Réfugiés en Tanzanie
Chapitre
François
Enten

Responsable animation scientifique, GRET

François Enten a été chef de mission pour Médecins Sans Frontières. En janvier 2017, il a soutenu une thèse à l'EHESS sur les systèmes d'alerte précoce en Ethiopie intitulé "Les systèmes d’alerte précoce (SAP) en Ethiopie comme jeux d’acteurs, de normes et d’échelles. Fabrique et usage des chiffres de l’aide alimentaire en Ethiopie (2002/2004 et 2016)". 

Date de publication

Conclusion

Jusqu’en 2004 (date de la fin de cette étude de terrain), les SAP éthiopiens ne permettent pas de quantifier précisément ni les récoltes, ni le nombre exact de bénéficiaires, comme le prétend le « système expert » du Net. Il permet tout au plus d’estimer quelles sont les zones agropastorales déficitaires et d’établir les grandes tendances en matière de récoltes et d’élevage. Outre la fonction de vecteur consensuel entre les acteurs institutionnels pour l’attribution de l’aide alimentaire, les résultats du SAP jouent néanmoins un rôle d’alerte précoce dans la mesure où ils invitent à conduire des évaluations plus précises s’accompagnant de mesures quantifiées (récoltes, malnutrition, etc.).

On pourrait rêver que les décideurs admettent cette part d’incertitude aujourd’hui incompressible pour se contenter de grossières tendances. Cela permettrait de réallouer l’énergie et l’argent dépensés aujourd’hui dans l’investissement de forme chiffré au profit de programmes de sécurité alimentaire plus pragmatiques. C’est vers une autre tendance que s’oriente aujourd’hui l’Ethiopie en renforçant le statut et les capacités des agents de développement de terrain dans la collecte des données de base.

S’inscrivant dans un processus évolutif, où le SAP est le produit collectif d’acteurs enrôlés dans une dynamique de négociation le long d’une chaîne décisionnelle, les propositions des différents acteurs institutionnels peuvent effectivement contribuer à améliorer les performances du SAP. L’intégration des approches socioéconomiques de SCF ou des enquêtes nutritionnelles dans les dispositifs d’alerte précoce est à cet égard encourageant. Il est intéressant de continuer à développer les méthodes rapides proposées par le PAM permettant de renforcer les approches pragmatiques des experts, qui ont développé un véritable savoir-faire dans des estimations visuelles adaptées aux contraintes de temps des exercices d’évaluation. Un autre atout serait de travailler le plus régulièrement possible avec des équipes identiques.

Enfin, prenant le SAP comme un simple outil indicateur, les acteurs humanitaires doivent veiller à questionner systématiquement les méthodes de production de données et maintenir une vigilance constante pour explorer et vérifier les réalités de terrain, au-delà des données officielles et de leurs investissements de forme les plus convaincants.