que je m’étais dessinée était assez conséquente puisqu’il s’agissait tout à la fois de comprendre comment les populations avaient survécus dans les premiers instants après la catastrophe mais aussi de voir comment la reconstruction et le développement du pays étaient engagés tout en ouvrant un champ d’analyse, celui de l’économie des situations d’urgence. La richesse du matériau récolté sur le terrain, l’hétérogénéité des problématiques et l’ampleur de la tâche m’ont conduit à concentrer l’étude sur la question de la survie des populations. C’est l’objet de ce texte.

Le principal résultat de cette étude est de montrer comment la survie des populations a été assurée, dans les premiers jours qui suivent la catastrophe, par la mobilisation des ressources locales. La morphologie de la catastrophe y est pour beaucoup puisque tout le long de la « tsunami line » une belle surface de solidarité et d’intervention humanitaire s’est immédiatement mise en mouvement. La qualité du service public de santé, la présence de nombreuses ONG et agences de l’ONU au moment de la catastrophe mais surtout les stratégies des populations, bien rodées par deux décennies de conflit, ont été les facteurs essentiels qui font de cette crise un modèle de gestion de l’urgence. Quelques jours après la catastrophe, la survie des populations n’étaient plus en danger et l’incertitude quant à leur devenir réduite.

Cette étude n’aurait pas pu voir le jour sans l’accueil, le soutien et le dialogue dont j’ai pu bénéficier de la part de l’équipe MSF au Sri Lanka comme à Paris. D’un point de vue personnel, cette rencontre est à elle seule une belle avancée.


Section 1 : Le cadre d’analyse et la méthodologie employée

L’examen du cadre d’analyse ainsi que la méthodologie employée pour cette étude sont présentés dans cette première section. Soulignons que notre démarche a toujours été positive et il s’agit avant tout de comprendre comment les populations avaient survécu, en nous munissant d’hypothèses de travail mais sans verser dans l’exercice inapproprié à l’objet d’une évaluation par rapport à un cadre normatif, à un modèle.

L’économie des situations d’urgence : délimitation et enjeux d’un champ d’étude

L’analyse économique est mal à l’aise avec les situations d’urgence qu’elle a tendance à considérer comme des parenthèses, des situations extravagantes et qu’elle exclue de son champ d’étude. Pourtant, lors de ces crises, les populations produisent et échangent, nouent des relations économiques qui, de prime abord, peuvent apparaîtrent inhabituelles mais ne justifient pas cette exclusion. L’objet de notre étude est précisément de s’atteler à cette tâche dont les enjeux sont de taille.

La meilleure compréhension des relations économiques qui se nouent lors des crises permet d’inscrire l’intervention humanitaire dans le tissu économique et social de la région touchée. Cette inscription est double, elle concerne tout d’abord l’articulation entre l’économie prévalente et l’intervention elle-même. Dans quelle mesure l’aide se substitue-t-elle aux producteurs locaux et aux ressources locales (capital, travail...) ? Les économies et les agents deviennent-ils dépendants de l’aide ? La compréhension de l’économie des situations d’urgence permet de formuler et d’apporter des éléments de réponse à de telles questions et de mieux orienter les actions envisagées. L’inscription de l’aide dans le tissu économique permet ensuite de concevoir le volet économique de l’intervention humanitaire comme une intervention choisie et décidée avec les populations. Ainsi une politique de salaires élevés, des programmes de formation mais aussi la mise en place de système de crédit et de paiement sont autant d’exemples qui montrent que même en situation d’urgence, et sans doute plus encore dans ces situations là, l’aide peut dans un même mouvement atteindre plusieurs buts. L’analyse de l’inscription de l’intervention humanitaire dans le tissu économique, envisagée sous ces doubles aspects, est un outil potentiellement puissant pour soutenir les populations et contribuer ainsi à briser une forme de fatalisme économique qui conduit à agir – et de quelles façons – après l’urgence, lorsqu’un certain calme prévaut mais que l’essentiel est sans doute déjà joué.

Mais l’enjeu est aussi de saisir si et comment certains acteurs ont un intérêt économique à voir la situation d’urgence se prolonger ou se répéter. La répartition des ressources se trouve modifiée, les échanges distordus et parfois métamorphosés, de nouveaux acteurs économiques émergent, ces facteurs contribuent à expliquer la durée et la récurrence de certaines crises et agir directement sur ou avec eux c’est agir sur les crises. Dans une précédente étude sur les crises financière, nous avions pu remarquer que lors de telles crises, les agents s’adaptent et changent leurs attitudes pour finir, lorsque la crise se prolonge, à trouver un régime économique de crise. De manière similaire, une crise humanitaire prolongée devient un mode « habituel » de vie soutenu par des formes d’économie devenues standards, les étudier en dehors d’un cadre normatif pré-établit mais sans naïveté permet de mieux saisir la durée et la récurrence des crises, de les mieux comprendre.

L’économie, oui mais en interaction avec les relations sociales

Si ces enjeux militent pour une meilleure connaissance économique des situations d’urgence, deux remarques préalables s’imposent :

Les situations d’urgence se caractérisent par une sur-mortalité des populations civiles et imposent par conséquent d’agir et de penser en considérant l’économie comme une question malgré tout secondaire. Dans le cas du Sri Lanka après le tsunami, la question ne s’est pas posée en ces termes puisque l’urgence a été très vite jugulée et les victimes emportées presque toutes en un seul instant. De surcroît, le « choc » initial est indépendant de la société dans laquelle il s’est produit, il s’agit d’une catastrophe naturelle, cela facilite le travail de l’économiste mais appauvrit la problématique.

L’attention portée aux relations économiques doit veiller à ne pas occulter le rôle du politique dans les situations d’urgence. L’intérêt économique ne l’emporte pas sur les passions politiques et toute la difficulté réside dans la compréhension de leur articulation. Une anecdote illustre à elle seule cette articulation : lors de graves inondations au Cambodge le ministre en charge de cette catastrophe c’est déplacé en personne sur les digues de retenue d’eau pour décider, par l’ouverture de vannes, des villages qui seraient inondés. Entre deux villages, celui acquis au parti au pouvoir a été épargné et l’aide internationale a été mobilisée pour faire face aux conséquences. La captation de l’aide et les objectifs politiques trouvaient dans un même geste leur accomplissement. Une telle limpidité de la relation entre le politique et l’économique est toutefois rare.

Comprendre la nature économique des crises humanitaires impose de se départir des modèles de l’économiste tout en utilisant librement ses outils. Il nous semble stérile d’essayer de comprendre une situation où l’Etat est capturé par des intérêts privés à partir des modèles d’un Etat garant de l’Etat de droit etc. Le modèle économique joue ici comme une norme inadaptée. Léon Walras, co- fondateur des modèles d’équilibre général au cœur des modèles les plus contemporains, notait que son travail revient à proposer une physique sans frottements puis d’évaluer les frottements à partir du modèle. Pour prolonger la métaphore, notre travail consiste à étudier d’emblée les frottements pour éventuellement construire le modèle qui les expliquent partant du postulat assez simple que les affaires humaines ne se réduisent pas à des modèles physiques et qu’elles se déploient tout entière dans les frottements. De même la définition donnée par Schumpeter du champ de l’analyse économique (« l’analyse économique s’arrête là où une cause non économique est trouvée à un phénomène économique ») néglige l’ensemble des inter-relations entre l’économique et les autres domaines des sciences humaines. L’échange, catégorie transversale et commune à toutes ces sciences, est l’objet d’observation approprié à nos efforts de compréhension (il en est aussi, en partie, le sujet)Nous pensons ici en particulier aux analyses de Michel de Foucault..

Découper des relations économiques dans un réel socialement et politiquement construit aboutirait à livrer une compréhension tronquée de la situationVoir sur ce point les analyse de M. Granovetter.. L’économie s’inscrit dans des relations sociales qu’elle contribue à construire et elle ne saurait être le deus ex machina qui, à lui seul, produit et perpétue le réel. La tâche semble alors immense et, pour le Sri Lanka, nous avons circonscrit notre étude à une question bien précise : la survie des populations de la région de Batticaloa dans les jours qui ont suivi le tsunami.

Une méthodologie fondée sur plusieurs axes

La méthodologie employée repose sur plusieurs axes :

Des entretiens semi-directifs réalisés auprès des populations réfugiées dans les camps. Ces entretiens étaient traduits et les questions posées très factuelles. Dans presque tous les cas, les réfugiés se regroupaient pour répondre aux questions et engageaient le débat entre eux sur certaines questions. L’intérêt des entretiens collectifs est immense puisque très vite les questions émergent au sein du groupe et abordent des thèmes inattendus.

Des entretiens semi-directifs avec les membres des ONG, des agences de l’ONU et les représentants des autorités locales ainsi que les personnes ressources qui nous ont été indiquées.

Des observations directes sur les marchés, dans les camps, dans les bureaux etc. L’analyse des documents, notamment statistiques, pertinents pour l’étude. Une contribution au travail de l’équipe MSF sur le terrain. Cet aspect a été particulièrement important car il nous a permis de nous familiariser avec le terrain d’étude et de l’éprouver presque immédiatement.

Dans notre projet initial nous envisagions d’étudier la transition entre l’urgence et la reconstruction/développement. Lors des entretiens, plusieurs questions tournaient autour de cette thématique. Pourtant, on en retrouve peu de trace ici car nous avons rencontré une difficulté de taille : Le fossé entre l’aide d’urgence et la reconstruction voir le développement appel à une analyse multiple assez lourde. Les facteurs institutionnels (stratégies et contraintes des acteurs), politiques (accord sur le partage de l’aide mais aussi rapports de forces entre le gouvernement, le LTTE et les donateurs) et économiques s’entremêlent pour expliquer la relative lenteur de réaction des uns et des autres. Cette analyse constitue un sujet à part entière qui trouve difficilement sa place dans le prolongement de l’étude de la survie des populations (peut être ferra-t-il l’objet d’une analyse séparée).


Section 2 : La mobilisation des ressources locales par les populations pour leur survie dans les instants qui suivent le tsunami

Lorsque au matin du dimanche 26 décembre la première vague du tsunami s’abat sur les côtes du Sri Lanka elle emporte plus de 30.000 vies, pour la plupart instamment. Dans le district de Batticaloa, l’un des plus touché de l’île, plus de trois mille personnes périssent (cf. tableaux 1 et 2) dans une catastrophe qui présente des traits spécifiques :

Elle touche uniquement la bande côtière (tableau 1 et cartes A1 et A2).

Le nombre des blessés est faible et il inférieur au nombre des décès avec en moyenne 0,7 blessés pour un mort (tableau 2). Pour la plupart bénignes, les blessures nécessitent rarement un transfert vers un établissement hospitalierCe constat ressort d’une analyse du fichier mis en place par les ONG pour venir en aide aux sinistrés et des entretiens conduits sur place lors de ma mission. Un document de suivi médical des populations mis en place dès le 28 décembre m’a permis de retrouver la trace de la plupart des soins prodigués ainsi que des déplacements de population d’un camp à l’autre et des besoins exprimés dans les camps (eau potable, sanitaires, soins etc.).. Les conséquences médicales directes du tsunami sont modérées. La plupart des blessures sont vite soignées par des équipes locales ou des ONG présentent dans la région avant, et donc pendant et juste après, le tsunami.

A Batticaloa, la répartition par sexe et âge des morts respecte la structure démographique de la population. Il n’y a pas de surmortalité d’un groupe démographique particulier. En revanche, les victimes se trouvaient tous sur la bande côtière.

Les populations sinistrées représentent une part importante de la population du district étudié. La quasi-totalité des habitants situés sur la bande côtière sont touchés (tableau 3 et 4)Les données statistiques concernant le nombre des sinistrés sont peu fiables, elles fixent toutefois des ordres de grandeur. Des différences existent entre les relevées réalisées par les ONG et les chiffres officiels mais au fil des semaines ces deux sources tendent à converger vers une estimation unique. Le décompte des réfugiés dans un contexte urbain ou semi-urbain pose un délicat problème de catégorisation puisque les camps ne sont pas des univers fermés, les populations circulent entre les camps et l’extérieur (et c’est heureux)..

Cette bande côtière où se concentre l’ensemble des conséquences médicales, sociales et économiques du tsunami sera vite baptisée « tsunami line ». Or, la « tsunami line » s’adosse à une surface de solidarité de bien plus grande superficie. C’est cette surface qui constitue le premier secours dont bénéficient les populations. Les ONG présentent sur place lors de la catastrophe, les autorités locales, gouvernementales et LTTE, participent à la survie des populations et nous décrivons leur rôle respectif. Mais ce sont les populations, en s’appuyant sur l’expérience acquise lors du conflit et des inondations, qui sauront trouver le moyen de transformer une survie incertaine en un présent certes soumis à des aléas mais assez sûr. Elles puisent pour cela dans des ressources locales qu’elles sauront mobiliser. Ces ressources recouvrent aussi bien les ressources économiques que les ressources sociales et les ressources immatérielles telles que l’expérience héritée des conflits et des catastrophes naturelles antérieures.

En revanche, la question des sinistrés se pose de manière aiguë. C’est autour d’elle que se construit la problématique humanitaire de la catastrophe. Leur venir en aide en leur assurant un refuge acceptable et suivre l’évolution de la situation médicale occupent la plupart des acteurs pendant les premiers mois. Ainsi, d’une situation « dramatique » - selon laquelle la survie des populations est posée - nous passons presque immédiatement après le tsunami à une période très sérieuse de gestion des populations sinistrées et à une problématique où la reconstruction, y compris provisoire, devrait prendre le pas.

Notre objet, dans cette section, est de décrire les stratégies de survie des populations dans les touts premiers instants qui suivent le tsunami. Pour cela, il est nécessaire d’insister sur la physionomie de la catastrophe qui touche une partie de la population côtière et épargne l’ensemble des populations situées à bonne distance et de la replacer dans le contexte politique, social et économique qui prévalait jusqu’au 25 décembre.

La principale conclusion à laquelle nous aboutissons est le constat que la menace qui pesait sur la vie des populations aura été de très courte durée, faisant de la co-gestion, entre les différents intervenants et avec les populations, de cette situation d’urgence un exemple de réussite.

Tableau 1 : Taux de mortalité dans le district de Batticaloa

Divisions du district de Batticaloa

Populatio n

en 2003

Morts

Morts et disparus

Taux de mortalité pour mille

Taux de mortalité et disparition pour mille

Vaharai /

Koralai Pattu North

21424

295 306

13.8

14.3

Koralaipattu Centre

27737 39 39

1.4

1.4

Oddamavadi / Koralai Pattu West

26411 4 4

0.2

0.2

Valaichenai / Koralai Pattu

24894

512 626

20.6

25.1

Kiran /

Koralai Pattu South

34479 75 77

2.2

2.2

Chenkalady / Eravur Pattu

70703 54 99

0.8

1.4

Eravur Town

34260 1 1

0.0

0.0

Batticaloa / Manmunai North

78963 1472 1512

18.6

19.1

Vavunathivu / Manmunai West

28787 21 21

0.7

0.7

Kattankudy

40248 105 105

2.6

2.6

Arayampathy / Manmunai Pattu

29448 35 35

1.2

1.2

Paddipalai / Manmounai South West

24656 19 19

0.8

0.8

Vellavely / Porativu Pattu

46644 2 7

0.0

0.2

Kaluwanchikudy /

Manmunai South and Eruvil Pattu

56823 162 271

2.9

4.8

Total

545477

2796

3122

5.1

5.7

Source : Gouvernement du Sri Lanka

Tableau 2 : Décès, disparus et blessés à la suite du tsunami

Districts

Décès

Blessés

Disparus

Ratio de blessé par décès et disparition

Ampara

10436 6581 161

0.6

Batticaloa

2975 2375 346

0.7

Colombo

79 64 12

0.7

Galle

4248 313 564

0.1

Gampaha

6 3 5

0.3

Hambantota

4500 434 1341

0.1

Jaffna

2640 1647 540

0.5

Kalutara

279 401 69

1.2

Killinochchi

560 670 0

1.2

Matara

1342 6652 608

3.4

Mullaitivu

3000 2590 421

0.8

Puttlam

4 1 3

0.1

Trincomalee

1078 1328 45

1.2

Total

31147

23059

4115

0.7

Source : Gouvernement du Sri Lanka, relevé de la situation au 21/02/2005

 

Physionomie de la catastrophe : les sinistrés de la « tsunami line » et la surface de solidarité

Avant d’aborder le récit et l’analyse des stratégies mobilisées par les survivants pour assurer leur survie lors des premiers moments qui ont suivi le tsunami, il est essentiel de décrire quelques éléments factuels qui concernent la physionomie de la catastrophe.

Les destructions se répartissent selon une bande de territoire, le long de la côte, la « tsunami line ». Sur cette bande, les destructions et le nombre des victimes sont importants, au-delà les habitations ont pu être inondées mais elles sont intactes. Un peu plus loin encore, le tsunami n’a eut aucun effet direct. La largeur de cette bande est faible (quelques centaines de mètres au maximum). Ainsi, la première personne à porter secours aux sinistrés a été le voisin épargné. S’il a pu fuir sous le coup de la peur

Un grand nombre de familles épargnées mais situées à proximité de la côte quittent leur domicile pendant quelques jours avant d’y revenir. c’est en emportant des provisions qui seront partagées.

Cette configuration se retrouve tout le long de la côte où pour chaque sinistré, il y a un peu plus loin plusieurs voisins épargnés. La catastrophe a ainsi frappé une zone dont la surface d’adhérence avec les aires et les populations indemnes est immense, la « tsunami line » s’appuie sur une belle surface de solidarité. Mais cette surface est hétérogène, plus densément peuplée en milieu urbain, à Batticaloa, moins dense en milieu rural dans la région de Vakarai.

Dans tous les cas, les populations disposent d’un refuge à proximité dans une aire de mobilité parfois bornée par les destructions mais sans qu’elles soient incarcérées géographiquement. Pour l’observateur, les destructions sont un monde irréel, il y a une part de sidérationSur cette question, cf. T. Baubet et alii [2003]. qui se nourrit du contraste brutal entre la ligne et l’aire sur laquelle elle s’adosse. Une nouvelle frontière s’est creusée entre ces espaces presque vides d’habitants, encombrés de gravats, abandonnés, et le reste du pays. Si la problématique humanitaire se déploie autour de la question des sinistrés- réfugiés, elle implique aussi une relation au territoire déformé, à la relation entre les populations et leur géographie économique et sociale, façonnée aussi par l’histoire politique récente.

 

L’accord de cessez le feu

Notons que sans reconnaître de zone « musulmane », l’accord consacre dès son préambule leur existence par la reconnaissance par les « parties » de l’existence de « groupes qui tout en étant pas directement partie au conflit en souffrent aussi ».

signé en février 2002 entre les représentants du gouvernement et du LTTE, sous l’égide des autorités norvégiennes, prévoit une séparation de l’île entre les zones sous contrôle gouvernementale, les zones sous contrôle du LTTE et les zones dites « unclear » qui sont disputées par les deux parties. A chacune des parties est reconnu une forme de souveraineté sur une partie de l’île. Les positions ne sont toutefois pas symétrique puisque le gouvernement maintient et développe son administration civile (éducation, santé, état civil etc.) dans les zones dites « LTTE ». Le découpage politique du territoire inclus un maillage administratif gouvernemental sur l’ensemble du territoire. Pour être complet, il faut ajouter que cette administration subit, en zone tamoule, de forte pression de la part du LTTE ce qui affaiblit considérablement l’autorité directe du pouvoir de Colombo. Au total, le pays dispose toutefois d’une administration bien formée, sachant agir efficacement avec les moyens dont elle dispose et en relation avec les principaux intervenants locaux. Si l’accord de cessez le feu se distingue d’un accord de paix en ce qu’il vise justement à pacifier les rapports entre parties pour converger vers une solution durable, aucune des parties ne semble avoir intérêt à raviver un conflit de forte intensité. Avant le tsunami, la situation qui prévaut est celle d’une fausse paix, émaillée de multiples incidents localisés notamment entre le LTTE et une formation militaire dissidente, Karuna, mais une situation assez stable. La perspective d’un développement économique des régions soumises au conflit ou enclavées par ce dernier s’amorçait. Ainsi, les restrictions à la circulation de certains produits entre zones sont assouplies, le système bancaire s’implante progressivement partout. La situation n’est certainement pas idyllique puisque ce développement est parfois interprété comme un moyen pour le réarmement des parties et la souveraineté civile – au moins formelle – du gouvernement sur l’ensemble de l’île comme une colonisation rampante des régions tamoules. Cet état de « ni guerre, ni paix » épargne les populations civiles des violences directes. Les pressions internationales mais aussi l’équilibre trouvé, certes critiquable notamment en termes d’équité et de pérennité mais supposé temporaire, soustrait le retour d’un conflit de plus grande ampleur des jeux politiques et des changements de majorité que connaît le Parlement. Le tsunami ne balayera pas cet équilibre mais viendra le modifier progressivement. Il ne le balaye pas puisque l’ensemble des communautés se trouve frappées par la catastrophe. C’est à l’ensemble de l’île, dans une unité forte face à l’adversité, qu’il appartient de réagir. Ce sentiment prévaut dans les premières semaines qui suivent la catastrophe et il ira en s’estompant. Mais cet équilibre est aussi modifié puisqu’une nouvelle thématique apparaît très vite : celle du partage de l’énorme aide internationale promise. Celle-ci agit doublement puisqu’elle offre aux principales puissances un moyen de pression sur les partiesPar exemple, la présence d’ONG diverses et variées sur des zones antérieurement délicates d’accès offre autantd’observateurs potentiels de l’évolution de la situation sur le terrain. Une conditionnalité implicite de l’aide à une poursuite des efforts de paix a été très vite avancée avec discrétion mais sans complexe. Les multiples déclarations du Président Clinton, chargé de veiller à la bonne utilisation de l’aide, en faveur d’un développement équitable de l’île s’inscrivent dans ce contexte. et elle projette les différents antérieurs vers une dynamique de reconstruction. Le conflit sur la répartition de l’aide sera long, il menacera parfois le cessez le feu mais aboutit en mai à un accord sur un mécanisme conjoint de répartition de l’aide (la durée de l’accord ne serait que d’une année). Cet accord est loin d’un accord juridique de paix mais bien proche d’un accord empirique tant la reconstruction paraît éloigné des velléités bellicistesLa reconstruction pourrait aussi équivaloir à une reconstruction des forces, notamment militaires, en présence. Cette dérive a été soulignée par la presse sri lankaise à de multiples occasions, par exemple lors du don, par les états unis, d’une frégate militaire destinée aux gardes côtes du gouvernement. L’aide internationale n’est pas exempte de finalité militaire..

A la thématique politique s’ajoute un clivage économique. Les régions touchées par le conflit, par les restrictions à la circulation des hommes et des biens – le gouvernement avait soumis les zones LTTE à un très strict blocus économique -, connaissent un important retard de développement (cf. les différents rapports du PNUD et de la Banque Mondiale ainsi que du Gouvernement). La pauvreté y est plus importante que dans le reste du pays, ce qui est particulièrement marqué dans les régions LTTE de l’Est de l’île du fait de leur enclavement.

A ce clivage économique s’ajoute le fait que l’habitat est disposé le long de la mer selon une logique schématique où certains des plus pauvres, les pêcheurs vivant dans des maisons en cadgun, se trouvent au plus près de la mer, parfois sans titre de propriété. Encore ce schéma ne vaut-il pas pour l’ensemble de la côte et se décline différemment selon que l’on parle du rivage face à la pleine mer ou de celui des lagons. Nous ne disposons hélas pas d’une analyse fine de l’habitat et des conditions socio-économiques des populations en fonctions de la distance de leur domicile par rapport à la mer et ce constat est fondé sur quelques observations seulement et ne saurait avoir de porté générale.

La sur-représentation des pêcheurs, et surtout des plus pauvres d’entre eux, au sein des populations frappées par la catastrophe témoigne toutefois d’une spécificité quant aux conséquences économiques de la catastrophe : elle s’abat d’abord sur les populations et les métiers qui vivent de et par la mer. Le tsunami les prive de moyens de subsistance mais nous verrons comment la solidarité et l’aide patient à cela. En revanche, la reconstruction et le développement imposent de reconstruire le rapport économique à l’océan, de saisir – comme quelques ONG ont su le faire avec beaucoup de finesse – les strates et la diversité d’une activité, la pêche, qui sous un même nom cache une organisation sociale et économique précise et très contrastée. Si, comme cela a été parfois avancé, une deuxième vague, celle de l’aide, s’est abattu sur l’île, ce n’est pas seulement par le biais de vastes projets de développement touristiques et industriels qui tireraient profit d’une main d’œuvre réfugiée bon marché et concentrée ainsi que d’une manne financière qui viendrait s’investir sur une table rase territorial, c’est aussi parce que l’analyse du tissu social et économique des métiers de la mer a été, volontairement ou pas, ignorée.

Cette question de la pêche semble nous éloigner du cœur de l’étude de la survie des populations, elle offre pourtant l’occasion de clarifier d’emblée toute une série de fausses questions qui se sont cristallisée autour des conséquences du tsunami. Il importe de souligner tout d’abord le glissement opéré entre la question de la survie des populations et celle de leur autonomie ou de la reconstruction d’une certaine autosuffisance économique. Si la survie des populations a été rapidement assurée par l’aide, sa dépendance à une aide relativement bien organisée s’est prolongée (elle était, pour certains antérieur au tsunami d’ailleurs). Sa survie était acquise quant bien même elle dépendait de l’aide. Or, et c’est la deuxième fausse question qui est apparu, la reconstruction et le développement des régions sinistrées apparaissaient paradoxalement beaucoup plus difficile, délicate et longue puisque les populations se seraient trouvées dans une situation d’urgence. L’argument erroné de l’urgence a servi comme un obstacle à la reconstruction puisque le tissu économique et social d’appuis se serait évanoui. Il suffisait en réalité de le réactiver en essayant de le comprendre, d’impliquer plus activement la population au lieu de la cantonner au statut de bénéficiaire passif de l’aide. Par voie de conséquence, et c’est la troisième fausse question qui a pu polluer les actions des ONG, la fausse opposition à trois termes entre urgence, reconstruction et développement. La situation d’urgence a été gérée, la reconstruction à l’identique est impossible et le développement à partir de zéro est une illusion puisque les formes sociales de vie économique ont subsisté et que de nouvelles formes, notamment des solidarités, ont pu émerger. La manipulation de la notion d’urgence, l’image de populations démunies de tout, a pu militer en faveur d’un développement-reconstruction à partir de rien et sur rien mais vers où ? Beaucoup se sont posés cette petite question à partir de situations très concrètes telles que celle du type d’embarcations de pêche à donner, des bénéficiaires, de la taille des filets etc. Devant l’ampleur financière de l’aide, la question des moyens a été pour tous les intervenants très secondaire, l’obstacle s’est placé au niveau des idées et l’urgence prétendue a paradoxalement pu servir de prétexte à l’inaction. D’autres obstacles ont aussi existé et jouer un rôle puissant : les obstacles administratifs (notamment à l’importation de biens, les différentes procédures d’enregistrement et de déclaration de l’aide, les « guidelines » gouvernementales etc.), politiques (incertitude quant au développement du conflit et respect des équilibres antérieurs), d’organisation (bien peu d’ONG pratique le développement rapide mais préfère s’appuyer sur des programmes de long terme) etc.

Si la naturalisation des situations de conflit (la guerre présentée comme une catastrophe naturelle) est couramment employée pour déresponsabiliser politiquement les acteurs internationaux, il est presque amusant de voir comment une catastrophe naturelle presque ordinaire parce qu’elle frappe un monde social, politique et économique inclut en elle toutes ces dimensions. Pour faire court, on pourrait affirmer que les catastrophes naturelles, cela n’existe pas et que se produisent tout au plus des catastrophes ayant des origines naturelles (modulo des questions telles que le réchauffement climatique…). Le tsunami a frappé au hasard des populations socialement, économiquement, géographiquement et politiquement situées et c’est de cette situation que le hasard a été affronté et que l’urgence a été très vite résolue en survie. La tsunami line est une ligne posée le long d’une surface sociale, d’un tissu économique et dans un contexte politique précis. Au soir de la catastrophe, cette surface assurera la survie des populations comme nous le voyons maintenant au travers des récits des rescapés.

 

De la catastrophe au refuge : la première réaction des populations

Cette solidarité de la part des voisins et l’aide des ONG locales et internationales connaît des formes différentes à Vakarai, régions semi-rurale et contrôlée par le LTTE, et à Batticaloa, en zone urbaine et gouvernementale (unclear). Dans les deux régions, la réaction est toutefois collective. Les populations se regroupent, agissent en commun et recréer les collectifs antérieurs à bonne distance des côtes. Cette stratégie collective est au carrefour d’une logique de survie physiologique, sociale et politique. Elle s’affirme d’emblée et connaît un développement croissant dans les jours qui suivent la catastrophe. Nous en soulignons ici les traits principaux en notant d’emblée que l’accès à l’eau potable ne constitue pas un problème au Sri Lanka

Entretien avec un responsable d’Oxfam, observation directe. Les puits existants ont pu se retrouver salé après la catastrophe mais différents moyens économiques permettent de trouver de l’eau potable sous le sable. A l’écart des côtes, l’eau est abondante et potable..

Une limite et un biais de notre étude résident toutefois dans la difficulté à évaluer l’ampleur et l’impact des stratégies individuelles et familiales apparemment isolées : Les sinistrés indépendants qui dès le premier soir bénéficient d’un refuge auprès de leurs proches restent en partie dans l’ombre. Mais la logique est la même, l’aide est d’abord le fait des populations elles- mêmes, de celles qui sont épargnées.

 

A Vakarai la priorité est de fuir la région côtière vers l’arrière pays

Situé en zone sous contrôle du LTTE, la région de Vakarai est constituée d’une agglomération de taille modeste, dotée d’un hôpital fraîchement construit

Cet Hôpital est aujourd’hui détruit à l’exception du pavillon de pédiatrie qui pourrait être remis en état. La croix rouge italienne y installera un vaste hôpital militaire de campagne. Lors de notre mission, soit trois mois après la catastrophe, les renseignements que nous avons pu recueillir auprès du personnel médical italien indique une faible activité. L’hôpital assure des consultations classiques dont très peu sont directement liées au tsunami., il a été inauguré juste avant le tsunami, et d’un chapelet de villages et d’habitations situés de part et d’autre de la route principale qui, du Nord au Sud, traverse cette région. Aux abords de ce qui reste du centre ville de Vakarai, les ralentisseurs posés sur la route marquent le passage devant le cimetière des combattants LTTE et le monument dédié aux commandos suicide. Sur la route, il n’est pas rare de croiser des hommes en armes circulant en moto. De la plage résonne parfois des tirs, le LTTE s’entraîne. Sa présence militaire est réelle et la présence civile du LTTE se fait par le biais d’organisations distinctes. Un réseau de dispensaires est ainsi géré par l’une de ces organisations.

Les habitations sont souvent à proximité des eaux, soit sur le lagon, soit du côté de la pleine mer. A l’intérieur des terres émergent de la jungle quelques rizières, des reliefs rocheux et quelques villages.

Venant de Batticaloa, il faut, pour accéder à la région, franchir de nombreux « check points » de l’armée gouvernementale comme du LTTE. La relative liberté de circulation des populations et des marchandises est soumise à surveillance. En zone gouvernementale, une ville double, Odomavady-Valaichanai, « musulmane-tamoule » et « tamoule-tamoule », est le centre commercial de la région. Elle abrite deux marchés florissants et tout un ensemble de boutiques où l’on trouve à peu près tout. C’est le vendredi que la double nature de la ville est la plus visible puisque la partie musulmane se mue en une succession de rideaux de fer, seules les boutiques « tamoules-tamoules » restent ouvertes. La mosquée aurait deux cents ans et dans la ville, les immeubles portent encore les traces de violents combats, les casernes de la SLA et de la police, les checks points, marquent la sortie de la ville vers Vakarai. Sur la route, plusieurs checks points et bases militaires de la SLA se succèdent avant l’entrée dans la zone LTTE. La présence militaire, SLA comme LTTE, est forte.

Dans cette région de Vakarai, l’ampleur des destructions frappe immédiatement l’observateur. Le dimanche 26 décembre, la destruction des ponts et de certaines infrastructures routières et portuaires rendent difficile l’accès à la région notamment par la route et coupent la région en deux ensemble qui dessinent deux groupes de sinistrés aux stratégies de survie distinctes : Au Sud de la région, bornée au Nord par un pont, les populations marchent jusqu’au village de Matura Kulam situé à bonne distance des côtes. Ils ne franchiront pas le checks points militaires, qui d’ailleurs est toujours actif mais suivent une route secondaire perpendiculaire à la côte. Dans la bande côtière délimitée au Sud et au Nord par des ponts détruits, les habitants iront se réfugier sur un village en hauteur, Kaddimurrippu, ou sur la route qui y mène en serpentant à l’intérieur des terres.

Le premier groupe de sinistré emprunte des réseaux d’échanges établis de longue date

Les habitants de Maturan Kulam se mobilisent rapidement pour préparer le dîner des sinistrés. Village rural, il dispose de stocks alimentaires du PAM (Programme Alimentaire Mondial) dans un local attenant à l’écoleLe PAM et le CICR conduisent depuis plusieurs années divers programmes de distribution alimentaire « food for school », « food for work », (« nourriture pour inciter à la scolarisation », « nourriture en paiement de travail »). Ils stockent dans les villages l’aide qui est distribuée.. Les réserves des villageois et ces stocks suffisent pour parer aux premiers besoins. L’eau potable est abondante. Dès le premier soir, tous les sinistrés accueillis dans le village ont reçu un repas chaud. Une partie dormira dans l’école, d’autres chez les habitants, la plupart dehors.

Le choix de ce village par les sinistrés révèle une longue tradition d’échanges. Au moment des récoltes de riz, une partie des habitants de la côte viennent y travailler, à l’inverse les hommes du village descendent périodiquement pêcher sur la côte où certains maintiennent leurs embarcations. Une étude ethnologique fine montrerait probablement des échanges plus étroits encore, notamment des mariages et lignages. Lors des entretiens, de nombreux interlocuteurs soulignent qu’ils sont allés retrouver, dans ce village, leur famille mais, malgré mon insistance, je n’ai jamais pu obtenir de précision sur la parenté exacte qui lie ces populationsSelon certaines informations invérifiables dans le cadre de cette étude et qui nous mèneraient assez loin de notre objet, les déplacements de populations, les stratégies de repeuplement des campagnes lors du conflit peuvent expliquer des liens qui trouvent leur origine dans une co-existence passée plus étroite encore..

Puis, assez rapidement, l’aide vient trouver les sinistrés et les distributions de vivre, d’ustensiles de cuisine, de vêtements et autre sont assurés. Dès le 29 décembre, CARE distribue des rations de nourritureInformation recueillie sur les cartons roses dont dispose la population pour enregistrer les distributions reçues et confirmées par les bénéficiaires., le lendemain, les sinistrés reçoivent des habits etc. Mais avec la reprise de la pluie, le village devient de plus en plus difficilement accessible. Les populations sont amenées à revenir à proximité de leurs anciennes habitations, maintenant détruites, ils sont logés dans les écoles. Ils seront restés environ une semaine, dans le village de Madri Kulam.

Deux versions, toutes les deux cohérentes, de ce déplacement m’ont été données lors des entretiens. Le DS aurait demandé aux populations de revenir près de leurs anciennes habitations afin de se regrouper et de compter les morts et les disparus selon une 1ère version ou, selon une 2ème version, afin de pouvoir bénéficier de l’aide. Dans les deux cas, l’initiative du déplacement revient au DS. Bien que les sinistrés semblent s’être retrouvés très vite regroupés, de leur propre initiative et afin de retrouver leur famille et leur voisinage, par village, le souci de maintenir la structure villageoise antérieure a eu son importance dans la décision de déplacer les sinistrés, les contraintes logistiques inhérentes à l’aide aussi.

Dans les tout premiers instants, les stratégies de survie activées par les populations, s’appuient pour ce premier groupe de Vakarai, sur des ressources sociales et économiques construites antérieurement. Elles s’inscrivent dans un réseau d’échanges économiques et sociaux entre la côte et le village situé dans l’intérieur des terres. La survie passe par les voies d’échanges habituelles et permet aux sinistrés de s’éloigner de l’océan. Une fois cette phase critique passée, l’organisation de l’aide impose de ramener les populations vers la côte mais leur survie est alors acquise.

Le second groupe se dissémine par groupes au bord de la route en des lieux qu’ils estiment sûrs

Le second groupe identifié pour la région de Vakaraï emprunte la route principale pour fuir la bande côtière et se réfugier dans la jungle dès qu’il estime l’emplacement suffisamment sûr, ou auprès d’une petite colline et de quelques habitations à Kaddimurrippu. Ce second groupe emporte quelques provisions qu’il partage et dès le lendemain, il reçoit rapidement une aide alimentaire de la part des populations cingalaises situées dans l’arrière pays, parfois à plus de 50 km, de la part des ONG locales (TRO, KPNDU, EHED qui est l’antenne locale de Caritas etc.), de celles déjà présentent dans la région avant le tsunami, des agences de l’ONU. De nombreux sinistrés insistent sur l’aide individuelle apportée par des familles cinghalaises qui s’organisent pour préparer et distribuer des repas (l’ampleur de cette aide nous paraît faible mais elle a joué un rôle symbolique fort, certaines familles cinghalaises franchissent plus de cent kilomètres pour porter ces repas).

Ce groupe rejoindra après quelques jours les écoles qui toutes, à l’exception de celle de Vakarai, sont habitables. Il y recevra l’aide de nombreuses ONG. Les communications sont rapidement rétablies grâce notamment aux travaux d’infrastructure réalisés par l’armée sri lankaise et les troupes étrangères. L’armée britannique s’est ainsi chargée de la mise en place de ponts provisoires dans des délais très rapides.

Pour ce second groupe, la solidarité entre les habitants de la côte et ceux de la campagne, de la part des populations tamoules mais aussi cingalaises, obéit à une ordonnance différente de celle que nous avons décrit pour le premier groupe. Le refuge trouvé par ces populations est plus provisoire, si la jungle et les abords des routes les protègent des dangers venant de l’océan, ils ne sont pas des lieux longtemps habitables en toute sécurité, le retour sur leurs terres d’origine sera rapide. Le mardi, soit deux jours après la catastrophe, la plupart sont réfugiés dans les écoles situées dans leur village d’origine.

Ces populations n’iront pas chercher l’aide, c’est elle qui vient les trouver, d’abord aux bords des routes puis dans les écoles. Elle émane, au tout début, de trois sources : des organisations proches du LTTE (club des jeunes du LTTE et TRO), des ONG qui ont pu accéder à la région (parfois par bateau) et des initiatives spontanées des populations cingalaises et tamoules qui se sont organisées pour porter des vivres et préparer des repas. Encore faut-il nuancer cette image d’apparente passivité des sinistrés (mais qu’auraient-ils pu faire ?), le poids du LTTE dans la région est pour eux une donnée avec laquelle ils doivent et peuvent compter. Si les individus ont pu paraître passifs, les groupes eux agissent assez habillement pour s’appuyer à la fois sur l’aide proposée par le LTTE et les organisations qui en émanent et les autres sources d’aide. Cette démarche collective facilite les distributions et permet de reconstruire un acteur collectif, certes non monolithique, le village.

Des déplacements individuels entre zones contrôlées par le LTTE et zones gouvernementales ont pu avoir lieu, ils ont parfois été mentionnés lors des entretiens ou des visites effectuées avec des sinistrés sur les sites de leurs anciennes habitations détruites. Des habitants ayant trouvé refuge dans leur famille de l’autre côté de la ligne de partage. L’ampleur de ces déplacements est toutefois impossible à évaluer et sur ce point, les indicateurs statistiques sont peu fiables, ils donnent tout au plus des ordres de grandeur.

Un grand absent des récits : les musulmans d’Odomavady

Les récits recueillis auprès des sinistrés, des représentants des ONG, de l’administration gouvernementale, du LTTE offrent chacun un éclairage complémentaire sur les premières heures, les premiers jours, qui ont suivi le tsunami. Cette information très riche l’est aussi par les silences, les absences qu’elle dessine. Certains de mes interlocuteurs éludent le rôle de l’armée, d’autres évitent de mentionner le LTTE, tous s’accordent cependant à effacer les musulmans d’Odomavady

Une exception : le meurtre d’un « businessman » musulman au abord de second mile post’s camp, il est abordé par la suite.. Pourtant ces commerçants disposaient des ressources nécessaires pour venir en aide aux populations. Ont-ils été effacés de la mémoire collective et si oui pour quelle raison ? Ou bien sont-ils restés à l’écart de l’aide dirigée vers Vakarai et pour quelle raison ? Si nous ne sommes pas en mesure d’apporter de réponse à ces questions, le contexte politique et la situation particulière dans laquelle se trouvent les musulmans permet toutefois de donner un éclairage latéral.

A l’Est du Sri Lanka et particulièrement dans le district de Batticaloa les Musulmans, qui sont Tamouls, sont au centre du jeu politique entre LTTE et gouvernement. Ils ont pu, dans le passé, faire alliance avec le gouvernement dans le cadre d’une recomposition de l’équilibre des forces à l’Est. Leur existence en tant que « groupe » qui n’a pas pris partie au conflit mais en a souffert est mentionné par l’accord de paix. De la part du LTTE, la crainte que ces populations se tournent vers le gouvernement a provoqué une politique de harcèlement des musulmans. Aujourd’hui, les tamouls sont bel et bien divisés entre musulmans d’une part et d’autre part hindous et catholiques. Il est frappant de constater que les données du recensement marquent des circonscriptions administratives peuplées à 100 % de musulmans et la séparation des populations semble avoir été à ce point efficace que deux villes en une ont été produites : Odomavady et Valaichenay.

Dès lors, les musulmans ont-ils pris le risque d’intervenir en zone LTTE dans un période d’incertitude, ils étaient d’ailleurs peut-être occupés à proximité, ou est-ce les populations qui préfèrent faire silence sur cette question ? La catastrophe n’a en tous les cas pas balayés tous les clivages politiques et sociaux.

Et pourtant, les musulmans sont un agent économique essentiel pour la région. Commerçants, ils viennent acheter le produit de la pêche, affrètent des bateaux, en ville ils vendent les bijoux qui pourront par la suite être gagés. Ils contribuent à assurer la fluidité des échanges économiques et il n’est peut être pas innocent de les voir exclus d’une société politique tamoule dont ils participent pourtant. Mais imaginer le commerce comme une activité « pacificatrice », l’illusion du « doux commerce » qui viendrait étouffer les conflits est tout aussi trompeur que de penser que le commerce est incompatible avec les situations conflictuellesUne analyse appliquée au cas somalien, il est vrai à l’issu du conflit, montre l’ingéniosité du secteur privé dans ce pays où l’Etat et le système bancaire sont faibles et inexistants dans certaines régions, cf. « Anarchy and Invention », World Bank Public Policy for the Private Sector note numéro 20, November 2004. Ce courant d’analyse qui porte sur les économies en situation de conflit s’est récemment enrichit d’un rapport de la FAFO norvégienne, adossé à un programme de recherches, qui prescrit les normes qui devraient encadrer le secteur privé pour enrayer leur rôle conflictuel, cf. L. Lunde et M. Taylor, « Commerce or Crime, Regulating Economies of Conflict », FAFO 2003..

Ici, nous sommes aussi devant une situation où le commerçant tire de son extériorité – relative puisqu’il s’agit aussi de tamouls – quelques avantages, notamment celui d’éviter les sollicitations de la part du client, les faveurs. Certes, la situation est aussi inconfortable mais elle explique pour une part que les musulmans sont très probablement restés à l’écart des opérations d’aide dans la région de Vakarai et que cette absence n’étonne pas les populations. Aussi faut-il ajouter que l’accès aux sinistrés, autrement que par la mer, était difficile sinon impossible les premiers jours.

Dans la région semi-rurale de Vakaraï, la réaction des populations sinistrée a été guidée par les contraintes géographiques mais a su trouver deux formes contrastées de solidarité. Pour le premier groupe, le refuge est connu de longue date et offre un minimum vital qui permet aux populations de survivre et à l’aide de s’organiser. Si le second groupe est contraint de se réfugier dans un environnement assez hostile, la jungle et le bord de route, sa survie n’est pas menacée et l’aide lui parvient assez rapidement.

La plupart des sinistrés seront rapidement regroupés dans les écoles, une aide alimentaire les attend, ils sont à l’abri. Cette aide ira en s’amplifiant. Deux mois plus tard, la question de la réouverture des écoles est posée et les populations seront installées dans des camps de toiles, aux abords des mêmes écoles. La scolarisation des enfants est une priorité qui s’affirme pour tous comme cruciale. Mais l’aide, distribuée par le gouvernement, les ONG et les Agences de l’ONU, reste le principal sinon l’unique moyen de subsistance des populations sinistrées et d’une grande partie de l’ensemble de la population côtière de la région.

 

Refuges et solidarités urbains à Batticaloa

En zone gouvernementale, Batticaloa est une agglomération qui se situe à l’embouchure d’un vaste lagon, le centre ville est installé sur une île de ce lagon, il a été épargné par la vague. L’agglomération est assez étendue, elle est constituée de maisons individuelles bien distinctes les unes des autres. Les plus touchées ont été celles qui se situent aux abords de la pleine mer et à l’embouchure du lagon. La plupart des habitations sont en brique ou en béton mais juste au bord de la plage des cabanes en cadgun abritaient les pêcheurs, elles ont été complètement balayées par la vague.

Dans ce contexte urbain et péri-urbain, les survivants ont très vite cherché à se réfugier sur les hauteurs, dans les temples, la gare et les écoles

Un document de suivi médical des populations, mentionné en note 1, mis en place dès le 28 décembre m’a permis de retrouver la trace d’une bonne partie de ces abris et des déplacements intervenus par la suite. ou dans leur famille et chez leurs amis. Immédiatement, l’ensemble de la population de la ville s’est mobilisé pour apporter des provisions, soigner les blessésL’hôpital de Batticaloa est resté intact mais très vite il a été encombré de cadavres qui rendaient l’accès aux soins difficiles., soutenir les sinistrés. C’était un dimanche et la plupart des boutiques étaient fermées, certaines étaient inondées et il a fallut puiser dans les réserves individuelles. Le premier soir, la vaste majorité des sinistrés avait un repas chaud. Dès le lendemain, les médecins locaux et les ONG, dont la croix rouge sri lankaise, se sont organisés pour aller acheter dans les villes voisines les médicaments nécessaires. Les ONG locales et celles présentes sur place avant le tsunami se sont chargés de prendre le relais des voisins et ces derniers ont d’ailleurs pu prolonger leurs actions dans le cadre de ces organisations. Dans ces tout premiers instants, les aliments pour bébés ont pu manquer mais l’ensemble des autres besoins alimentaires ont été à peu près couverts.

Le ramassage et la conservation des cadavres ont constitué une difficulté importante. Elle a été prise en charge par les ONG et l’armée qui disposaient de véhicules appropriés pour le transport. Les autorités locales se sont chargées d’organiser des centres où les habitants pouvaient venir reconnaître les victimes puis les enterrer. Il disposait pour cela d’une aide financière directe, versée par les DS (accordée assez rapidement après le tsunami).

Dans la région urbaine et péri-urbaine de Batticaloa, les refuges ont vite et spontanément été trouvés par les survivants, il s’agissait des bâtiments publics et des bâtiments religieux situés en hauteur. Placé dans un tissu urbain assez dense et épargné, les populations ont pleinement bénéficiées des solidarités locales et de celle des ONG. Leur survie était assurée dès le premier soir.

Si une certaine confusion a prévalu dans les premiers jours, les familles et les quartiers d’origine se sont très rapidement regroupés. Mais ceux dont les habitations se situaient à moins de 200 mètres des côtesCette condition apparaît assez souple selon les régions, les responsables administratifs et la pression des sinistrés., dans une zone déclarée non constructible, sont séparés des autres sinistrés et placés dans des camps spécifiquesA cette distinction semble s’ajouter d’autres clivages puisque nous avons pu constater la présence de musulmans dans ces camps alors qu’ils paraissaient absents dans les autres.. Le gouvernement libère des terres pour leur relogement, il engage assez vite les ONG à y implanter des abris provisoires mais sans aucune consultation des populations en question. Lors de divers entretiens que nous avons eus avec ces sinistrés, ils faisaient part de leurs réticences à emménager dans ces nouveaux villages que pour la plupart ils n’avaient pas pu visiter. La crainte de se trouver isolés, éloignés de leur précédent domicile, logés dans de mauvaises conditionsLa visite d’un de ces nouveaux village en construction confirme les craintes des habitants puisque les habitations étaient assez éloignées de la ville, situées en plein soleil, et alignées selon une organisation militaire guère engageante. était patente. Leur situation dans les camps apparaît d’ailleurs bien moins bonne que celle des autres sinistrés. Ils sont éloignés du centre ville et des opportunités d’activités économiques, les baraquements et les tentes sont en plein soleil et les ONG y interviennent moins souvent qu’ailleurs. Assignés de fait dans des camps, privés des moyens de retrouver leur autonomie, ces sinistrés voit dans les villages qui leur sont construit un prolongement de cet état d’enclavement.

La situation est bien différente pour les sinistrés qui pourront être relogés sur leurs anciennes terres. Si la situation sanitaire dans les deux types de camps est comparable, la situation urbaine des camps de relogeables permet aux populations de retrouver leurs anciennes activités ou d’en envisager de nouvelles. Le camp est un lieu qui permet de passer la nuit, de bénéficier des différentes aides et distributions et de s’organiser collectivement pour envisager le présent et l’avenir. Ce ne sont pas des camps d’assignation mais plutôt des outils dans une démarche de reconstruction.

Au lendemain de la catastrophe, les survivants de la région urbaine de Batticaloa ont vite trouvé refuge sur les hauteurs de la ville. Les tout premiers jours, leur survie a été assurée par la solidarité des populations et par le travail des ONG. L’aide et les distributions plus organisées viendront assez vite prendre le relais.

Le rôle de la mobilisation des ressources locales dans la survie des sinistrés

Comme l’illustrent la description des situations à Vakarai et Batticaloa, les ressources locales ont joué un rôle crucial dans la survie immédiate des populations. Ces ressources seront immédiatement mobilisées pour venir en aide aux sinistrés. Les voisins et l’ensemble de la population sri lankaise, les ONG présente sur place, les structures gouvernementales et celles du LTTE ont joué un rôle déterminant dans les premiers instants.

La solidarité des populations

La solidarité entre voisins et au sein de la population sri lankaise est mentionnée par l’ensemble des sinistrés que nous avons interviewés dans les camps. Trois mois après la catastrophe, elle est toujours active puisque la plus grande partie des sinistrés est encore logée par la famille ou chez des amis selon les statistiques officielles (cf. tableau A2). Pourtant, elle est rarement visible, le domicile est au Sri Lanka un domaine bien abrité des regards extérieurs et il me paraissait délicat de forcer la porte des maisons pour y « vérifier » la présence de sinistrés.

A quelques occasions j’ai toutefois pu constater l’importance de l’entraide : Dans la région de Vakarai, un habitant épargné par la vague loge dans et autour de sa maison de briques quinze familles dont les maisons, pour la plupart détruites, se situent dans le voisinage immédiat. Elles disposent de tentes distribuées par une ONG et campent autour de la maison, utilisent l’eau du puit. Tous y trouvent un intérêt puisque ce regroupement est synonyme de sécurité dans cette région isolée et proche de la ligne de démarcation entre LTTE et forces gouvernementales.

L’aide des voisins et des populations locales juste après le tsunami a laissé peu de traces tangibles trois mois plus tard. Elle est évoquée dans les entretiens mais, de part son caractère non institutionnel, en raison aussi de sa grande dispersion, elle échappe à une inscription plus durable. Son rôle a été important notamment car le « donateur » et le « bénéficiaire » ont été en contact direct et immédiat. De multiples récits soulignent diverses initiatives spontanées de la part de la population mais le nombre et l’ampleur de ces actes de solidarité est impossible a évaluer. Cette difficulté ne saurait toutefois en occulter l’importance telle qu’elle ressort des récits des sinistrés et des principaux acteurs. Et, rappelons le, la morphologie de la catastrophe a pu faciliter cette solidarité puisque la tsunami line s’adosse sur une vaste surface de solidarité. A l’inverse, très peu de survivants se sont trouvés enclavés dans des régions complètement inaccessibles. La solidarité comme l’aide avaient la possibilité d’atteindre très vite l’ensemble des sinistrés.

Les ONG déjà présentes à Batticaloa ont joué un rôle important la première semaine

Quelques jours après le tsunami, les ONG présentes dans le District de Batticaloa, ayant généralement leurs bureaux dans cette ville, habituées à travailler ensemble et avec les autorités locales, gouvernementales ou LTTE, coordonnent leurs actions selon les besoins repérés : santé, watsan, hygiène, cadavres etc… Cette coordination dans l’action s’avère particulièrement efficace dans l’urgence de la première semaine qui suit le tsunami.

Les besoins des sinistrés sont assez vite cernés et gérables par les ONG. Le domaine de la santé mérite une attention particulière puisqu’il réclame un niveau de technicité a priori important et qui pourrait faire défaut localement lors de catastrophe de ce type.

Or, pour l’ensemble du district de Batticaloa, une coordination des ONG et des ressources médicales locales a été mise en place rapidement. Dès le 28 décembre, un suivi de la situation dans les abris trouvés par les sinistrés a été activé. Dans la première semaine, près de 10 000 patients auront été examinés, près de 900 blessés repérés et soignés, le nombre des toilettes, l’accès à l’eau potable, les principaux besoins consignés et des actions entreprises (les principaux besoins exprimés sont des toilettes, des vêtements et du linge de maison, de la vaisselle, des réservoirs d’eau, c’est le lot commun des sinistrés et il y sera fait face assez rapidement).

Les blessés souffraient très majoritairement de coupures et de blessures légères. Un très faible nombre d’entre eux ont été transféré vers l’hôpital de Batticaloa et si quelques cas de diarrhées sont répertoriés, aucune épidémie n’est signalée. La situation médicale est plutôt bonne et les besoins sont couverts par les capacités locales.

Les relevés épidémiologiques recueillis, au fil des semaines, auprès des ONG par le ministère de la Santé montrent un accroissement, par rapport à la période antérieure au tsunami, des pathologies relevées (cf. tableau A2 en annexe). Il s’agit de pathologies assez bénignes et si les ONG suivent aussi les pathologies plus aiguës, elles se présentent très rarement, les cas relevés sont inférieurs à dix sur toute la période. Mais cet accroissement tient à plusieurs facteurs : de possibles multiples relevés réalisés par différentes ONG dans les mêmes camps et à quelques jours d’intervalle ont pu être réalisés. A partir de la deuxième semaine, la présence de nombreuses ONG a sans conteste amélioré une couverture sanitaire déjà correcte et par conséquent la collecte d’informations. Enfin, la vie dans certains camps n’est pas propice à la réduction des risques, (de ce point de vue, la situation dans les camps est très hétérogène d’après les informations consignées par la coordination des ONG, mais cela tient aussi peut être à des différences d’appréciation de la part d’observateurs différents).

L’information recueillie par les ONG est très complète, elle donne l’image d’une population qui dans les camps est bien organisée, bien suivie médicalement et bénéficie de distributions adaptées dans des délais rapides. Les observations que j’ai pu faire sur le terrain confirment l’étude des relevés des ONG avec toutefois des différences entre camps de réfugiés, nous y reviendrons.

Le rôle des ONG, locales ou internationales, présente dans le district avant et donc pendant le tsunami a été déterminant lors de la première semaine qui suit le tsunami. A côté des solidarités locales et du travail des autorités, elles ont su se coordonner et assurer une bonne part de l’aide d’urgence aussi bien dans le domaine médical qu’avec le suivie de la situation dans les camps spontanés qui se sont formés ou avec pour le ramassage des cadavres. Leur bonne connaissance de la région et des populations a sans aucun doute été un atout important, les conséquences médicales assez faibles de la catastrophe pouvaient être en grande partie assumées par les ressources locales.

L’action des ONG a trouvé une bonne coordination avec les autorités locales, gouvernementales ou LTTE, qu’elles connaissent bien et avec lesquelles elles ont coutume de travailler.

Le rôle des autorités locales et du LTTE

Si le gouvernement c’est vite mobilisé à Colombo, dans le district de Batticaloa, l’administration locale a très vite été opérationnelle. De même, mais en assurant des fonctions un peu différentes que nous abordons, le LTTE et ses émanations ont immédiatement réagit à la catastrophe. Administration gouvernementale, civile et militaire, et LTTE ne saurait toutefois être mis sur le même plan et traité symétriquement. Si nous les avons regroupés ici c’est par simple commoditéUne analyse du rôle du LTTE et de son bras civil avant et après la catastrophe constituerait un travail en soi qui nous éloignerait de l’objet de cette étude..

Organisé selon une structure pyramidale qui descend jusqu’au niveau du chef de village, l’administration gouvernementale est présente en zone gouvernementale comme en zone LTTE, toutes les deux à forte majorité tamoule. Elle est dans cette région constituée très majoritairement de tamouls et dont le pouvoir réel et difficile à évaluer. Faible voir très faible en zone LTTE, il est plus grand en zone gouvernementale mais est soumis à de possibles actes violents de la part du LTTE.

L’administration civile a fonctionné très rapidement puisque les bureaux du DS de Vakarai, qui ont été inondés, ont pu être opérationnels trois jours après la catastrophe. A Batticaloa, le DS a repris son travail dès le jour qui suivait, le lundi 27 donc.

Dans le domaine médical, le rôle des pouvoirs publics a été de faible ampleur mais à la mesure des besoins puisque l’hôpital de Batticaloa a accueilli les cas les plus graves identifiés par les ONG. Le réseau assez dense de dispensaires locaux semble avoir été moins utilisé.

L’administration gouvernementale, et en particulier l’armée, s’est aussi chargée d’aider au ramassage des cadavres et elle offrait la possibilité aux familles de reconnaître les corps. Le travail habituel de délivrance d’actes de décès était assuré.

Dans le même temps, les DS du district, avec l’aide des GS et des ONG, ont retrouvé sans difficulté les sinistrés et repérés leurs emplacements. Très vite ils ont pu opérer un premier comptage des personnes déplacées. Ce comptage, réalisé avec l’aide des ONG, est resté de la responsabilité de l’administration gouvernementale trois mois après le tsunami. Les DS ont aussi pris la responsabilité de déplacer des camps en fonction des bâtiments publics disponibles, dans certains cas dès la première semaine.

L’armée sri lankaise a participé au ramassage des corps et s’est chargée d’assurer la remise en ordre des infrastructures routières avec l’aide de contingents étrangers. Il est vrai que les militaires disposent de l’équipement adapté pour ce type de situation (bulldozer notamment). Mais la situation de l’armée et des fonctionnaires de l’Etat est ambivalente en région à majorité tamoule. L’armée est censée se cantonner aux zones qui lui ont été confiées en vertu de l’accord de cessez-le-feu. Elle est composé à une immense majorité de cingalais qui ne parlent pas tamouls et dialoguent très peu avec les populations locales. Leur présence est tolérée mais à Batticaloa, de nombreux incidents la prenait pour cible avant la catastrophe.

 

 

Encadré 1 : la structure administrative locale

L’administration locale Sri Lankaise est organisée selon une structure pyramidale. Chaque district est sous la responsabilité d’un G. A. (Government Agent) qui anime une équipe de D. S. (District Secretaries) qui ont chacun en charge une division (cf. carte des divisions pour Batticaloa en annexe). A l’échelon le plus fin se trouve le G. S. qui correspond à un chef de village ou de quartier.

Le D. S. a en charge l’ensemble des formalités administratives prises en charge, en France, par les préfectures ou les commissariats de police, c’est-à- dire la délivrance de fiche d’Etat civil, permis de conduire, acte de naissance etc. Son rôle est aussi d’appliquer les programmes gouvernementaux de développement et de coordonner l’aide lors des sinistres importants (inondations par exemple et évidemment lors du tsunami).

Au total, la relative faible implication du gouvernement dans la distribution de l’aide est, à mon sens, l’effet d’un faisceau de facteurs : Une relative défiance de la part du gouvernement face à une administration majoritairement tamoule, la faible marge de manœuvre des représentants de l’administration au niveau local et en particulier en zone LTTE (le DS de la région de Vakarai habite d’ailleurs à Batticaloa), des ressources modestes notamment dans le domaine de l’aide humanitaire (assurée par les ONG et les agences de l’ONU). Ainsi si le rôle de l’administration a été faible dans la survie des populations. Il a été beaucoup plus important dans le recensement des sinistrés, dans l’établissement de liste de familles touchées par la catastrophe et dans le mouvement des populations, pour ce qui concerne les autorités civiles.

En zone LTTE, les « clubs de jeunes LTTE » ont dès le premier soir préparé des repas pour les sinistrés. Par contraste avec l’administration gouvernementale, le LTTE et ses émanations ont eu un rôle plus proche de celui d’une ONG : distribution de repas et aide au transport des sinistrés. Le TRO, organisation humanitaire qualifiée par la presse proche du gouvernement de « bras humanitaire » du LTTE, a ainsi été active dans l’aide immédiate apportée aux populations.

Au lendemain du tsunami, les D.S. ont paré au plus pressé et, avec les ONG et les populations, se sont chargés de transporter les corps des victimes, d’assurer leur reconnaissance par les familles et de les ensevelir dans des fosses communes. Ils ont procédés à l’identification des familles « affectés » par le tsunami et à en établir la liste. De même, les DS sont intervenus dans les re- localisation des sinistrés, dans l’établissement des listes de personnes déplacées résidant dans des camps. Le service public de la santé a pu être assuré là où les bâtiments hospitaliers étaient épargnés, à Batticaloa notamment. L’armée s’est chargée de rétablir les infrastructures avec l’aide de contingents étrangers. Le gouvernement est toutefois resté à l’écart des distributions d’aide (sauf pour leur recensement), notamment alimentaire, aux populations. Il s’est cantonné à un rôle administratif et de service public.

En zone LTTE, leur rôle est le même mais leur pouvoir est beaucoup moins grand. Cette interpénétration des structures administratives gouvernementales et des pouvoirs LTTE est une caractéristique originale et au premier abord déroutant de l’organisation administrative sri lankaise, elle recouvre d’autres domaines tels que l’école et la santé et mériterait une étude en soi (cette imbrication existait déjà lors du conflit, elle s’est amplifiée depuis le cessez-le-feu).

S’appuyant sur les populations, le LTTE a été frappé comme elles par la catastrophe. Soulignons que les côtes des régions à forte majorité tamoule, au Nord et à l’Est du pays ont été durement touchés alors que l’Ouest et le Sud du pays l’a été moins fortement. Sa présence en tant que LTTE a été faible mais au travers des organisations qui le soutienne, le LTTE a pris une part active dans l’aide d’urgence.

Le tableau général est donc celui d’une répartition des tâches qui laisse aux ONG le soin d’assurer les distributions et le suivi alimentaire et sanitaire des populations dans les camps. L’élan de solidarité nationale et locale participe à cette organisation. Le gouvernement assure la continuité des services publics et les tâches administratives. Il ne dispose, dans la première semaine, ni des agents ni des ressources suffisantes pour assurer les tâches accomplies par les ONG.

Quant aux sinistrés, un retour en arrière est indispensable pour en mieux comprendre la situation et les stratégies.

Cyclones, inondations, sécheresses et conflits : résilience des populations et achat de l’aide

Nous l’avons vu, les populations ont pu survivre dans les premières heures et la première semaine qui a suivit le tsunami grâce à leurs ressources mises en commun et à une aide venue très rapidement assurer leur survie. Au total, leurs vies ne se sont pas, d’un point de vue collectif, trouvées en péril. Il est certes impossible d’imaginer ce qui se serait produit en l’absence d’aide et de solidarité, si les populations sinistrées avaient dû compter sur leurs seules ressources. Mais cela ne s’est pas produit et imaginer des voisins cloîtrés derrières de hauts murs et qui refuseraient de venir en aide aux sinistrés est un fantasme révélateur de celui qui le produit. De plus, il y avait une multitude d’ONG déjà sur place, au moins à Batticaloa et pouvant agir aussi sur la région de Vakarai depuis cette ville.

Ces ONG ont démarré leurs programmes au lendemain de la signature des accords de cessez-le- feu, en février 2002. En décembre 2004, elles sont présente, pour la plupart, sur le terrain depuis près de deux ans. ACF, la GTZ, EHED (branche locale de Caritas), TRO, le CICR, plusieurs agences de l’ONU agissent dans ces régions dans le cadre de programmes de développement post-conflit. Les populations sont habituées à leur aide, dans la région de Vakarai, lors d’un entretien nous apprenons qu’une des maisons détruite par le tsunami avait été construite avec l’aide d’une ONG, certains puits – cylindres de béton plantés dans le sable – porte l’inscription des ONG qui les ont construites. Le développement de la région passe aussi par l’action des ONG. Cela, les populations le savent bien, ont-elles compté sur cette aide dès les premiers instants ? Il est impossible de l’affirmer avec certitude mais si tel avait été le cas, leurs « calculs » se sont avérés exacts.

Mais il y a plus, les conflits ont montré à la population l’avantage qu’elles avaient à tirer d’un jeu collectif, au sein de chaque village. N’ayant que très exceptionnellement été pris pour cible des belligérants, elles se signalent et se soutiennent en étant groupées. Ces collectifs constituent une défense efficace contre les guerriers. Lors du tsunami et par la suite, une telle attitude se retrouve et chacune des personnes interviewées prendra soin de préciser son village d’origine, ou son quartier. Bien plus, elles feront toujours référence à des déplacements groupés et lorsqu’une partie du village a été perdue, la narration évoque leurs destins et explique la raison de la séparation. Un pécheur qui se trouvait en pleine mer au moment du tsunami a ainsi pu retrouver sans grands soucis les habitants de son village et sa famille près de huit heures plus tard. Les populations ne se sont pas perdues mais au contraire, ont cheminé ensemble ou se sont vite retrouvées. Ces groupes sont autant de collectifs qui assurent la défense, forgent la solidarité et offrent aux ONG des ensembles de bénéficiaires repérables.

Encadré 2 : le vocabulaire et les programmes des catastrophes naturelles et du conflit

Conflit, inondations, tsunami, mobilisent un vocabulaire identique lorsqu’il s’agit d’évoquer le sort des populations. Ainsi, il sera toujours question, dans les documents administratifs, dans la presse et dans la bouche des populations de « affected persons » ou « affected families », les habitations sont, elles, « fully dammaged » ou « partly ». Il est intéressant de noter que le document de recensement pour le district de Batticaloa en 2002 offre un détail des bateaux, moteurs hors bord et filet de pèche perdus ou détruits lors du « conflit ethnique ». Un prêt de la Banque Mondiale est aussi annoncé le 22 décembre et il prévoit de reconstruire 46 000 maisons, dans le Nord et l’Est du pays, pour des familles « pauvres affectées par la guerre ».

Il est aussi instructif de noter que, pour le même district, les inondations qui ont précédé le tsunami aurait « affectées » 51 558 familles selon le Daily News du 16 décembre et 62 000 selon les décomptes du 17 décembre. Ces chiffres sont de toute évidence fantaisiste puisque le nombre total de familles, selon le recensement est d’un peu plus de 63 000 familles pour tout le district. Mais celui des 3 000 familles déplacées par les inondations paraît plus proche de la réalité. Une aide financière directe est annoncée dans le même quotidien à la date du 22 décembre après la visite du Premier ministre dans les régions « affectées » et des repas secs pour les familles sont prévus. Tout un programme est d’ailleurs annoncé à cette occasion, il prévoit d’associer les différentes agences de l’ONU, PNUD, UNHCR, OMS, FAO… pour améliorer le système de santé, distribuer de la nourriture, améliorer l’habitat et l’état des routes (Dailly News du 23 décembre 2004). Des inondations, suivies d’une sécheresse, s’étaient déjà produites l’année précédente.

Et puis, il y a les inondations qui ont précédé le tsunami. A la question « comment avez-vous choisis votre refuge ? », les habitants de Batticaloa évoquent la hauteur par rapport à la mer des édifices et l’expérience des inondations, à Vakarai ce sont parfois les DS qui orientent les familles vers les écoles qui, il est vrai, se trouvent plus près de la mer, mais ils les conduisent précisément dans les écoles que certains venaient de quitter avant le tsunami. L’habitude est prise de se réfugier dans les écoles lorsque la maison devient inhabitable et dans ces écoles et temples, les populations sont au sec et les distributions se font régulièrement.

Les relevés pluviométriques de la région de Batticaloa attestent de pluies importantes qui ont cessé une semaine avant le tsunami (elles ont repris peu de temps après). Les quotidiens indiquent que la côte est atteinte par des pluies torrentielles, le vocabulaire employé est d’ailleurs identique (cf. encadré 2). Le Premier ministre se déplace et promet une aide rapide aux populations qui prendrait la forme de versement en espèce et de ration d’aliments secs (c’est presque exactement ce qui a été mis en place par le gouvernement mais après le tsunami). Il y des procédures bureaucratiques qui semblent rodées.

Il y encore le cyclone qui en 1978 détruit une partie de Batticaloa et qui est resté dans les mémoires. Il y a enfin le conflit dont attestent encore quelques bâtiments en partie détruits, des maisons incendiées et surtout la présence militaire qui se renforce au fil de notre séjour. Tout cela contribue à expliquer la résilience des populations, leur « habitude », mais est-il possible de s’habituer à ces situations, ne devrait-on pas plutôt parler de familiarisation (H. Lebras) avec la catastrophe et de stratégies acquises par une expérience collective, c’est-à-dire partagée ?

L’aide à sa place au sein de cette expérience, les populations savent l’acheter faire le geste qui permet à l’aide de leur parvenir, être un partenaire efficace de cette aide et parfois, comme lors de certaines distributions, revendicatif, comme si cette aide leur était due. Je sais combien ce constat peut être dérangeant et pour dissiper tout malentendu, il n’indique pas que ces populations ne souffrent pas, qu’elles se « serviraient » de l’aide mais plutôt qu’elles sont prêtes à faire certains sacrifices pour l’obtenir et que lorsque l’aide n’est pas au rendez-vous, elles peuvent s’en plaindre, devenir même violentes. Elles comptent sur l’aide ce qui ne signifie pas qu’elles ne dépendent que d’elle. Nous verrons combien cette distinction est importante lorsque nous abordons les questions de reconstruction.

 

De l’incertitude radicale au risque

La peur a guidé les pas des sinistrés dans les instants qui suivent la catastrophe. Cette évacuation se fait toutefois en bon ordre, par groupes, malgré une situation bien incertaine. Nous avons montré comment, les populations ont pu assurer leur survie rapidement, la stratégie collective joue dans ce schéma un rôle important. L’approche économique offre pourtant de bien pauvres outils pour penser ces situations limites

Il existe un article assez ancien sur l’économie d’un camp de prisonnier durant la deuxième guerre mondiale, Radford, « The Economics of a POW camp » qui aborde une approche théorique intéressante, celle d’une économie de l’échange et sans production puisque les prisonniers disposent des colis de la croix rouge. Un des résultats étonnant de cet article est de noter que vers la fin de la guerre, ce camp situé en Allemagne connaîtra des prix inférieurs aux prix locaux hors du camp. Ce résultat s’applique partiellement à la situation dans l’Est du pays. Une abondante littérature et des programmes de recherches se sont développés sur les situations de conflits avec une orientation principale, celle de mieux comprendre les facteurs économiques des conflits ou leurs conséquences, l’économie interne des conflits et des situations d’urgence reste un continent bien peu exploré alors qu’il paraît crucial pour comprendre à la fois les « racines » économiques des conflits, leurs conséquences mais aussi l’impact de l’aide d’urgence comme de la reconstruction…. Elles prédiraient une flambée instantanée des prix là où les dons et des réseaux d’échanges plus subtils, pour le premier groupe de réfugiés de Vakarai notamment, se sont développés. Il ne s’agit pour autant d’une mise entre parenthèses des relations économiques, ces dernières, inscrites dans des relations sociales données, dans un contexte donné, celui d’une région longtemps soumise au conflit et aux catastrophes naturelles de moindre ampleur, se développent avec ces relations sociales et ce contexte, elle l’intègre et y sont intégrées. L’acteur économique central est alors collectif, essayons de mieux comprendre cette question.

Placé en situation d’incertitudeL’incertitude, ou incertitude radicale, est une situation dans laquelle il est impossible d’affecter une loi de probabilité sur les évènements futurs, dans une situation de risque une telle loi existe (Knight)., d’un point de vue économique, les populations se regroupent et réduisent leur sentiment d’incertitude en liant leurs destins. En s’appuyant sur les ressources dont elles disposent et selon les contraintes qu’elles connaissent – possibilités de circulation, dangers potentiels, nécessités – elles s’efforcent de transformer cette incertitude en risque. Cette transformation dépend des ressources disponibles et de la capacité des populations à les mobiliser. La clef dans la situation post-tsunami a résidé dans la sauvegarde du collectif, le village ou le quartier, qui a été la trame de la première solidarité tout en fonctionnant comme un agent redistributif des ressourcesDes clivages apparents existent au sein des groupes de même que des familles qui y tiennent une place à part, il a toutefois été difficile de bien comprendre cette situation délicate.. Le collectif est aussi un levier pour mobiliser les ressources, il permet de faire des déplacements assez sûrs jusqu’aux réserves alimentaires et de permettre une identification directe des sinistrés.

D’un point de vue strictement économique, le mécanisme à l’œuvre a rarement été mis en lumière. Il consiste à agir collectivement pour transformer une condition, mais pas seulement dans le sens d’une amélioration de cette condition, dans le sens surtout d’une transformation radicale de la situation qui d’une incertitude est devenue un ensemble de risques. L’outil de cette transformation est la mise en commun du présent et des futurs possibles, ce que l’économiste signalerait prosaïquement par une fonction d’utilité ou de préférence. Toutefois le modèle traditionnel de l’économiste est incapable de saisir l’interaction forte entre trois questionsSoulevées notamment par F. Eymard-Duvernay et alii [2003]. : la rationalité des agents, leur coordination et leur conception du bien commun. Dans les moments qui suivent le tsunami, le comportement rationnel qui s’impose est celui d’une action collective, et donc coordonnée, cimentée par la solidarité du groupe. La survie des uns passe par celle des autres, d’un point de vue éthique et politique mais aussi économiquement. Or cette coordination va trouver un appui sur l’existence du groupe et sur une forme de gestion collective de l’aide. Bien plus, en insistant sur l’aide venue des villages cingalais, les sinistrés marquent une forme de reconnaissance et indiquent que le groupe de solidarité s’est élargi, que la solidarité entre populations a joué, qu’ils représentent un groupe de civils et non la « base arrière » du LTTE. A l’inverse, l’aide venue des villages cingalais constitue certes un mouvement affectif de solidarité mais c’est aussi une brèche ouverte dans le conflit, un appel à la paix par l’aide humanitaire.

La cadre sur lequel s’est appuyée la coordination est celui expérimenté lors du conflit et des inondations. La catastrophe, dans sa forme comme dans son ampleur, est l’irruption d’une situation potentiellement dangereuse pour les survivants, d’une incertitude radicale quant à l’avenir. La reconstitution immédiate d’acteurs collectifs qui s’appuient sur les cadres préalablement établis et adaptés assure dans un même mouvement la coordination des individus et des familles entre elles, la survie et permet de voir une conception du bien se développer.

S’il est apparu que les pouvoirs publics ont délégué une partie cruciale de l’aide aux ONG, elles ont eu le souci de maintenir et de favoriser la reconstitution des collectifs. Il peut certes s’agir de la part du gouvernement de ne pas lâcher une forme de contrôle des populations, de simplifier sa tâche en traitant avec des groupes plutôt que d’avoir à faire à des individus, mais il y a aussi la volonté de déléguer une partie de la gestion de l’aide aux populations elles-mêmes qui en deviennent les acteurs. D’ailleurs, l’Etat aide financièrement et directement les familles pour les frais de funérailles et il prend en charge la lourde tâche d’assurer aux populations la possibilité de reconnaître les victimes dans des centres qu’il met en place. Il prend en charge la gestion des morts, coordonne une partie de l’aide et laisse le soin aux collectifs de gérer cette aide directement avec les ONG. L’incertitude est réduite en risque dont la co-gestion appartient aux bénéficiaires et aux ONG.

 

Conclusion

Au terme de la première semaine, la survie des populations était assurée. De la part des ONG présentes localement, la coordination était assurée, les camps visités, les diagnostiques médicaux et sanitaires en bonne voie d’achèvement, les actions à prendre cernées, les distributions de tentes, d’eau, de nourriture la mise en place de sanitaires… engagés. Le gouvernement restait relativement discret mais assurait ses tâches administratives presque habituelles. La situation d’urgence avait donné lieu à une action réussie qui tient aussi à la nature de la catastrophe qui a laissé peu de blessés et à une bonne couverture médicale et vaccinale du pays qui a enrayé les risques d’épidémiesLes « situation report » régulièrement produit par OCHA atteste de cette situation. Si le premier de ces rapports, pour la période du 26 au 31 décembre 2004 fait état de besoins alimentaire dans son introduction générale, dans la suite du document l’examen détaillé de la situation dans trois districts infirme le constat initial en jugeant bonne ou correcte, selon le district, la situation alimentaire.. Cette première semaine aurait pu rester dans les annales de l’urgence comme un succès réalisé en un temps record si…

La deuxième semaine n’avait vu le débarquement d’une foultitude d’organisations de tailles diverses venue chacune dépenser les sommes recueillies auprès des généreux donateurs. Expliquer les raisons qui ont amené à un tel élan de générosité internationale dépasse le cadre de cette étude, les conséquences de cette déferlante d’aide ont toutefois été soulignées par tous les interlocuteurs membres d’ONG sur place : celui d’une anarchie dans les distributions, les soins, de problèmes impossibles à gérer de coordination entre ONG, d’un sentiment général de gâchis et de disproportion entre les moyens déployés et les besoins des populations.

De ce point de vue, une distinction importante est à faire entre les ONG sur place précédemment et engagées sur des programmes de développement mais dont l’action proche du terrain a permis de faire face à l’urgence même quand ce n’était pas leur spécialité, les ONG rompues aux situations d’urgence et qui, pour la plupart, ont su évaluer la situation rapidement et adapter leur aide par exemple en distribuant des tentes puisque c’était la priorité, et la grande majorité des ONG, parties pour faire face à une urgence médicale et qui n’ont pas pu ou su re-qualifier leur intervention.

Ces dernières ont pu avoir des effets négatifs en se substituant, notamment dans le domaine médical, aux ressources localesEt pourtant, l’information était disponible ainsi les statistiques et les analyses de l’OMS indiquaient un taux de couverture vaccinale proche de celui des pays développés, des analyses sur le système de santé sri lankais étaient disponibles, elles font état d’une couverture sanitaire dense. Dans un « situation report » daté du 6 janvier OCHA indique que la situation médicale, y compris dans les camps, est correcte, le rapport ajoute que « de nouvelles équipes médicales arrivent tout de même dans les régions affectées ». Les programmes de soutien « psychosocial » se multiplient.. Mais leur présence a souvent été de courte durée (trois semaines pour certaines). D’un point de vue économique, leur impact a été faible ou nul. Les distributions qu’elles ont pu faire sont arrivées aux populations, peut être n’ont-elles pas toujours su bien définir la cible privilégiée mais il m’est difficile de l’affirmer avec certitude puisqu’un mois et demi plus tard, à la mi-mars, il ne restait plus trace de la plupart de ces ONG. Le souvenir qui restait était celui d’un grand embouteillage de l’aide sans réelle efficacité et sans grande utilité.

 

Annexes à la section 1

Annexe 1

Liste des entretiens réalisés

Paris

-Marie-Noëlle Rodrigues, MSF Paris.

-Pascal Vignier, MSF Paris

-Francisco Diaz , MSF Paris

Colombo

-Administration de terrain MSF : Djamila Mili

-Logisticien (informatique) MSF : Frédéric

-L’ex-Chef de mission MSF : Eduardo

-Office statistique

-Ministère de la Santé

-WHO

Batticaloa

-Les membres locaux et internationaux de l’équipe MSF

-Université de Batticaloa : le gestionnaire de la base de donnée sur les victimes de tsunami, M. K.

-Sathiyasekar

-La responsable de l’ONG Terre des Hommes

-Des volontaires de l’ONG ACF dont le chef de mission

-Un médecin de l’hôpital, M. Ganeshsan

-Des membres de la Sri Lanka Monitoring Mission dont la chef de district adjointe, Elisabeth Settemsdal

-Un prêtre

-Des membres de Croix Rouge sri lankaise

-Le DS et le GA de Batticaloa

-People’s Bank, le directeur de l’agence de Batticaloa

-Ceylon Bank

-PAM/WFP : S. Kumara Gunaretnam, coordinateur pour le district

-FAO : M. Kumara

-UNHCR : M. Jake Morland

-Un membre de l’ONG internationale Save the Children : Valerio Pavan

-La responsable de l’ONG néerlandaise CORDAID : Freja Grapendaal

-Des membres de l’ONG internationale OXFAM

-Entretiens avec des réfugiés dans les camps suivants :

Central Methodist College (475 familles au total)

Paddy Market Camp (281 familles)

Zaheera College (305 familles/transit)

Sinhala Maha Vidyalayam (216 familles)

Vakaraï

-Les membres locaux et internationaux de l’équipe MSF

-L’administrateur du bureau du DS

-Le responsable de l’ONG locale KPNDU

-Un principal de collège

-Des membres de la Croix Rouge italienne

-Des volontaires de l’ONG internationale MAG (déminage)

-Des employées d’une coopérative locale de lait

-Les responsables de l’équipe locale de l’ONG TRO (Tamil Relief Organisation)

-Un membre du LTTE

-Un membre du PAM/WFP en visite sur le terrain

-Entretiens avec des réfugiés dans les camps suivants :

Kathiravelly (411 familles)

Panichankeeni (333 familles)

Uriyankaddu (412 familles)

Palchenai (253 familles)

Kirimichai / 2nd Mile Post (111 familles)

Mavadyodai (camp improvisé sur le terrain d’un particulier, 16 familles)

 

Economie de la Survie

Sri Lanka – District de Batticaloa

Termes de Référence

Vladimir Najman 18 Février 2005

Contexte et problématique générale

Le tremblement de terre du 26 décembre 2004 a frappé de larges zones du Sri Lanka particulièrement à l’Est et au Nord de l’île (cf. cartes sur le site du centre national des opérations au Sri Lanka, http://www.cnosrilanka.org/). Le bilan des victimes est de plus de 31 000 morts, 6 300 personnes disparuesSources : Rapport conjoint de la Banque Asiatique de Développement, la Banque Japonaise de Coopération et la Banque Mondiale, “Preliminary Damage and Needs Assessment”, 10-28 janvier 2005, cité comme “ADB et alii” dans la suite de ce document. et environ 900 000 personnes déplacéesSources : MSF, “Tsunami en Asie : Un mois après la catastrophe – présentation des opérations de Médecins Sans Frontères”, 31 janvier 2005. Le rapport ADB et alii cité plus haut fait état de 443 000 personnes déplacées dont 217 000 hébergées dans des camps..

Du point de vue économique, les pertes atteindraient 1 milliard de dollars US soit 4,5 % du PIB (ADB et alii, mais les évaluations sont très fluctuantes). Elles ont particulièrement frappé le secteur de la pêche et celui du tourisme. Les ménages ont été durement éprouvés puisque près de 100 000 maisons ont été détruites (cf. rapport ADB et alii pour une évaluation du détail des destructions).

MSF est présent sur la côte Est notamment dans les districts de Vakarai (MSF France) et d’Ampara (MSF Espagne).

L’aide internationale s’est rapidement et massivement mobilisée toutefois il apparaît que les populations ont réussi, au moins pour une partie d’entre elles, à trouver les moyens économiques et sociaux de faire face aux conséquences du tsunami.

La question se pose alors, d’une part, de mieux connaître les moyens utilisés par les populations pour survivre, d’autre part d’évaluer, à partir du devenir des ménages, les effets de l’aide internationale sur cette économie.

 

Méthodologie

Exploitation des données statistiques existantes

L’université de Colombo a réalisé, dans les jours qui ont suivi le tsunami, une enquête sur les pertes et la situation de la population dans les régions les plus affectées par la catastrophe. 25 000 ménages ont été interrogés et les résultats seraient disponibles pour une exploitation statistique que nous conduirons afin d’évaluer la situation des ménages au lendemain de la catastrophe.

L’exploitation de cette enquête se double d’une analyse des données épidémiologiques, par exemple la sur-mortalité infantile selon le découpage géographique et temporel le plus fin possible (données hebdomadaires si possible). L’évolution des données sanitaires étant un bon indicateur de l’évolution de la situation économique (par exemple dans les pays en transition l’évolution de la tuberculose indique un appauvrissement de la population mais attention elle indique aussi une dégradation du système de soins).

Sachant que les données existent, cette analyse est possible et nous semble importante à conduire, les résultats constitueront un élément du cadre général de l’étude. Toutefois, ils ne permettent pas de donner une réponse sur les moyens de survie des populationsElle mesure un état et non une dynamique de survie ni les ressources mobilisées pour atteindre cet état, si l’enquête est répétée elle permettra de faire de la statique comparée.. Il est donc indispensable de mener une analyse qualitative qui constitue le cœur de notre travail.

Une enquête qualitative auprès de plusieurs ménages dans Le district de Batticaloa où MSF est présent

L’enquête qualitative menée par entretiens approfondis auprès d’un nombre limité de ménages (une vingtaine au minimum par site) vise notamment à comprendre comment les familles ou les personnes seules ont réussi à survivre économiquement et socialement immédiatement après le tsunami et dans les semaines et les mois qui suivent. La méthode employée consiste à commencer par refaire le budget de la famille (financier mais aussi les approvisionnements en nature)L’entrée par le budget offre de multiples avantages qu’il serait un peu long de décrire ici, soulignons que le budget permet de “parler de tout” et le fait qu’il est nécessairement équilibré (éventuellement par les dettes) permet d’être assez précis (mais les incohérences sont aussi une information précieuse).. Cette entrée permet de comprendre aussi bien la structure de la consommation, les modes de ravitaillement (donc les échanges), les revenus, les emprunts éventuels et l’aide internationale, son utilisation et les principaux manques repérés.

L’objectif est aussi d’essayer de reconstruire ce budget et les modes de survie dans le temps afin de dresser la chronologie de l’économie de la survie vue à partir des comportements des ménages et des ressources qu’ils ont pu mobiliser. L’étude devrait permettre de mettre à jour les dynamiques collectives et les stratégies individuelles à l’œuvre.

Des relevés et des observations directes sur les marchés (prix), déchargements des camions d’aide (répartition de l’aide et mode de distribution), situation dans quelques hôpitaux et camps de déplacés permettent de recueillir des informations complémentaires de celles de l’enquête auprès des ménages.

L’étude se déroulera dans le district de Batticaloa, sur la côte Est du pays, où MSF est présent. Des entretiens seront conduit à Colombo avec des responsables du gouvernement, des responsables d’ONG et d’organismes donateurs.

Analyse des politiques internationales et locales d’aide et de reconstruction

L’analyse des documents et des politiques d’aide internationale mais aussi de l’utilisation de l’aide par ou avec les autorités locales constitue un complément sur l’aide, sur sa répartition et les taxations potentiellement à l’œuvre.

La reconstruction ne se fait jamais à l’identique et il sera intéressant d’évaluer les changements induits par l’aide internationale (mouvements de populations, expropriations...).

Résultats escomptés

Les résultats escomptés permettraient de mieux comprendre le contexte économique et social des interventions d’urgence et de reconstruction afin de mieux respecter le tissu économique et social existant et d’apporter l’aide aux populations les plus vulnérables et sous la forme la plus adaptée.

Il est toutefois crucial que cette étude reste proche des questions qui émergent du terrain et des opérationnels. Par exemple : les groupes cibles ont-ils été bien définis ? L’évaluation des besoins est-elles réaliste ? Les moyens d’aide sont-ils appropriés ? Tout en restant dans le cadre de la problématique fixée, la souplesse de l’analyse est l’une de nos priorités.

Carte A1 : Les divisions du District de Batticaloa

image

Carte A2 : Les sous-divisions du district de Batticaloa

image

Tableau A1 : Sinistrés réfugiés dans des camps (y compris provisoires)

Districts

Nombre de familles en 2003

Nombre de familles affectées au 27 décembre 2004

Familles dans les camps au 3 janvier

Familles dans les camps au 4 février

Familles dans les camps au 4 mars

Vaharai / Koralai Pattu North

5 227

5 027

4 118

2 681

2 681

Koralaipattu Centre

6 949

327

1900

-

-

Oddamavadi / Koralai Pattu West

6 681

215 800

-

-

Valaichenai / Koralai Pattu

6 027

5 850

2 346

257 257

Kiran / Koralai Pattu South

8 084

1 135

550 67 67

Chenkalady / Eravur Pattu

17 390

8 258

1 737

95 95

Eravur Town

8 139

175  

-

-

Batticaloa / Manmunai North

19 334

13 350

10 590

2 002

1 728

Vavunathivu / Manmunai West

7 380

827

-

-

-

Kattankudy

10 631

6 683

6 283

592 592

Arayampathy / Manmunai Pattu

7 963

5 820

3 256

279 279

Paddipalai /

Manmounai South West

6 011

1 000

2 518

-

-

Vellavely / Porativu Pattu

11 895

1 270

2 655

-

-

Kaluwanchikudy / Manmunai South and Eruvil Pattu

14 787

13 780

7 580

169 169
 

136 498

63 717

44 333

6 142

5 868

Source : Gouvernement (Tsunami Disaster Information Unit District Secretariat Batticaloa)

Tableau A2 : Sinistrés réfugiés dans leur famille ou chez des amis

D.S. Division

 

Familles logées chez des amis ou la famille

 
 

au 3 janvier

au 4 février

au 4 mars

Vaharai / Koralai Pattu North

-

150 150

Koralaipattu Centre

-

-

-

Oddamavadi / Koralai Pattu West

-

-

-

Valaichenai / Koralai Pattu

1,050

1 050

1 050

Kiran / Koralai Pattu South

-

-

-

Chenkalady / Eravur Pattu

1,236

1 236

1 236

Eravur Town

-

-

-

Batticaloa / Manmunai North

2,760

2 760

2 760

Vavunathivu / Manmunai West

-

14 14

Kattankudy

400

1 664

1 664

Arayampathy / Manmunai Pattu

625 625 625

Paddipalai / Manmounai South West

-

-

-

Vellavely / Porativu Pattu

1,615

-

-

Kaluwanchikudy / Manmunai South and Eruvil Pattu

5,200

2 104

2 104

Total

12,886

9 603

9 603

Source : Gouvernement (Tsunami Disaster Information Unit District Secretariat Batticaloa)

Tableau A3 : relevés épidémiologiques pour la région de Batticaloa

La colonne A indique les nouveaux cas enregistrés, la colonne B le cumul depuis le début de l’année.

 

Fièvre Dengue

 

Dysenterie

 

Encéphalit e

 

Fièvre entérique

 

Leptospiro ses

 

Fièvre typhus

 

Hépatite virale

 
 

A

B

A

B

A

B

A

B

A

B

A

B

A

B

Semaine du 18

au 25 décembre

0

101

0

69

0

2

0

35

0

2

-

-

0

113

Source : Ministère de la Santé du Sri Lanka

Tableau A4 : Relevés épidémiologiques

 

Fièvre Dengue

 

Dysenterie

 

Encéphalite

 

Fièvre entérique

 

Leptospirose

 

Fièvre typhus

 

Hépatite virale

 
 

A

B

A

B

A

B

A

B

A

B

A

B

A

B

Semaine du 18 au 25 décembre

75

15414

61

10063

1

110

31

2987

12

1247

-

-

9

2217

Ministère de la Santé

Tableau A5 : Relevé épidémiologique par camps

  MOH Area

No.of Camps

Pop.

 

     

Diseases

 

 

 

  Diarrhoea   Viral Fever  

Dysentery

 

Respiratory Tract Infe

 
       

A

B

A

B

A

B

A

B

14 janvier

Batticaloa

19

25033

5

49

170

170

0

8

40

145

 

Kattankudi

7

4666

5

46

55

55

0

7

72

121

 

Kalawanchikudi

13

8559

8

66

48

165

1

3

68

185

 

Valachchenai

3

1737

1

29

36

252

0

13

36

207

 

Vakarai

8

9118

19

71

77

172

6

15

49

28

 

Chenkalady

1

470

8

41

48

67

0

3

36

164

 

Arayampathy

     

7

 

15

0

1

0

32

 

TOTAL

 

49583

46

309

434

896

0

50

0

882

21 janvier

Batticaloa

17

16187

1

50

48

218

 

8

35

180

 

Kattankudi

7

4666

0

46

34

89

 

7

13

134

 

Kalawanchikudi

7

4862

8

74

28

193

0

3

31

216

 

Valachchenai

2

1737

1

30

38

290

 

13

17

224

 

Vakarai

8

8756

16

87

42

214

0

15

29

106

 

Chenkalady

1

525

3

44

16

83

 

3

5

174

 

Arayampathy

   

0

7

 

15

 

1

 

32

 

TOTAL

42

36733

29

338

206

1102

0

50

130

1066

Semaine du 8 au 14 janvier

Batticaloa

17

16 187

6

50

17

235

1

8

14

194

 

Kattankudi

7

4 666

-

46

8

97

-

7

7

134

 

Kalawanchikudi

7

4 862

4

74

15

208

-

3

8

224

 

Valachchenai

2

1 737

1

30

8

298

-

13

5

229

 

Vakarai

8

8 756

4

91

8

222

3

18

9

115

 

Chenkalady

1

525

-

44

8

91

-

3

9

183

 

Arayampathy

   

-

7

-

15

-

1

-

32

 

TOTAL

42

36 733

15

342

64

1

166

4

53

52

1

111

janvier

Batticaloa

17

16 187

5

55

17

252

-

8

8

202

 

Kattankudi

7

4 666

1

47

5

102

-

7

4

138

 

Kalawanchikudi

7

4 862

4

78

9

217

-

3

5

229

 

Valachchenai

2

1 737

3

33

7

305

-

13

7

236

 

Vakarai

8

8 756

2

93

6

228

4

22

9

124

 

Chenkalady

1

525

2

46

4

95

-

3

6

189

 

Arayampathy

   

-

7

-

15

-

1

-

32

 

TOTAL

42

36 733

17

359

48

1214

4

57

39

1150

Semaine du 8 au 14 janvier

Batticaloa

14

7 716

2

57

11

264

-

8

7

209

 

Kattankudi

9

2 379

2

49

6

108

-

7

3

141

 

Kalawanchikudi

1

674

-

78

7

224

-

3

5

234

 

Valachchenai

1

747

3

36

5

310

-

13

6

242

 

Vakarai

9

9 634

2

95

8

236

-

22

3

127

 

Chenkalady

1

414

2

48

2

97

-

3

4

193

 

Arayampathy

   

-

7

-

15

-

1

-

32

 

TOTAL

35

21 564

11

370

39

1254

-

57

28

1178

Semaine du 8 au 14 janvier

Batticaloa

14

7 716

-

57

-

264

-

8

-

209

 

Kattankudi

9

2 379

-

49

-

108

-

7

-

141

 

Kalawanchikudi

1

674

-

78

-

224

-

3

10

244

 

Valachchenai

1

747

1

37

-

310

-

13

-

242

 

Vakarai

9

9 634

3

98

12

248

-

22

-

127

 

Chenkalady

1

414

-

48

-

97

-

3

2

195

 

Arayampathy

   

-

7

-

15

-

1

-

32

 

TOTAL

35

21 564

4

374

12

1266

-

57

12

1190

 

Source : données recueillies par les ONG

image

Pour citer ce contenu :
Vladimir Najman, « Economie de la survie des populations sri lankaises du district de Batticaloa après le Tsunami de 2004 », 18 février 2005, URL : https://msf-crash.org/fr/catastrophes-naturelles/economie-de-la-survie-des-populations-sri-lankaises-du-district-de

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